Racine y fait agrandir, par Titus, les états de cette reine. Il est parlé vingt fois des états de Berenice dans la piece, et cette princesse n’eut jamais ni roïaume, ni principauté.
Nodier disait « Pour juger une grande époque de destruction et de renouvellement, comme celle où nous vivons, il faudrait pouvoir se séparer tout à fait du passé et de l’avenir, ne conserver de l’un que des souvenirs sans passion, ne fonder sur l’autre que des espérances sans regrets… On sent partout, dans ce livre, l’inspiration qui a produit Antigone ; et je ne sais par quel mystère qui étonne et qui effraie, il rappelle le langage des fondateurs de la civilisation, comme si la nôtre était déjà détruite : il résulte de ce mélange d’éléments quelque chose qui accable la pensée, mais qui a un caractère monumental très instructif pour le siècle, si les livres remarquables sont les témoins de l’état de la société. […] J’aurai occasion de revenir sur cet état d’abrutissement de l’espèce humaine, posé par le philosophe napolitain, bien avant les rêveries du philosophe de Genève.
Auguste Nicolas6 Si, comme nous le disions récemment, la littérature française est affligée de stérilité, nous n’espérons guères que cet état puisse changer en un instant. […] Tel est l’état actuel de la philosophie.
Elles expliquent des états d’esprit. […] Son âme recherche les grands synthétiques, Poe ou Quincey, l’admirable reporter de l’état pathologique d’un grand soi. […] pour être aimé il faut aimer en état de franchise, et, quand ils sauront, l’aimeront-ils encore ? […] Bourget aime et admire la phrase d’Amiel : un paysage est un état de l’âme. […] Ils admettent Hugo comme un très grand poète, mais non point comme les Parnassiens à l’état de miracle, et ils sont résolus à sortir des routes qu’il a tracées.
Pourtant sa réalité apparaît saisissante dès qu’on examine d’un peu près l’histoire européenne et l’état du monde contemporain. […] Cet état pathologique n’a donc pas les raisons secondaires, infimes, récentes, qu’on a coutume de lui attribuer. […] Le reste de cet enseignement n’est que hors-d’œuvre auxquels l’enfant n’est pas mis en état de s’intéresser. […] Mais il n’en resterait pas moins en état d’agitation permanente, fomentant l’émeute, entretenant un courant d’opinion hostile à l’Etat. […] Dans l’état où nous sommes, fonder de l’espoir sur la pure et simple tolérance, c’est de la puérilité.
Nous aimerions mieux rêver, imaginer et croire que l’homme, à cette époque, doué d’une liberté mystérieuse sans laquelle il n’y aurait rien d’actif et de méritoire en lui, aurait abusé de cette liberté morale pour pécher contre son Créateur et contre sa destinée ; que cette faute ou cette déchéance successive aurait eu pour conséquence une dégradation et une expiation de l’espèce humaine ; que les ténèbres de l’intelligence se seraient épaissies alors sur ses yeux, en ne lui laissant entrevoir pendant longtemps que des lueurs et des mémoires confuses de son état primitif. Nous aimerions mieux rêver, imaginer ou croire que cette même liberté qui le fit déchoir peut le faire remonter laborieusement à son apogée de créature, non plus innocente, mais pardonnée et réhabilitée ; que les ténèbres, le travail, les efforts, les misères, les souffrances, la mort, sont les conditions de l’état présent de l’humanité, et la voie de cette réhabilitation dans la lumière, dans le bonheur et dans l’immortalité. […] Des livres, aussi vieux que les fondements de l’Himalaya, nous parlent de l’homme, de ses sens, de ses formes, de sa stature, de son état physique et moral. […] L’état précédent des êtres est inconnu, leur état actuel est visible, leur état futur est un mystère. […] « Ceux qui, par les yeux de la sagesse, aperçoivent que le corps et l’esprit sont distincts, et qu’il y a pour l’homme une séparation finale qui l’émancipe de la nature animale, ceux-là entrent par l’intelligence dans l’état des êtres. » Vous voyez que cette sublime philosophie, comme la philosophie du christianisme, ne place pas la perfectibilité indéfinie dans ce monde des sens et de la mort, mais dans le monde supérieur de l’âme et de l’immortalité !
Je dois insister davantage sur l’état particulier de l’Allemagne avant Kant. […] M. de Sismondi, dans son bel ouvrage sur les littératures du midi, a tracé le caractère de la poésie de l’Italie et de l’Espagne dans son rapport avec la religion et l’état politique de ces deux pays. […] Le polythéisme scandinave et germanique, attaqué à la fois par l’épée, par la science, et par l’héroïsme jusqu’alors inconnu de la charité, ne put résister et fut vaincu ; avec le paganisme périt la poésie qui naissait de cet état politique et religieux. […] Tel fut l’état philosophique, religieux, littéraire et politique de cette seconde époque. […] Notre âge est l’âge de la critique, à laquelle rien ne peut se soustraire, ni la religion, malgré sa sainteté, ni la loi et l’état, malgré leur majesté.
Mme Valmore se faisait illusion sur l’état de santé de sa fille ; elle ignorait — Ondine elle-même ignorait aussi — la gravité du ravage qui habitait depuis des années sa jeune poitrine et que le régime le plus exact avait pu seul arrêter ou ralentir. […] Les poètes n’y font pas de nids, et les tourterelles mangent comme des ogres… » L’état d’Ondine, à ce second automne passé aux champs, était déjà devenu un sujet d’alarme, et les yeux d’une mère, si crédule qu’elle fût à l’espérance, ne s’y trompaient pas : « … Hors de là, mon cher fils, il faut rentrer dans les détails douloureux, t’avouer que je souffre toujours dans ce même amour de mère, te dire que vingt fois dans un jour une terreur se glisse entre elle et mon regard. […] Mme Valmore soigna elle-même sa fille mourante à Passy, et pendant de longues semaines, elle fut en présence d’un dépérissement étrange, muet, bizarre, d’un besoin obstiné de solitude, d’une sorte de terreur contenue et fermée à toute espérance, à toute lueur distrayante : « (À Mme Derains, 4 octobre 1852)… Il m’est impossible, dans la sincérité de mon cœur, de veus dire quoi que ce soit d’absolu sur l’état de ce que j’aime. […] Ils y restent inédits, à l’état de ces graines cachées dans les armoires, qui sèchent sans avoir été semées. — Par exemple, vos craintes de vivre entre des habitudes perdues et d’autres à refaire, par ce mouvement incessant vers des demeures nouvelles, c’est ma vie. […] … » Ce souhait agréable et sensé, qui est celui de bien des familles, resta toujours pour elle à l’état de rêve.
Pendant les deux années qu’il y consacra, Wagner se trouva dans un état de surexcitation extraordinaire. Après les privations, il était maintenant « avide de jouissances » ; les sensations, les aspirations, l’ambition, « l’ardent désir d’amour », emplissaient son cœur ; il était dans un état d’excitation voluptueuse et dévorante, qui mettait sang et nerfs dans des transports fiévreux » ; son « être entier s’était consumé dans cette création », à tel point, que « l’idée qu’une mort subite le surprendrait » et l’empêcherait de terminer cette œuvre « puisée dans son cœur même », s’empara de lui et le fit poursuivre son achèvement avec une ardeur redoublée (IV, 342-348 ; et Glasenapp, Biogr. : I, 194). Ce qui caractérise Tannhaeuser, c’est que cette œuvre, quoi qu’écrite « avec son propre sang », était destinée par Wagner de très bonne foi au théâtre, qu’il en espérait même un grand succès (IV, 339) ; il ne soupçonnait guère que c’était « son propre arrêt de mort » (IV, 344) qu’il signait ; bientôt il le sut. — Un état d’épuisement physique et moral, de prostration, devait nécessairement suivre ; aussi, la dernière note écrite, se hâta-t-il de prendre un congé. […] Il se sentit « dans un état de complet isolement », — pour lui « ces jours continrent le poids d’une vie entière » (IV, 357) […] On abuse aujourd’hui du mot de pessimisme, qui, pour beaucoup de personnes, est un terme d’opprobre sans signification précise, que d’autres appliquent indifféremment à une théorie philosophique et à un état moral ; dans ce dernier sens, on peut qualifier Lohengrin d’œuvre pessimiste, par excellence. — Or, la foi, l’affirmation, exigent un effort ; affirmer est toujours créer ; le doute n’exige que l’abstention d’une faculté.
Pour pouvoir faire cette étude librement, il me faudra d’abord consacrer quelques pages à la réfutation d’une opinion qu’on répète avec tant de persistance, chaque écrivain empruntant l’idée l’un à l’autre, que bientôt elle sera passée à l’état de fait reconnu et indiscutable. […] Si Wagner avait voulu exposer la théorie du monde de Schopenhauer, il aurait fallu qu’il fit ressortir avec évidence l’opposition entra la Volonté et la Représentation, et ensuite qu’il montrât la Volonté devenue consciente d’elle-même, répudiant la Représentation et entrant, par la Résignation, dans l’état de Sainteté. […] Dans ces écrits il a examiné l’art d’abord, sous tous les points de vue possibles, absolus et contingents, et ensuite le monde — l’état, la religion, la société, etc. — Au point de vue exclusif de l’artiste, donnant ainsi une théorie complète du monde, non point philosophique, mais artistique. […] Jullien nous apprend que c’est « dans l’état d’isolement douloureux et d’absolu découragement où il se trouvait en exil… qu’il se laissa gagner… par une théorie philosophique décourageante entre toutes… » De nouveau, c’est là un mirage d’idées préconçues, qui ne reposent sur rien. […] Le 259 la statue a été découverte au milieu d’une grande affluence, des corps d’état et des sociétés littéraires et artistiques.
L’esprit militaire ne peut exister que lorsque l’état de la société est propre à le faire naître, c’est-à-dire lorsqu’il y a un très-grand nombre d’hommes que le besoin, l’inquiétude, l’absence de sécurité, l’espoir et la possibilité du succès, l’habitude de l’agitation, ont jetés hors de leur assiette naturelle. […] De nos jours, l’état militaire est toujours subordonné à l’autorité politique. […] Dans la guerre de trente ans, au contraire, ces désordres étaient l’état permanent ; et la jouissance d’une liberté grossière et licencieuse, le dédommagement des dangers et des fatigues. […] Cette scène, dans laquelle Tersky, pour les amener à son but, leur rappelle tous les bienfaits qu’ils ont reçus de leur chef, bienfaits dont l’énumération seule forme un tableau piquant de l’état de cette armée, de son indiscipline, de son exigence et de l’esprit d’égalité qui se combinait alors avec l’esprit militaire ; cette scène, dis-je, est d’une originalité remarquable, et d’une grande vérité locale ; mais elle ne pouvait être rendue qu’avec des expressions que notre style tragique repousse. […] Mais le langage de ces assassins est vulgaire, comme leur état et leurs sentiments.
L’analogie des impressions que donnent les deux états suggère le second quand le premier est donné. […] Daudet, un état émotionnel intense. […] L’invention part de l’abstrait et marche vers un état concret toujours plus complexe. […] Ce qu’il y a de nouveau dans un état de conscience est généralement ce qui est le plus exposé à disparaître. […] On supplée par un artifice à la faiblesse de l’esprit en général ou à celle de l’état de conscience que l’on désire préserver.
dans un état pire encore ! […] Mais les accès de sa mélancolie, seule véritable cause de sa réclusion prolongée, succédaient fréquemment à des améliorations momentanées de son état. […] Une crise décisive et favorable, attribuée par lui à un miracle de la Vierge, se produisit dans son état au printemps de 1586. […] Ô madame ma chère sœur, mon état est incurable ; je vous supplie, par la mémoire et l’âme de notre père et de notre mère qui nous ont nourris, de permettre que je vienne auprès de vous, je ne dis pas pour goûter, mais au moins pour respirer cet air des lieux où je suis né ! […] Le Tasse ne se fit aucune illusion sur son état ; il écrivit, le lendemain de son installation à Saint-Onufrio, une touchante lettre à son ami Constantin.
Wagner, au contraire, est devenu musicien par une nécessité poétique, parce que la musique seule pouvait exprimer avec une « certitude absolue » les phénomènes psychologiques, les « états d’âme », qui étaient le fond de ses drames, et que la symphonie musicale devenait ainsi pour lui une partie intégrante et inséparable de la conception poétique. […] Le récit amer et poignant qui tombe avec de douloureux sarcasmes de la lèvre plissée par le désespoir du malheureux excommunié, se poursuit à travers des émotions si navrantes, qu’il s’est rencontré des personnes hors d’état d’y assister jusqu’au bout. […] Voici les plus graves de ces lois : C’est d’abord le passage constant d’un état plus simple, relativement homogène, à un état plus complexe d’hétérogénéité. […] Aujourd’hui nous pouvons constater, à l’état statique, dans le monde actuel, les différents degrés de l’évolution chronologique. […] L’artiste devra limiter la durée de la vie qu’il voudra construire, Il pourra ainsi, durant les quelques heures de cette vie, restituer tout le détail et tout l’enchaînement des idées, On n’aura plus des perceptions isolées, inexpliquées, mais la génération même, continue, des états mentaux.
Voyez un peu comment et dans quel jargon métaphorique il retrace l’état des esprits au sortir du régime de la Terreur, qu’il impute à la philosophie : « Cette philosophie à la fois si destructive et si stérile, cette révolution si radicale et si impuissante, avaient, dit-il, montré l’homme réduit à lui-même dans un état de misère, de crime et de nudité ; il ramenait sur sa poitrine les lambeaux de ces croyances, déchirées à tous les angles du chemin qui l’avait conduit des bosquets du paganisme-Pompadour aux marches de l’échafaud. […] Enfin, après une vague et partiale peinture de l’état des Lettres sous les divers régimes qui se sont succédé depuis cinquante ans, et encore sous le coup de la Révolution de Février, qui le préoccupe extraordinairement, et qui n’a été, après tout, qu’une révolution plus ou moins comme une autre, il en vient à établir son principe et à proclamer son spécifique littéraire, — le mot peut paraître assez naïvement choisi : « Il fallait, s’écrie-t-il, il fallait (au lendemain de cette Révolution) proclamer le spiritualisme chrétien dans l’art, comme le seul spécifique assez puissant pour le guérir (pour guérir l’art, entendons-nous bien), comme la seule piscine assez profonde pour le laver de ses souillures. » Remarquez-vous comme ces esprits chastes, sitôt qu’ils se mêlent de critique, sont continuellement préoccupés et remplis d’immondices et de souillures ? […] Ce père qui refuse sa fille5, qui fait si bon marché de son bonheur, qui la déclare punie pour les fautes d’une autre, et la réduit de gaieté de cœur à l’état de paria pour toute sa vie, M. de Pontmartin l’estime sans doute sublime d’honneur et de délicatesse ; à mes yeux il ne vaut pas mieux que la mère, et il fait pis à sa manière : il fait le mal par préjugé et par orgueil, comme l’autre par abandon.
L’année dernière, elle passa trois mois à Auteuil dans une très-jolie maison qui lui appartient ; Mme de Luxembourg s’y était établie avec elle et partageait la dépense d’un fort bon état qu’elle y tenait ; je ne sais si cette année elle fera de même, je le voudrais ; j’y allais passer la soirée pour le moins une fois la semaine ; elle est fort aimable chez elle, et beaucoup plus que partout ailleurs ; ses ridicules ne sont point contraires à la société ; sa vanité, quoique extrême, est tolérante, elle ne choque pas celle des autres ; enfin, à tout prendre, elle est aimable. […] Dans cette vie de bon goût, dans cet agréable arrangement du déclin, Mme de Boufflers, aidée des grâces de sa belle-fille et doucement passée à l’état de douairière, soutenait fort bien son ancien renom, et l’on comprenait à merveille, en la voyant et en l’écoutant, qu’elle avait pu être non-seulement l’Idole, mais la Minerve du Temple. […] 5° Dans les premiers jours de son retour d’Angleterre (27 avril 1792), on a vu venir chez elle ses anciennes connaissances, ce qui a duré peu de temps… puis elle a vécu très-retirée avec sa fille (bru), son petit-fils, âgé de huit ans et demi, un instituteur réputé bon citoyen, et une Anglaise qui lui est attachée depuis trente-trois ans, veuve d’un Florentin, qui est en état d’arrestation chez elle, avec un garde, depuis la loi sur les étrangers. […] Elle était logée tout près, chez son ancien cuisinier Fauriez, et vivait dans un état voisin de l’indigence.
Nous avons vu Montaigne en voyage, ajoutant chaque jour par sa curiosité à ses connaissances et à ses plaisirs : et en général, il semble n’avoir voulu prendre de chaque état nouveau, de chaque profession ou fonction accidentelle où il entrait, que ce qu’il en fallait pour compléter son éducation personnelle, pour perfectionner son outil intérieur par une application fréquente et variée. […] Dans l’état d’agitation des esprits, on pouvait craindre non seulement une manifestation, mais des accidents et même des coups de vengeance au milieu des salves et mousquetades des soldats citoyens. […] Pour la garde du dedans de la ville, j’espère que vous la trouverez en l’état que vous nous la laissâtes. […] Après cela, il est toujours singulier et un peu fâcheux que, sollicité par les jurats de venir, suivant l’usage, présider, dans les premiers jours d’août, à l’élection de son successeur et à celle des nouveaux conseillers municipaux, il n’ait pas cru devoir se hasarder jusque dans la ville, « vu le mauvais état où elle était », et qu’il ait proposé, pour preuve de dévouement et pour sacrifice extrême, de se rendre tout au plus à un petit village voisin.
Votre Altesse se souviendra sans doute que je lui ai adressé encore cet hiver la prière de me faire donner une destination dans la seule arme dont le service fût compatible avec l’état de ma santé. […] Mais, mon état empirant tous les jours, je me vois aujourd’hui dans la dure nécessité de donner ma démission de l’emploi d’adjudant-commandant. […] Les renseignements essentiels étaient au Dépôt de la guerre ; l’Empereur donna ordre qu’on les communiquât à Jomini ; mais, comme il arrive trop souvent de ces ordres souverains, relatifs à des communications d’archives, les bureaux déjouèrent l’intention formelle du maître, et l’historien ne fut admis à compulser que des états de situation sans importance. […] Croit-il avoir élevé un monument à la gloire de Napoléon en publiant une réprimande écrite en termes déplacés au gouverneur de Wilna, qui, par excès de zèle, osait dépeindre le véritable état des affaires ?
Le voilà en état d’être transporté sur la pierre du foyer et sur le gazon de l’autel. […] Pramâthyus, au travers duquel Prométhée transparaît si visiblement, emporté par les ancêtres de la race grecque, des pentes de l’Hymalaya dans les vallées de l’Hellade, y arriva donc à l’état de fétiche grossièrement incarné, renommé pourtant comme producteur, peut-être aussi signalé comme voleur du feu. […] Par des transitions dont toute trace s’est perdue, il s’est élevé, de l’état de fétiche, au rang de héros et de demi-dieu : mais il habite encore une Mythologie tout aryenne. […] L’homme sort de ses mains à l’état de statue vivante, semblable aux dieux qu’il adorera, digne de les figurer dans leurs temples.
À propos de ce chapitre de la santé, la soi-disant Claire écrira à Jean-Jacques : « Avez-vous pu croire que nous en ignorassions le déplorable état ? […] Sur une lettre pareille à la dernière, Julie se fût moins offensée de mon silence qu’alarmée de mon état ; elle ne se fût point, en pareil cas, amusée à compter des lettres et à souligner des mots ; rien ne ressemble moins à Julie que Mme de… (de La Tour). […] Mais je ris de ma simplicité, de prétendre faire entendre raison sur une situation si différente à une femme de Paris, oisive par état, et qui, n’ayant pour toute occupation que d’écrire et recevoir des lettres, entend que tous ses amis ne soient occupés non plus que du même objet… Je sais, lui dit-il encore avec autant de vérité que d’amertume, je sais qu’il n’est pas dans le cœur humain de se mettre à la place des autres dans les choses qu’on exige d’eux. […] Certes, il est impossible de mieux représenter l’état moral et physiologique de Rousseau ; et, avec un hôte d’une sensibilité si maladive, ainsi livré à la solitude « sans occupation, sans livres, sans société (hors celle de cette misérable Thérèse), et sans sommeil », Hume aurait moins dû s’étonner du résultat.
Dans un Discours sur la théorie de la terre, il cherchait à déterminer au préalable la structure et le mode de formation de ce globe terrestre, théâtre de la vie des animaux et de la végétation des plantes ; il cherchait, d’après les grands faits géologiques alors connus, à en fixer les révolutions successives dès l’origine jusqu’à son état de consistance et de composition actuelle. […] Buffon ne voudrait pas réduire l’homme au bonheur stupide des animaux, mais il voudrait l’élever par la raison à un état de félicité supérieure. […] À la manière dont il parle « de cet horrible dégoût de soi-même, qui ne nous laisse d’autre désir que celui de cesser d’être », on voit que si cette âme calme et supérieure n’a jamais été atteinte du mal des Rousseau, des Werther et des futurs René, elle n’a pas été sans le reconnaître et sans le dénoncer à sa source : « Dans cet état d’illusion et de ténèbres, dit-il, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir. » Le vrai sage, selon lui, est celui qui sait maîtriser ces fausses prétentions et ces faux désirs : Content de son état, il ne veut être que comme il a toujours été, ne vivre que comme il a toujours vécu ; se suffisant à lui-même, il n’a qu’un faible besoin des autres, il ne peut leur être à charge ; occupé continuellement à exercer les facultés de son âme, il perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de nouvelles connaissances, et se satisfait à tout instant sans remords, sans dégoût, il jouit de tout l’univers en jouissant de lui-même.
Je conçois aisément, dit à ce propos Gourville, que, si quelqu’un voyait ces Mémoires, il ne pourrait jamais les croire véritables : les vieux, qui ont vu l’état où les choses étaient dans le royaume, ne sont plus, et les jeunes, n’en ayant eu connaissance que dans le temps que le roi a rétabli son autorité, prendraient ceci pour des rêveries, quoique ce soit assurément des vérités très constantes. […] C’est vers ce temps que menacé lui-même et forcé de s’éloigner, mis à rançon pour des sommes considérables, ayant dans sa maison de Paris des garnisaires qui buvaient son vin de l’Ermitage (ce qui ne lui faisait nullement plaisir), il se retira quelque temps en Angoumois chez M. de La Rochefoucauld, y menant douce et joyeuse vie, et faisant bonne mine aux mauvaises nouvelles qui lui arrivaient chaque matin : Effectivement, nous dit-il, je me représentais ce que j’étais avant ma fortune, et l’état où je me voyais encore. […] Gourville l’en délivra ; il lui procura, ainsi qu’à M. le Duc, son fils, tout l’état honorable d’une grande existence, et de l’argent de reste pour leurs fantaisies d’embellissements. […] Je le crois tout à fait ; je crois que l’étude morale des caractères en est encore à l’état de la botanique avant Jussieu.
Assertions hasardées, systèmes à l’état de dentelles ; on n’invoquerait pas les raisons qui, selon lui, simplifient et éclairent l’histoire, pour se, décider dans la plus vulgaire action de la vie ! […] Ce fut là son état, le dessus de porte de sa pensée et de sa vie, mais l’étude des langues par laquelle il voulait faire son chemin n’en fut pas moins sa manière spéciale de prouver cette non-existence de Dieu, qui est la grande affaire de la philosophie du temps, l’Essai sur le langage, réimprimé aujourd’hui, est le premier essai de cette preuve qu’ait faite M. […] « Cette expression de premier jour (dit-il à la page 19 de sa préface) n’est-elle qu’une métaphore pour désigner un état plus ou moins long durant lequel s’accomplit le mystère de l’apparition de la conscience ? […] Comme tous les savants qui n’ont point la hauteur de la vue adéquate à l’état de leurs connaissances, il aime les bagatelles difficiles.
Que les gens du siècle et les philosophes, et les chrétiens dissidents, ne s’étonnent pas trop de retrouver le clergé français si puissant : un tel corps ne s’écrase pas aisément, il renaît bien des fois ; c’est déjà beaucoup que ce clergé et les intérêts d’ambition encore plus que de conscience qu’il représente, ne soient plus qu’à l’état de parti. […] Dans un tel état des esprits, une foule de jeunes gens sont à la merci du parti qui les enrôlera et qui leur fournira carrière.
Jetée, jeune et pauvre, dans le monde, avec sa beauté et son titre de demoiselle, exposée dès l’enfance aux persécutions des dévots, qui la convertirent à grand’peine, et plus tard chez Scarron, aux galanteries des grands seigneurs qui ne la séduisirent pas, madame de Maintenon se distingua de bonne heure, et dans tous les états, par cette prudence accomplie, cet esprit de conduite, qu’alors on regardait comme la première vertu de son sexe, et qui de nos jours est resté tant à cœur à la haute société monarchique, sous le nom presque sacré de convenance. […] Je voudrais de tout mon cœur, madame, que votre état fût aussi heureux que le mien.
On comprendra aisément que l’emploi en est délicat, puisqu’il faut que le lecteur soit en état d’ajouter et de retrancher, en qualité et en quantité, au sens rigoureux des mots, précisément ce qui leur manque pour équivaloir à la pensée de l’écrivain, dont il n’a point de connaissance directe, et dont il faut lui faire deviner le degré précis et la nuance exacte. […] Souvent c’est l’expression soudaine d’une affinité ou d’une convenance inattendues, d’une qualité, d’une propriété, d’un état dont l’objet ne paraissait pas susceptible : Mathan de nos autels infâme déserteur Et de toute vertu zélé persécuteur.
C’est plus tard qu’on en goûte entièrement la saveur amère, fine et profonde : car elles expriment, je crois, l’état le plus distingué où se puisse reposer soit notre esprit, soit notre conscience. […] Mais on a l’impression que, dans ces deux états si différents, la valeur morale de don Juan reste pareille : c’est la même créature humaine, ici débridée, là terrorisée.
Quel état merveilleusement approprié à nos aptitudes ! […] Je voudrais que l’état de torpilleur devînt la profession noble par excellence, celle des grands idéalistes, à qui l’on donnerait le moyen de rêver tranquillement en ce monde, sauf à les engager, aux heures héroïques, avec quatre ou cinq chances contre une de n’en pas revenir.
Elles imaginèrent de représenter, dans cette apologie, une dame, le chief des dames, l’advocate de toutes les loyales dames du monde ; d’abord triste, abattue, ensévelie dans une douleur profonde ; ne cherchant que la retraite & les bois ; confuse de tout le mal qu’on a dit de son sexe : mais bientôt passant de cet état d’accablement à celui de la fureur & des menaces. […] Ils écrivirent qu’elles avoient mal pris le sens de son livre ; que le roman étoit une allégorie soutenue ; que, par cette rose, l’objet des vœux de l’amant, il falloit entendre la sagesse, ou l’état de grace, ou la sainte Vierge, ou bien l’éternelle béatitude.
En un mot, ses exclamations & ses invectives ne furent pas moindres que celles dont Cicéron se servit à la vue d’une horrible conspiration contre l’état. » Ce discours parut en 1531 ; il fut bientôt suivi d’un autre dans le même goût. […] Après avoir été long-temps réleguée en Italie, elle gagna plusieurs états, & principalement la France.
En un mot, pour parler scolastiquement, l’argument des matérialistes repose sur deux prémisses, dont la majeure peut être ainsi exprimée : Si la pensée est en raison directe de l’état du cerveau, elle n’est qu’une propriété du cerveau ; et la mineure est : Or, il est de fait que la pensée est en en raison directe de l’état du cerveau.
Parcourez toutes les fonctions de la vie, toutes les sciences, tous les arts, la danse, la musique, la lutte, la course, et vous reconnaîtrez dans les organes une aptitude propre à ces fonctions ; et de même qu’il y a une organisation de bras, de cuisses, de jambes, de corps propre à l’état de porte-faix, soyez sûr qu’il y a une organisation de tête propre à l’état de peintre, de poëte et d’orateur, organisation qui nous est inconnue, mais qui n’en est pas moins réelle, et sans laquelle on ne s’élève jamais au premier rang ; c’est un boiteux qui veut être coureur.
Le jeune Ernest Renan, quand il acceptait l’idée d’une vie ecclésiastique, n’imaginait rien d’autre que l’état d’un Malebranche qui fût prêtre et hardi penseur. […] On veut y voir, pour l’ordinaire, un drame de la conscience, une de ces tragédies intérieures qui mirent, certain soir, le pauvre Jouffroy dans un état si propre à la composition littéraire.
En effet, dès qu’une fois les plébéiens ont reconnu qu’ils sont égaux en nature aux nobles, ils ne se résignent point à leur être inférieurs sous le rapport des droits politiques, et ils obtiennent cette égalité dans l’état populaire, ou sous la monarchie. […] … Il faut plutôt que Bodin, et avec lui tous les politiques, tous les jurisconsultes, reconnaissent cette loi royale, fondée en nature sur un principe éternel ; c’est que la puissance libre d’un état, par cela même qu’elle est libre, doit en quelque sorte se réaliser.
A l’origine, notre âme éprouve des sensations, phénomènes de plaisir ou de peine : et c’est les diverses couleurs, résistances, odeurs, ou sonorités, toutes choses que nous croyons des qualités externes, et qui sont, uniquement, des états intérieurs de l’esprit. […] C’est les émotions, la passionnante angoisse et la fervi de joie, états suprêmes, et rares de l’esprit ; elles sont encore un tourbillon confus de couleurs, de sonorités et de pensées : et puis un éblouissement devant ce vertige. […] Malgré elles, cette exposition donnerait une opinion désolante de l’état actuel et futur de la peinture française. […] Pour bien comprendre la position anormale que le Wagnérisme (j’emploie ce nom faute de mieux) occupe chez nous, il faut connaître un peu l’état général de la musique en Angleterre. […] Nous sommes à présent dans un état de transition et il nous faudra encore beaucoup d’années pour nous fixer.
Il dit que toute la société vit aujourd’hui de passif, que tout le monde, à de rares exceptions, passe sa vie dans les dettes, et que les mariages, les successions, et enfin la mort, font durer et mettent en règle cet état général. […] Et le reste du temps, un état trouble de la tête ne me permettant pas de travail, ou ne produisant que du mauvais travail. […] Elle lui déclarait qu’il n’y avait plus rien à faire dans son état : l’amour dans les basses classes ayant, depuis quelque temps, perdu de son enragement. […] Les gens qu’on coudoie, on ne voit pas leurs figures ; le gaz qui commence à s’allumer dans les boutiques y met une lueur diffuse, où l’on ne distingue rien, et la locomotion remue votre cervelle, sans que les yeux soient distraits, au milieu de ces choses endormies, et de ces vivants à l’état d’ombres. […] Il était allongé sur son divan, dans un état de prostration crispée, qui suit la journée d’un ouvrier de la pensée : Je voudrais écrire un dernier livre, soupira-t-il tout-à-coup, oh un dernier livre !
Dans ces différentes successions d’états psychologiques on suit également une succession d’états pathologiques. […] Dans le règne végétal ou chez des animaux inférieurs ou vivant à l’état sauvage, ordre, traduction, exécution sont simultanés, l’instinct se manifeste libre de toute contrainte. Chez les animaux domestiqués et chez l’Homme empêtré dans des notions, cette simultanéité ne se produit jamais à ce que j’appellerais l’état de veille. Il faut certaines circonstances exceptionnelles pour que l’instinct se libère des contingences, circonstances qui dépendent des événements et qui rapportent tout à coup l’état sauvage. […] En aucune manière on ne saurait attribuer ce renversement des valeurs à l’instinct sinon à ce qu’on a appelé improprement l’instinct de destruction qui n’est en vérité qu’une résultante d’un état atrabilaire.
Il sera plus utile d’étudier ces procédés à l’état pur sur des exemples nouveaux. Rien ne sera plus facile d’ailleurs, car c’est souvent à l’état pur qu’on les rencontre dans la comédie classique, aussi bien que dans le théâtre contemporain. […] L’expérience nous présente déjà ce genre de comique, mais à l’état rudimentaire seulement. […] Quand une scène comique a été souvent reproduite, elle passe à l’état de « catégorie » ou de modèle. […] Que dirait-on du chimiste qui aurait les corps à discrétion dans son laboratoire, et qui prétendrait ne les étudier qu’à l’état de simples traces dans l’atmosphère ?
Nous sommes, dans ce cas, en état nonchalant, indolent, en état neutre. […] Nous sommes alors dans un état indolent, indifférent ou même agréable. […] Cette harmonie que l’âme doit chercher à réaliser en elle-même à la fois comme son état naturel et son état idéal, c’est précisément la justice, ou la justice en est un des aspects. […] Probablement c’est, à l’état inconscient et sourdement, la règle même de tout être vivant. […] Nous tirons des esprits les idées qui y sont à l’état confus et qui y dorment.
Ils étaient d’un homme chargé par état, et digne par ses talents, de prêcher la vertu à ses semblables. […] Ce n’est pas non plus par attachement à l’ouvrage que je ne saurais que dédaigner dans l’état où il est. […] Aucunement ; mais de nos moines tels qu’ils sont dans l’état où nous sommes. […] Mais jugez de l’état de mon âme à la lecture des choses touchantes que j’y ai trouvées. […] Depping, que l’état peu satisfaisant de l’empire en 1774 l’ait détourné de son projet ?