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1071. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Ce sont là des choses qui échappent à toute démonstration. […] Elles gardaient cette tranquillité virginale dont elles s’arment lorsqu’un étourdi laisse échapper une gaudriole devant elles. […] Un jour, elle lui échappa, et il en fut navré. […] Si la soubrette a pu surprendre ce secret, à plus forte raison n’a-t-il pas dû échapper à Elmire qui est intéressée à la chose. […] Car l’auteur l’a marquée en traits si expressifs qu’on ne saurait y échapper.

1072. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

De loin en loin, l’un d’eux échappe à la mort, il éclaire. […] Pour notre héroïne, il n’y a pas de suicide, mais reprise, après l’abandon du « séducteur », de la vie triste et monotone à laquelle elle avait cru échapper. […] interrompit Charles, qui connaissait son affaire sur le bout du doigt ; maintes fois il avait échappé aux recors en leur prouvant l’absence de telle ou telle formalité. […] Les femmes qui avaient échappé à l’ennemi s’étaient réunies peu nombreuses sur un point et étaient comme folles ; elles poussaient des cris inarticulés et nous montraient leurs enfants. […] Pas un murmure ne s’échappe de leurs bouches, pas une parole amère : « Que voulez-vous, mon Prince, me disent-ils, ne sommes-nous pas à l’armée ? 

1073. (1924) Critiques et romanciers

Son œuvre nous échappe ; et son histoire, également. […] La réalité nous échappe ; et nous vivons parmi les apparences. […] Il n’a pas converti à sa douce religion tous les barbares, mais il a finalement échappé à leurs entreprises. […] L’on ne saurait copier avec minutie la réalité : elle échappe à notre enquête. […] Estaunié n’avoue-t-il pas qu’elle échappe à son investigation ?

1074. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

S’il faut reconnaître que la métaphysique pure échappe le plus souvent à l’étreinte de la versification  dès qu’elle aborde les questions humaines et où le cœur s’intéresse, dès qu’il s’agit de nous et de notre destinée, la poésie peut intervenir. […] Et parfois, en effet, l’impression est ténue jusqu’à s’échapper et fuir entre les mots, comme une fumée entre des doigts qui ne peuvent la retenir, si souples et agiles qu’ils soient. […] Par elle il échapperait au pessimisme pédant et à cette conception brutale de la vie qui est si tristement en faveur. […] N’y en a-t-il pas qui lui échappent en partie et sur lesquels, si je puis dire, sa juridiction n’est pas absolue ? […] Et voyez comment l’auteur échappe par là au reproche d’obscénité volontaire.

1075. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Sarcey ne devrait pas échapper tout à fait aux gens d’intelligence moyenne, dont je suppose que je suis. […] Ariste. — C’est donc par distraction que cela vous est échappé ? […] Ainsi un homme qui marche à l’intérieur d’une maison, si nous regardons du dehors, apparaît successivement à chaque fenêtre, et dans les intervalles nous échappe. […] Tu n’échapperas pas à Dieu !  […] A un moment, la jeune femme qui prête à Venus sa voix pure et chantante, laisse échapper, entre deux répliques, un « Fichez-moi la paix ! 

1076. (1896) Études et portraits littéraires

Il entend bien que rien n’y échappe, et nous allons voir que rien n’y échappera. […] Ce que fait l’homme en se vêtant pour échapper aux influences caloriques de son habitat, tout animal le fait à sa manière, ou meurt. […] Oui, mais la maîtrise de son talent lui échappe ; il n’a point su ou point voulu le discipliner, et c’est grand dommage. […] Si cette puissance lui manque, la prise maîtresse lui échappe. […] Et en même temps se poursuit sans s’achever l’étude subtile de ce moi infécond qui finit par s’échapper à lui-même, se dissoudre, à force d’analyse.

1077. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Quelques minutes s’écouleront à peine que l’aimable Ariel, plus léger encore que lorsqu’il arrive avec la pensée, va échapper au contact même de la baguette magique, et, libre des formes qu’on lui prescrit, libre de toute forme sensible, va se dissoudre dans le vague de l’air, où s’évanouira pour nous son existence individuelle. […] Banquo, dépouillé de tout l’argent qu’il avait reçu, faillit perdre la vie, et ne s’échappa qu’avec peine et couvert de blessures. […] Partout où ils échappent aux concetti, les vers de Roméo et Juliette sont peut-être les plus gracieux et les plus brillants qui soient sortis de la plume de Shakspeare ; ils sont en grande partie rimés, autre hommage rendu aux habitudes italiennes. […] C’est une remarque qui n’a pas échappé à Schlegel au sujet du vénérable religieux que nous avons déjà vu dans la comédie de Beaucoup de bruit pour rien. […] On s’échappe volontiers de la cour avec Imogène, et l’on se sent disposé à rêver dans l’asile romantique où elle retrouve ses frères sans les connaître.

1078. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

La pensée, dans cette solitude, échappe au temps, et cette impression, inexplicable plus nettement, est ici notée avec le rythme qui lui donne une réalité : Et l’instant qu’on respire est déjà du passé Qui coule en frissons doux comme l’eau sous la roue. […] Puisqu’il est, paraît-il, urgent et nécessaire De revoir le mauvais rayon d’un mauvais jour Et de voir s’échapper l’espoir d’un bel amour,       Que bientôt nos draps blancs se changent en suaire ! […] L’amour, elle sait que c’est l’absolu : elle l’associe à l’idée de gloire et d’immortalité, elle s’échappe du temps et bat de l’aile vers l’infini. […] Ce n’est pas une inquiétude métaphysique, mais une angoisse toute humaine, faite de l’impossibilité de s’échapper, et de sentir le poids de l’atmosphère sur son âme et sur ses épaules. […] Et voilà que, dans la bibliothèque du jeune homme, elle aperçoit un volume des vers secrets de Baudelaire, elle songe sans doute à des divans profonds comme des tombeaux ‒ mais espérance vaine, Gérôme lui échappe ; elle attendait qu’il lui dise : « Sabine, si vous m’aimez, venez, partons, quittez tout et venez. » Et elle lui répondrait : « Vous savez bien que je suis prête » ou encore cette phrase terrible et magnifique : « Vous me faites plus peur que la mort. » ‒ Et voilà qu’il lui demande son concours auprès de Mlle de Fontenay, qu’il désire épouser.

1079. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Pour moi, ce rythme intérieur, c’est l’expérience poétique elle-même, l’impression, l’inspiration, la saisie immédiate et massive de ce réel qui échappe à la prose. de Villeneuve-Lès-Avignon, un jeune instituteur, qui est aussi gentil poète, M.  […] Elle échappe éternellement à des milliers de chasseurs plus acharnés que lui. […] -il y a autre chose, répondra la poésie, mais qui vous échappe fatalement, puisque ce quelque chose est inexprimé. […] Tout se tient avec les poètes, les philosophes français de l’époque (ceux du moins qui avaient échappé à l’influence du XVIIIe  siècle) reconnaissent dans la poésie le même « courant souterrain » religieux, la même nécessité pour elle d’un afflux psychique intraduisible, glissant sous les mots et à travers leur sens. […] Ils ne cherchent qu’à distinguer le véritable langage de la peinture, et tous deux s’accordent à reconnaître, sous des sangles divers, qu’à partir d’une certaine acuité l’émotion qu’il nous transmet échappe à toute explication rationnelle.

1080. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Je crois volontiers à une loi supérieure des événements, mais aussi à la profonde insuffisance des hommes pour la saisir, et il y a trop de source d’erreur à ne faire que l’entrevoir : la clef qu’on croit tenir nous échappe à tout moment. […] Voltaire y échappe entièrement, M. […] Thiers écrivait son Histoire de la Révolution, ou peu après l’avoir terminée, il laissait échapper quelques articles ou morceaux de critique, soit au Constitutionnel toujours, soit au Globe, où il faisait une fois le Salon (septembre 1824)30.

1081. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Il était né, dit-on, vers la fin du xvie  siècle ou au commencement du xviie  ; mais je ne crois pas qu’il soit d’avant 1610, car il servait encore activement en 1664, et il ne mourut qu’en 1685, comme on l’apprend par hasard d’un mot échappé à la plume de Dangeau. […] Je ne me flatte pas d’avoir rompu toute l’enveloppe, et je n’y ai pas visé le moins du monde ; j’ai lu, j’ai glissé, et il m’a suffi de cet à-peu-près facile pour apprécier du moins, au milieu de tout ce qui m’échappait, la façon de dire vite et bien, la touche légère, l’élégante familiarité, cette nouveauté qui n’est pas tirée de trop loin et qui rencontre aisément ce qu’elle cherche (curiosa felicitas, comme Pétrone lui-même a dit d’Horace), en un mot, ce cachet qui a caractérisé de tout temps les écrivains maîtres en l’art de plaire. […] Ils sont souvent si libertins qu’ils échappent et qu’on ne les a pas comme on veut : « Le meilleur expédient, poursuit-il, pour apprendre une chose en peu de temps et sans maître, c’est de s’imaginer qu’on n’a que cette seule voie pour obtenir ce qu’on souhaite le plus.

1082. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Je retrouve donc entre la comédie et la tragédie, son contraire, cette belle opposition symétrique qui avait d’abord semblé m’échapper et qui est comme la splendeur de la vérité de l’une et de l’autre théorie. […] Avec quelle aimable et charmante ironie ne parle-t-il pas de sa bonne mine, de sa vertu, de sa grâce, de son courage, enfin de « l’aimable Jack Falstaff, le bon Jack, l’honnête Jack, le vaillant Jack Falstaff, le plus vieux et le plus gros des trois seuls honnêtes gens, qui en Angleterre aient échappé à la potence !  […] La guerre et la paix sont déterminées par des relations politiques, qui échappent à leur direction et à leur pouvoir personnel.

1083. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

En apprenant le départ de cette fille pour son pays, il s’échappa comme un insensé de Rome pour la poursuivre. […] — Voilà, lui répondis-je, celui qui vous a échappé, et que vous n’auriez pas, s’il n’avait été vendu pour un évêché, au mépris des lois les plus sacrées ! […] Prenez garde qu’il ne vous échappe !

1084. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Pendant que le nombre des historiens nous échappe, on sait, à un homme près, le nombre des poètes. […] Ajoutez à ces folies de la tête et des sens, un sincère courage, une bienveillance inépuisable, et la profonde conviction parmi, ces rois d’un monde croulant, que leur empire leur échappe, et qu’ils ne seront plus, demain, que des victimes. […] elle meurt de regret et de désespoir, parce que la cornette de Lisette échappe à sa tête blanchie, parce que l’éventail de Célimène, dont elle avait fait un sceptre, s’est brisé entre ses doigts.

1085. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Ce n’est cependant pas que nos Poulets aient perdu toute crainte, mais seulement la crainte de nos Chiens et de nos Chats : car si la couveuse jette le cri d’alarme, ses poussins s’échappent de dessous ses ailes et vont se cacher dans l’herbe ou dans les fourrés voisins. […] Les phénomènes psychiques de la vie animale nous échappent complétement et nous échapperont peut-être toujours, ou du moins ne pourrons-nous jamais les connaître que par induction ou par analogie ; mais il faut pour cela que même la psychologie humaine soit plus avancée et plus sûre d’elle-même, qu’elle ait procédé pendant longtemps de fait en fait par observation et par expérience, et non en se laissant dominer, comme elle l’a toujours fait jusqu’aujourd’hui, par des données à priori sur l’essence de l’âme, sur son origine et ses destinées.

1086. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Jamais une prévision si simple aurait-elle échappé à M. de Talleyrand ? […] On ne supposait pas que l’Espagne échappait elle-même à la maison d’Autriche, par déshérence et par adoption de la maison de Bourbon.

1087. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Il est vraisemblable au reste que le Grand Nuage (Nubecula major) n’avait pas échappé à l’observation pénétrante des Arabes ; c’est très probablement le Bœuf blanc, el Bakar, visible dans la partie méridionale de leur ciel, c’est-à-dire la Tache blanche dont l’astronome Abdourrahman Sofi dit qu’on ne peut l’apercevoir à Bagdad ni dans le nord de l’Arabie, mais bien à Tehama et dans le parallèle du détroit de Bal-el-Mandeb. […] Il y a bien des arbustes et des arbres fleuris, mais ils échappent à la vue.

1088. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

CL Je ne fis semblant de rien et je continuai à interroger, sans affectation, l’enfant jaseur, pour tirer par hasard quelque indice ou quelque espérance de ce qui s’échappait de ses lèvres. […] Ils ne pouvaient ainsi ni s’échapper ni faire de mal aux serviteurs de la prison.

1089. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Montrez-moi une chose qui n’ait pas subi cette loi, ou montrez-moi un mortel qui y ait échappé ? […] Bérenger revient enfin échappé aux périls d’une longue guerre.

1090. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Nouvelle preuve que, dans l’impuissance où nous sommes d’échapper à l’illusion sur les choses et les hommes de notre temps, les envieux en savent plus sur le mérite réel des auteurs contemporains que leurs admirateurs les plus sincères. […] Le rapport intime qui, dans notre langue, lie entre elles la prose et la langue poétique, lui échappa ; et, venu après Rabelais et Calvin, il ne prit pas dans leurs beaux endroits l’exemple de tirer sa langue de sa raison et de sa sensibilité, plutôt que de sa mémoire.

1091. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Et puis elle avait parfois quelque espérance : peut-être se laisserait-il toucher, peut-être une larme lui échapperait-elle en découvrant cette surprise, marque de tant d’amour. « Il verra comme je l’aime, il songera qu’il est doux d’être ensemble. » Elle se perdait ainsi durant des jours dans ses rêves, qui se terminaient d’ordinaire par des accès de complète prostration. […] J’aurais dû la surveiller davantage, entrer mieux dans ses pensées ; mais, toujours mélancolique, elle m’échappait. » Il révéla le mystère ; un instant après, on rapportait au presbytère le linge qui avait été volé.

1092. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

La philosophie, si expérimentale, si scientifique qu’elle puisse être un jour, fie sera jamais dispensée de mettre toute la lumière et toute l’harmonie possibles dans l’exposé des systèmes de plus en plus vastes auxquels elle aboutit ; l’histoire si érudite, si prudente qu’elle veuille être, n’échappe pas à la nécessité d’être une résurrection et par là même une œuvre de vie, une œuvre d’art. […] La littérature pure n’a pas non plus échappé à cette féconde invasion de la science.

1093. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

dit Tristan, qui devina qu’on les observait, je songe à quitter le royaume ; c’est le seul moyen d’échapper aux méchants propos qu’ils ne cessent de tenir sur moi. […] Les deux amants étant pris, on les mène au supplice, quand le chevalier trouve moyen de s’échapper, et revient délivrer la reine avec laquelle il s’enfuit dans les bois.

1094. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Un flot d’harmonie les inonde ; ils s’absorbent dans la volupté qui les étreint ; les paroles s’échappent, brûlantes de leurs lèvres. […] Mais Tristan n’échappera jamais à l’enchantement qui le tient.

1095. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Non seulement des siècles d’une pareille observation resteraient insuffisants ; mais nous savons maintenant que même des faits élémentaires resteraient hors de notre connaissance, nous échapperaient pour toujours, si l’observation ne recevait quelque secours d’ailleurs. […] Et tandis que l’humeur envahissante de la physiologie la conduisait à étendre constamment son domaine, et même à en sortir de tout côté, la psychologie, confinée dans d’étroites limites, laissait échapper mainte portion de son domaine, et ne demandait qu’à subsister.

1096. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Ils s’égaient un instant à regarder « les eaux dansantes » des petits ruisseaux s’échapper, enfants joueurs, de la fontaine maternelle. […] Les poèmes de Boissier échappent à cette critique générale parce qu’ils sont surtout œuvres d’imagination et de rêve.

1097. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Cette fois Francine n’y tient plus ; son cœur éclate, et en se brisant, il laisse échapper son secret. […] On le décide à partir ; mais les minutes lui sont comptées, s’il manque le train de cinq heures, sa dernière chance lui échappe.

1098. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

C’est que les poètes ne doivent se permettre de monologues que le moins qu’il est possible ; et, quand ils ne peuvent s’en dispenser, d’y éviter au moins la longueur ; car ils pourraient quelquefois être si courts qu’ils ne blesseraient pas la nature ; il nous arrive dans la passion de laisser échapper quelques paroles que nous n’adressons qu’à nous-mêmes. […] Dans tous les cas, l’aparté est fort court ; il serait à souhaiter qu’il ne fût que d’un mot, parce que, dans l’exacte vérité, il nous peut échapper une parole qui n’est pas entendue de celui à qui l’on parle.

1099. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Et de tant de soldats, en ce combat funeste,       Laisse à peine échapper un reste       Qu’il promet aux plaines de Lens226 ? […] Mais ce que j’admire le plus, c’est la retenue inconcevable d’une mère affligée à l’excès, et pénétrée de douleur, à qui, dans un état si violent, il n’échappe pas un seul mot ni d’emportement, ni même de plainte contre l’auteur de ses peines et de ses alarmes, soit par respect pour la vertu de Basyle, soit par la crainte d’irriter son fils, qu’elle ne songeait qu’à gagner et à attendrir.

1100. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Elle s’échappe d’un cœur ulcéré. […] Trop heureux si ces pauvres partisans de la vieille méthode peuvent échapper la vie sauve à la griffe des démons barbus qui les poursuivent de leurs grincements de dents et de leurs hurlements.

1101. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

, quand il nous dit dans un vers… impayable, du reste, et joyeusement échappé à la gravité de son talent : Car l’équilibre, c’est le bas aimant le haut ! […] Les idées que les ignorants qui lisent reçoivent de la plume des ignorants qui écrivent, les idées qui présentement filtrent partout et grimpent comme l’eau du déluge jusque dans les esprits qui semblent pourtant assez élevés pour leur échapper, sont ici affirmées une fois de plus, et Victor Hugo leur donne, pour les faire monter plus haut, le coup de piston d’un talent qui passe pour un génie.

1102. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Homme moderne, quoiqu’il ait besoin d’échapper à la préoccupation moderne, — l’individualisme du Contrat social, de Rousseau, — il a trouvé une situation et il l’a exploitée, mais il s’est circonscrit, il s’est calfeutré dans cette situation. […] V Et c’est le dernier pas, en effet, et l’accomplissement de la parole que nous avons citée : « On n’échappe au mariage que pour y revenir. » Fanny a trompé son mari pour son amant, et elle finit par tromper son amant pour son mari.

1103. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

de tous les points de vue auxquels on peut se placer pour le regarder, il en est un qui me paraît le plus juste et qui est aussi le plus simple : voyons-le à son moment dans le siècle ; voyons-le en lui-même et dans ses écrits, dans ses pensées confidentielles, dans tout ce qui lui échappe de contradictoire et de sincère.

1104. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Un esprit supérieur y échappe pour son compte, pour ce qui dépend de lui seul, mais n’en triomphe pas dans ce qui l’entoure : Napoléon, dans cette campagne, en fit la douloureuse épreuve.

1105. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

. — Voilà le mot dans toute sa simplicité, tel qu’il a dû s’échapper à la fois de toutes les poitrines et de toutes les lèvres, tel qu’il n’a pu ne pas être dit.

1106. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Placé entre deux grandes nations rivales qu’il eût voulu concilier dans les choses de l’intelligence, il a échappé à nos disputes du jour, à nos conflits, a nos misères ; il a eu les plus illustres et les plus charmants des morts pour contemporains et pour hôtes assidus ; heureux homme, dans ses dernières années du moins, à la fois rustique et attique, il jouissait de son jardin, envoyait à ses amis en présent des fruits à faire envie à Alcinoüs, et il possédait son Homère comme Aristarque.

1107. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Si vous l’ignorez, lecteur, le voici : « On avait cru jusqu’à ce jour en France, et depuis Gassendi jusqu’à MM. de Fontanes et Villemain, que Lucrèce, esprit rêveur et mélancolique, jeté dans le monde à une époque d’anarchie et de discordes civiles, troublé de doutes et de terreurs philosophiques à la manière de Pascal et de Boulanger, voyant l’État s’abîmer dans les crimes, et ne sachant où la destinée humaine poussait l’homme ; on avait cru que pour échapper au vertige et ne pas glisser misérablement de ces hauteurs où l’avait emporté sa pensée, il s’était jeté en désespoir sur la solution d’Épicure, s’y attachant avec une sorte de frénésie triomphante, et que de là, dans quelques intervalles de fixité et de repos, il avait voulu enseigner à ses contemporains la loi du monde, la raison de la vie, et leur montrer du doigt le sentier de la sagesse.

1108. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Toutefois, pour être juste, il reste encore à la critique, après le triomphe incontesté, universel, du génie auquel elle s’est vouée de bonne heure, et dont elle voit s’échapper de ses mains le glorieux monopole, il lui reste une tâche estimable, un souci attentif et religieux : c’est d’embrasser toutes les parties de ce poétique développement, d’en marquer la liaison avec les phases qui précèdent, de remettre dans un vrai jour l’ensemble de l’œuvre progressive, dont les admirateurs plus récents voient trop en saillie les derniers jets.

1109. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Quelque part ce vers douloureux lui a échappé : Il est dur d’être seul à sentir son génie.

1110. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

S’il a conscience du mal secret qu’il enferme en soi, et de sa gestion mauvaise, aura-t-il la force, aura-t-il seulement la pensée d’y échapper ?

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