Figurons-nous bien ce qu’était M. de Chateaubriand à ses débuts, avant cette espèce de renom classique que l’âge lui a fait. […] Émigré à Londres à l’âge de vingt-six ans, il écrivit ce bizarre Essai sur les révolutions, plus bizarre de forme que d’idées, et où se dessinait déjà tout l’homme. […] Il n’y a donc rien d’étonnant si, dans les Mémoires d’outre-tombe, on retrouve de ces premiers défauts qui étaient en lui et auxquels il dut revenir encore plus volontiers avec l’âge. […] Ce sont les gestes d’un jeune homme et les retours d’imagination d’un vieillard, ou, s’il n’était pas vieillard alors qu’il écrivait, d’un homme politique entre deux âges, qui revient à sa jeunesse dans les intervalles de son jeu, de sorte qu’il y a bigarrure, et que par moments l’effet qu’on reçoit est double : c’est vrai et c’est faux à la fois. » On en pourrait dire autant de la plupart des mémoires nés avant terme et composés en vue d’un effet présent.
Quelqu’un du même âge que lui a dit : « Dès mon enfance, je pénétrais les choses avec une sensibilité telle, que c’était comme une lame fine qui m’entrait à chaque instant dans le cœur. » Ainsi il a pu dire lui-même. […] Depuis qu’il existe une société civilisée, la femme de cet âge y a tenu une grande place, la première peut-être. […] Voici le plus joli couplet de cette agréable chansonnette : Belles qui formez des projets, Trente ans est pour vous le bel âge ; Vous n’en ayez pas moins d’attraits, Vous en connaissez mieux l’usage : C’est le vrai moment d’être heureux ; On plaît autant, on aime mieux. […] Les écrivains de ces âges plus ou moins classiques n’écrivaient qu’avec leur pensée, avec la partie supérieure et tout intellectuelle, avec l’essence de leur être.
… Pauvre et orphelin, j’ai été nourri du pain de votre charité. » Et il ajoute cette note de peur qu’on en ignore : « L’auteur, à l’âge de neuf ans, a été nourri six mois par les sœurs de la Charité de la paroisse Saint-André-des-Arcs, et l’on sait que, jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, il a été élevé et nourri par charité. » J’ai insisté sur ce premier point qui avait son importance, et parce que, tout examen fait, nous en pouvons déjà conclure la méchanceté et la malice des ennemis de La Harpe, sa vanité qui s’exalte aisément, et aussi son fonds de générosité et de sincérité, « un de ces fonds propres à porter le repentir », a très bien dit de lui Chateaubriand. […] Chabanon nous le montre tout jeune, à l’âge de vingt-sept ans, installé chez Voltaire à Ferney, où il passa toute une année (La Harpe y était avec sa femme, une assez jolie femme, la fille d’un limonadier, qui faisait elle-même des vers et qui jouait la comédie). […] Il continua de vivre quelques années dans cette exaltation honorable, mais un peu maladive, dont se ressentent ses derniers écrits, et il mourut le 11 février 1803, à l’âge seulement de soixante-quatre ans.
Charles Perrault est, comme on sait, l’auteur, le rédacteur de ces sept ou huit jolis contes vieux comme le monde, qui ont charmé notre enfance, et qui charmeront celle encore, je l’espère, des générations à venir, aussi longtemps qu’il restera quelques fées du moins pour le premier âge, et que l’on n’en viendra pas à enseigner la chimie et les mathématiques aux enfants dès le berceau ; mais Charles Perrault n’est pas seulement auteur de ces jolis contes, il a été de son temps un homme à idées neuves, à inventions, fertile en projets et en entreprises, tourné vers l’avenir, confiant au génie moderne, et, dans sa querelle avec les plus illustres partisans de l’Antiquité, il n’a été qu’à demi battu. […] Si j’osais revenir, à propos de ces contes d’enfants, à la grosse querelle des anciens et des modernes, je dirais que Perrault a fourni là un argument contre lui-même, car ce fonds d’imagination merveilleuse et enfantine appartient nécessairement à un âge ancien et très antérieur ; on n’inventerait plus aujourd’hui de ces choses, si elles n’avaient été imaginées dès longtemps ; elles n’auraient pas cours, si elles n’avaient été accueillies et crues bien avant nous. […] Il y a donc un âge pour certaines fictions et certaines crédulités heureuses, et, si la science du genre humain s’accroît incessamment, son imagination ne fleurit pas de même. […] Un peu oublié et négligé, le bon Perrault mourut en mai 1703, à l’âge de soixante-quinze ans, léguant la meilleure partie de ses idées à Fontenelle, qui les fit valoir.
Il continua d’écouter l’harmonie des sphères, de croire et de dire « que le genre humain marche vers sa perfection ; que nos aïeux ont traversé l’âge de fer, et que l’âge d’or est devant nous ». […] Remarié bientôt après, vers l’âge de soixante-trois ans, à Mlle Désirée de Pelleport, jeune et jolie personne, et qui se plia sans effort à ses goûts, Bernardin de Saint-Pierre eut une vieillesse heureuse. […] Quelle émotion grave et presque terrible dans l’assemblée, lorsque le mélodieux orateur, comme le Nestor d’une autre Iliade, mais Nestor qui flattait au lieu d’avertir, avec sa voix encore si accentuée sous la faiblesse de l’âge, abordant le sujet inévitable, retraça les derniers prodiges du Conquérant, qu’il nommait le Libérateur… Puis est venue une citation du discours de Bernardin de Saint-Pierre sur l’aigle, — l’aigle impériale d’alors ; — et là-dessus l’habile orateur, toujours ému et comme entraîné par ses souvenirs, s’est de nouveau écrié : « À cette image hardie, nouvelle, qui semblait suspendre la foudre sur toutes les têtes, l’auditoire se souleva tout entier d’enthousiasme, et ces voûtes parurent s’abîmer au bruit des applaudissements. » — Le morceau achevé, avec tous ses contrastes et ses ironies, M.
Orphelin de sa mère en bas âge, il manqua des tendres soins qui embellissent l’enfance. […] Elle n’a jamais eu le premier timbre ému de la jeunesse ; elle a de bonne heure les cheveux gris, le sourcil gris ; en mûrissant, cela lui sied, et, à ce second âge, elle paraîtra plus jeune que d’abord, car tout en elle s’accordera. […] Jusque dans un âge assez avancé, il recevait volontiers ceux qui l’écoutaient et qui faisaient cercle autour de lui : Il est heureux comme un roi, disait Racine, dans sa solitude ou plutôt dans son hôtellerie d’Auteuil. […] Boileau, en 1683, à l’âge de quarante-sept ans, ayant produit déjà tous ses chefs-d’œuvre, n’était point encore de l’Académie ; il portait la peine de ses premières Satires.
Le seul accent lyrique échappé de sa verve, ce sont quelques vers de son âge déjà mur, mais après rude épreuve et dans la joie d’une chaîne brisée et d’une liberté reconquise : ce sont ses vers au lac de Genève, à la Suisse, à sa retraite présente, à son indépendance actuelle et future. […] Cette Liberté-là valait mieux pour la poésie que la licence souvent impure dont le philosophe de Ferney égaya son vieil âge. […] Noble soldat de la muse lyrique, poëte de la liberté, de la vertu courageuse et de l’amour, fils du génie grec et de la France, non, les louanges données à ton nom, dans notre âge récent de poésie, n’étaient ni vaines ni forcées ! ta lumière si tôt évanouie brillera sur l’entrée de cet âge que devaient illustrer Chateaubriand, Byron, Lamartine et l’exilé de Guernesey !
. — Écrivant dans sa vieillesse un parallèle de Thémistocle et d’Aristide comme modèle pour perfectionner les Vies de Plutarque, il adresse ce petit écrit à Mme Dupin, femme du fermier général, l’une des quatre ou cinq jolies femmes de Paris qui s’étaient engouées de lui, et il lui dit dans sa lettre d’envoi : Voilà, madame, Aristide et Témistocle dont j’ai comancé la vie dans ce charmant séjour que vous habitez (à Chenonceaux) ; vous les trouverez écrites suivant ce nouveau plan que je vous propozai un jour sur les bords du Cher dans une de nos promenades filozofiques où vous trouviez tant de plézir… J’avoue que j’eus une grande joie de voir ainsi qu’à votre âge, et avec les charmes de la jeunesse, vous étiez capable d’estimer le sansé, lorsque tout ce qui vous anvironne n’estime que l’agréable présant, au lieu que l’utile ou le sansé ne regarde que l’agréable futur. […] Dans sa manie d’éducabilité, il croyait qu’on arrivait à acquérir l’équivalent du génie, vers l’âge de cinquante ans, à force d’avoir assisté à des conférences. […] Sitôt que ces enfants étaient en âge, il leur faisait apprendre à tous un métier de leur goût, n’excluant que les professions oiseuses, futiles, ou sujettes à la mode, telles, par exemple, que celle de perruquier, qui n’est jamais nécessaire, et qui peut devenir inutile d’un jour à l’autre, tant que la nature ne se rebutera pas de nous donner des cheveux. » On reconnaît bien là notre consciencieux abbé qui faisait tout tourner à l’utile, même ses habitudes ancillaires, et qui peuplait de ses bâtards les divers corps de métiers.
Il m’est arrivé souvent de qualifier ce trio célèbre du titre de régents intellectuels de notre âge. « M. […] « SAINTE-BEUVE. » Puisque j’en suis à recueillir des articles nécrologiques, j’ajouterai encore celui-ci qui a été inséré dans le Constitutionnel du vendredi 18 mai 1866 : « Mme la comtesse de Boigne, née d’Osmond, est morte le 10 mai, à l’âge de quatre-vingt-six ans. […] Au commencement de la Restauration, elle accompagna son père, ambassadeur à Turin et à Londres ; elle présidait avec goût au cercle diplomatique et politique qui se formait naturellement chez l’ambassadeur de France ; elle ne permettait même pas qu’on s’aperçût, vers la fin, de la fatigue de l’âge chez le marquis d’Osmond, tant elle s’entendait avec discrétion aux grandes affaires.
Voyageur et curieux infatigable, à l’âge de soixante ans il revoyait l’Allemagne en détail, allait s’asseoir sur les bancs des Universités et se faisait un bonheur de se rompre de nouveau à la familiarité du puissant idiome. […] Quelque jeune ami, — et il en avait de cet âge, et un particulièrement bien digne de lui134, — devrait se donner pour tâche pieuse de recueillir dans ses divers écrits, et aussi dans les lettres pleines d’effusion et nourries de détails qu’il adressait à ses amis de France durant ses voyages d’Allemagne et d’Italie, des extraits, des pensées, des jugements, de quoi rappeler et fixer dans la mémoire quelques traits au moins de la physionomie de cet homme excellent dont les qualités morales et la candeur égalaient la haute intelligence. […] J’en serais pourtant fâché, et je ne voudrais pas, avec ce faux air de cosmopolite, perdre la sympathie des amis de mon village et de mon voisinage, auxquels je pense sans cesse et que je reviendrai voir à temps, j’espère, avant les glaces de l’âge infirme et solitaire ; mais laissez-moi courir ma dernière course. » Cette course dernière ne venait jamais.
Le caractère saillant de l’œuvre de Leconte de Lisle est le vaste plan, prémédité dès le début, et qui se révèle à mesure que l’on avance dans cette œuvre : l’étude du rôle assigné aux théogonies dans l’histoire des âges. […] Impassible, brillant et inaltérable comme l’antique miroir d’argent poli, vous avez vu passer et vous avez reflété tels quels, les mondes, les faits, les âges, les choses extérieures. […] Ce poète impersonnel, qui s’est appliqué avec un héroïque entêtement à rester absent de son œuvre, comme Dieu de la création, qui n’a jamais soufflé mot de lui-même et de ce qui l’entoure, qui a voulu taire son âme et qui, cachant son propre secret, rêva d’exprimer celui du monde, qui a fait parler les dieux, les vierges et les héros de tous les âges et de tous les temps, en s’efforçant de les maintenir dans leur passé profond, qui montre tour à tour, joyeux et fier de l’étrangeté de leur forme et de leur âme, Bhagavat, Cunacepa, Hy-pathie, Niobé, Tiphaine et Komor, Naboth, Quai’n, Néféroura, le barde de Temrah, Angantyr, Hialmar, Sigurd, Gudrune, Velléda, Nurmahal, Djihan-Ara, dom Guy, Mouça-el-Kébyr, Kenwarc’h, Mohâmed-ben-Amar-al-Mançour, l’abbé Hieronymus, la Xiraéna, les pirates malais et le condor des Cordillères, et le jaguar des pampas, et le colibri des collines, et les chiens du Cap, et les requins de l’Atlantique, ce poète, finalement, ne peint que lui, ne montre que sa propre pensée, et, seul présent dans son œuvre, ne révèle sous toutes ces formes qu’une chose : l’âme de Leconte de Lisle.
Jusqu’à l’âge de quinze ans, les élèves sont rassemblés pour l’étude intérieure dans de grandes classes communes. […] Il n’y aura point d’âge fixe pour être reçu dans les écoles. L’éducation de nos ancêtres ne précédait guère l’âge de quinze ans ; avant que de s’occuper de la culture de l’esprit ils songeaient à la force du corps.
S’il y avait eu de l’effet, de la couleur, de l’expression ; si, sans rien changer à l’ordonnance, à la position des figures, l’artiste avait su leur donner seulement ce contour mou et fluant, cette variété d’attitudes naturelles faciles, aisées, qui tient à l’âge, au caractère, à l’action, à la sympathie des membres, à l’organisation, on aurait après cela jugé de ce morceau. […] Mais il n’en est pas de même de ceux-ci, ce ne sont pas des natures sveltes ; ils ont un caractère dont on ne saurait s’affranchir sans pécher contre la vérité ; des chairs molles, je ne sais quoi de non développé qui est de leur âge. […] Mais voici ce qu’a fait le Poussin ; il a tâché d’ennoblir les caractères ; il s’est assujetti selon les convenances de l’âge, aux proportions de l’antique ; il a fondu avec un tel art la bible avec le paganisme, les dieux de la fable antique avec les personnages de la mythologie moderne, qu’il n’y a que les yeux savans et expérimentés qui s’en aperçoivent, et que le reste en est satisfait.
Ils sont, en effet, figurés, non sans exactitude, par le taux de la natalité, de la nuptialité, des suicides, c’est-à-dire par le nombre que l’on obtient en divisant le total moyen annuel des mariages, des naissances, des morts volontaires par celui des hommes en âge de se marier, de procréer, de se suicider12. […] On ne se suicide pas à tout âge, ni, à tous les âges, avec la même intensité.
Ce n’est pas un trop grand âge pour la connaissance des choses et des hommes, nécessaire à qui veut juger autrui. […] Un article de critique n’est pas une ode ; il y faut de l’impartialité, de la sagacité, de la finesse, de la raison surtout, qualités qu’on n’acquiert qu’avec l’âge. […] On juge dans l’âge de l’imagination et de la fantaisie, et les jugements qu’on porte ne sont que des caprices, charmants comme la jeunesse, mais souvent aussi peu raisonnables.
On le contemple des yeux comme un rempart, car seul il vaut un grand nombre. » Tyrtée, dont l’âge, déterminé par son action dans la guerre de Messénie, se rapporte au sixième siècle avant notre ère, est contemporain des sept sages de la Grèce et antérieur à Eschyle. […] C’est une honte, en effet, que, tombé au premier rang, un vieillard soit gisant à terre, en avant des jeunes, avec une tête blanchie, une barbe grise, exhalant sur la poussière son âme courageuse, couvrant de ses mains les blessures sanglantes, hideuses, de son corps à nu : mais aux jeunes tout sied bien, tant qu’ils ont la fleur brillante du bel âge. […] On reconnaît bien, dans cet ouvrage apocryphe, l’illusion de l’esprit grec, dans le dernier âge de l’antiquité.
Celle de l’âge n’est pas la moindre : Ellénore a dix ans de plus qu’Adolphe ; elle l’aime trop, elle l’aime de ce dernier amour de femme qui n’est pas le moins tyrannique, elle l’en excède et l’en importune. […] Cette étude faite évidemment sur nature, et dont chaque trait a dû être observé, produit dans l’âme du lecteur un profond malaise moral, au sortir duquel toute fraîcheur et toute vie est pour longtemps fanée ; on se sent comme vieilli avant l’âge.
Saint-Marc Girardin ne semble pas avoir eu beaucoup de jeunesse, ni avoir ressenti bien vivement aucune des passions qui agitent d’ordinaire cet âge et qui ont particulièrement secoué le nôtre. […] Il aurait trop réussi, si l’on venait à considérer ces jeunes égoïstes de vingt ans qui, sans aucune ferveur, sans même aucun des défauts de leur âge, ne songent qu’à se pousser dans le monde et à y faire leur chemin.
Et il serait étrange, enfin, qu’on imposât à notre âge le nom d’un poète qui est certes de premier ordre, mais qui représente si imparfaitement la tradition du génie français et qui semble presque en dehors. […] Et aussitôt, les hommes reconnaissent que cette merveille leur est née : un poète vraiment inspiré, un poète comme ceux des âges antiques, ce « quelque chose de léger, d’ailé et de divin » dont parle Platon.
Le premier de ces volumes, très compact, contient des récits dont les uns remontent aux premiers âges du monde ; d’autres ressembleraient à ce que le romantisme appelait des mystères ; d’autres enfin sont tout modernes. […] Immortels poèmes, pages d’azur, chants des âges ingénus du monde !
Resté sans père & sans mère à l’âge de sept ans, il ne reçut aucune éducation jusqu’à celui de quinze. […] Sous ces grands maîtres d’éloquence, il le devint bientôt lui-même ; &, dès l’âge de dix-sept ans, il plaida contre ses tuteurs, & les fit condamner à lui payer trente talens qu’il eut la générosité de leur remettre.
Perse mourut à l’âge de trente ans : il étoit né à Volterre en Toscane. […] A l’âge de quatre-vingt ans, il fut envoyé, par Domitien, dans le Pentapole, sur les frontières d’Egypte & de Lybie.
L’Europe, par le plus heureux des contrastes, présentait au poète le peuple pasteur en Suisse, le peuple commerçant en Angleterre, et le peuple des arts en Italie : la France se trouvait à son tour à l’époque la plus favorable pour la poésie épique ; époque qu’il faut toujours choisir, comme Voltaire l’avait fait, à la fin d’un âge, et à la naissance d’un autre âge, entre les anciennes mœurs et les mœurs nouvelles.
La vrai-semblance poëtique consiste à donner à ses personnages les passions qui leur conviennent suivant leur âge, leur dignité, suivant le temperament qu’on leur prête, et l’interêt qu’on leur fait prendre dans l’action. […] L’attention à la même chose est encore differente en ces deux âges.
Né cent soixante-quatre ans avant la naissance d’Alexandre, il appartenait à l’âge le plus florissant de la Grèce, aux commencements de cette époque, sans égale pour la durée comme pour la grandeur, qui va du génie d’Eschyle et de Sophocle au génie d’Aristote. […] Parvenu à un âge avancé, il fréquentait encore, dans les principales villes de la Grèce, ces solennités populaires tant célébrées par sa voix.
Je n’ai pas à conférer cet âge de notre race à des âges d’autres races ; mais on peut affirmer que, poétiquement, il surpasse les plus fécondes, les plus magnifiques époques françaises ; il est même le seul siècle poétique de notre pays. […] Alfred de Vigny était, d’âge, le premier. […] Alfred de Vigny avait une singulière propension, — coquetterie d’homme d’une part, orgueil de poète de l’autre, — à se rajeunir quant à son âge et à vieillir son œuvre. […] Même quand l’âge et le labeur l’ont virilisé, il ne renonce pas à confesser les émotions de son cœur hélas ! […] Vous voyez, je mêle, comme les noms, les âges.
L’âge précédent a fait son œuvre. […] Vers la fin du siècle, un concours subit de circonstances extraordinaires l’étale tout d’un coup à la lumière et le dresse à une hauteur que nul âge n’avait connue. […] Le barbare, l’homme féodal, le cavalier de la Renaissance, le musulman, l’Indien, chaque âge et chaque race a conçu sa beauté, qui est une beauté. […] Ses premiers souvenirs s’étaient imprimés en lui à l’âge de trois ans, dans une ferme où on l’avait porté pour essayer l’effet du grand air sur sa petite jambe paralysée. […] Ils sont à cent lieues de la grande imagination qui crée ou transforme, telle qu’elle apparut à la Renaissance ou au dix-septième siècle, dans les âges héroïques ou nobles.
. — Le génie oratoire de l’âge classique. — Le génie philosophique de l’âge moderne. — Analogie probable des trois périodes. […] Il est du même ordre que celui de la Renaissance et celui de l’âge classique. […] Nulle nation et nul âge ne l’a possédée à un si haut degré que ces Allemands. […] Cependant, en notre âge du monde, ces habits ecclésiastiques se sont misérablement percés aux coudes. […] La connaissance d’un sentiment héroïque donne ainsi la connaissance d’un âge tout entier.
Vient l’âge mûr, qui le mène jusqu’à soixante-dix ans et au-delà, parfois jusqu’à l’âge de Mathusalem. « Il est tout jeune, disait un général d’un de ses collègues, tout jeune. […] Ils sont tous morts avant d’avoir atteint l’âge du génie militaire. […] Il y a huit cents ans, c’était l’âge des cathédrales, qui n’est pas très loin, en somme. […] On arrive à chaque âge avec une expérience parfaite. […] Cela ne m’étonnait pas, car j’étais encore dans l’âge de l’heureuse simplicité et d’ailleurs j’avais dans ma bonne une grande confiance.
Que de choses nous sommes condamnés à voir et à souffrir dans le cours d’un long âge ! […] « L’enfant ayant atteint l’âge de dix ans, une aventure que je vais rapporter le fit reconnaître. […] Cyrus, parvenu à la virilité, était le plus robuste de ceux de son âge, et le plus aimé. […] Il le voyait déjà dans un âge convenable, et se flattait de le faire aisément entrer dans ses vues, en confondant leurs communes injures. […] L’âge de la critique était venu : son livre en est plein.
Cependant l’habitude de vivre dans le Louvre fit trouver à Étienne des distractions en rapport avec son âge et son caractère. […] En retranchant le surplus d’embonpoint que produit l’âge, Ingres, en 1854, est encore celui de 1797. […] Quant à la foule de ces jeunes gens qui se sont si ardemment nourris de vains rêves de gloire, le plus grand nombre est mort et à la fleur de l’âge. […] À l’âge de vingt et un ans, il traita le sujet de la Cananéenne, qui lui fit décerner le grand prix académique. […] L’âge de la comtesse permettait que l’on regardât sa mort comme un événement prochain.
Molière avait alors trente-quatre ans ; c’est l’âge où Corneille fit le Cid. Il est bien difficile de réussir avant cet âge dans le genre dramatique, qui exige la connaissance du monde et du cœur humain. […] Il engagea le jeune Racine, qui sortait de Port-Royal, à travailler pour le théâtre dès l’âge de dix-neuf ans. […] Cela seul fait peut-être voir que le théâtre des anciens (d’ailleurs à jamais respectable) est par rapport au nôtre, ce que l’enfance est à l’âge mûr. […] L’auteur de Cinna fit à l’âge de 67 ans cette déclaration de Psyché à l’Amour qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre.
Quand je songe que, dans l’âge voisin de la vieillesse et de ses infirmités, me voilà seul sur la terre, comme un célibataire débauché ou un homme personnel qui n’a vu que lui dans la nature ; que le sein sur lequel je m’appuie doucement, pour y chercher la consolation, est le sein d’une bonne mère de soixante-quinze ans ; que les objets qui devaient vivre avec moi et auprès de moi m’ont précédé si jeunes dans le tombeau ; quand je parcours tout cet espace qu’on appelle la vie, et que j’embrasse d’un coup d’œil cette longue chaîne de besoins, de désirs, de craintes, de peines, d’erreurs, de passions, de troubles et de misères de toute sorte, je rends grâces à Dieu de n’avoir plus à sortir du port où il m’a conduit ; je le remercie de la tendre mère qu’il me laisse, et des amis qu’il m’a donnés, et surtout de pouvoir descendre dans mon cœur, sans le trouver méchant et corrompu. […] c’est au même âge que j’ai aussi perdu ma tendre femme, ma première, la mère de mes enfants, âme pure et sensible que je regretterai jusqu’au dernier soupir. […] En restant constamment comme je suis et ce que je suis, je conserve tout ce qui m’est acquis par l’âge : en me mettant en vue, je me mettrais en prise. […] Je suis assis sur le tombeau de ma première femme et de mes enfants : vous en avez deux en bas âge, un au berceau, une jeune épouse que vous ne pouvez trop aimer. […] Ducis, à cause de son activité et de sa vivacité sur lesquelles les glaces de l’âge n’ont rien fait, à cause de sa loyauté, de sa droiture, de sa franchise, de sa sensibilité.
En avançant dans la vie, je me suis dit bien souvent que celui qui, dans sa jeunesse, à l’âge des nobles ambitions et de la belle ardeur, avait formé les plus hauts projets et conçu les plus magnifiques espérances, si, tout compte fait et toutes illusions dissipées, il se trouvait n’être déçu que de la moitié ou des trois quarts de son rêve, celui-là ne devait pas s’estimer encore trop mal partagé et n’avait pas trop à se plaindre du sort : c’est le cas de Du Bellay, qui, même en échouant et jusque dans le naufrage de la grande Armada littéraire dont il s’était fait le porte-voix et la trompette, a sauvé personnellement toute une part encore enviable de bon renom et de poésie. […] et nous ce pendant nous consumons notre âge Sur le bord inconnu d’un étrange rivage, Où le malheur nous fait ces tristes vers chanter, Comme on voit quelquefois, quand la mort les appelle, Arrangés flanc à flanc parmi l’herbe nouvelle, Bien loin sur un étang trois cygnes lamenter. […] Encore un coup, l’honneur de Du Bellay est de susciter de pareils rapprochements et de les supporter sans trop avoir à s’en repentir : « Ce n’est pas toujours en troupes que ces oiseaux visitent nos demeures, disait le grand peintre de notre âge ; quelquefois deux beaux étrangers, aussi blancs que la neige, arrivent avec les frimas : ils descendent, au milieu des bruyères, dans un lieu découvert, et dont on ne peut approcher sans être aperçu ; après quelques heures de repos ils remontent sur les nuages. […] Son titre principal est l’Illustration, dans laquelle il a souvent devancé et anticipé la théorie d’André Chénier, cet autre précurseur ardent, tombé également avant l’âge. […] On m’assure pourtant qu’il ne sera ni tout à fait inutile, ni désagréable pour ceux mêmes qui le savent déjà, de citer le sonnet célèbre, qu’on s’attend à lire chaque fois qu’il est question de Du Bellay ; j’obéis donc à cette observation qui m’est faite au dernier moment, d’autant plus que c’est la meilleure preuve que je n’ai pas surfait le poète : Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestui-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Emmanuel-Joseph Sieyès, que nous avons vu mourir le 20 juin 1836, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, était né à Fréjus, dans le Var, le 3 mai 1748, ce qui lui donne quarante ans accomplis lorsque la Révolution de 89 éclata. […] Il y étudia beaucoup et sur d’autres matières encore que celles qu’on y enseignait, ou du moins il les prit dans un tout autre sens, et s’annonça dès cet âge comme un esprit philosophique et indépendant. […] » Il s’est trompé en posant si absolument le problème, en condamnant, comme il l’a fait, tout le passé, et en se promettant tout de la pensée pour les âges futurs. […] On sait qu’à ceux qui lui demandaient ce qu’il avait fait durant ces mois terribles de la Terreur, il répondait : « J’ai vécu. » Je lis dans une page de lui une traduction indirecte, plus expressive et plus émue, de la même pensée : Maucroix, dit-il par une sorte d’allusion à cette situation menacée et précaire, et où nul ne pouvait se promettre un lendemain ; Maucroix, mort en 1708, fit à l’âge de plus de quatre-vingts ans ces vers charmants : Chaque jour est un bien que du ciel je reçois ; Jouissons aujourd’hui de celui qu’il nous donne : Il n’appartient pas plus aux jeunes gens qu’à moi, Et celui de demain n’appartient à personne. […] Enseveli dans le silence et dans une méditation morose sous l’Empire, plus tard exilé pendant quinze ans en Belgique sous la Restauration, nous l’avons vu, après 1830, revenir isolé et finir parmi nous comme un témoin oublié d’un autre âge.
C’étoit un champ qu’ils n’acquéroient que dans l’intention de le rendre fertile ; & lorsque l’âge du possesseur s’opposoit à ses intentions patriotiques, il ne faisoit nulle difficulté de transmettre ses droits à quelque autre citoyen plus propre que lui à remplir le vœu national. […] La nourriture qui convient à l’enfance n’est point celle qu’exige l’âge mûr. […] Il peut arriver aussi que, même dans l’âge mûr, l’esprit ait ses indigestions, ses dégoûts : rien n’empêche alors qu’il ne prenne quelques doses de Roman, par régime. […] L’enfant de tout âge croira ne tenir qu’un hochet, & ce hochet deviendra pour lui un instrument utile. […] Il faut même régler le ton qu’on fait prendre à ses Acteurs, sur leur âge, leur état, leur caractere ; ne point faire parler en forcénée une personne douce par tempérament ; ne point prodiguer à tout propos, ces froides exclamations, ces élans désordonnés, ces expressions boursouflées au dehors, vuides au dedans, ce langage, en un mot, qui ne peint absolument rien à force de tout travestir.
En lui les extrémités, les terminaisons de l’âge précédent se confondent, se combinent à petit bruit avec les origines de l’autre ; il y a de ces intermédiaires cachés, qui font qu’ainsi deux époques, en divorce et en rupture à la surface, se tiennent comme par les entrailles. […] Je m’enhardis alors, et je te tendis la main….. » L’amitié, avec les ans, restera toujours la même ; elle continuera de mûrir entre les deux amis, et acquerra plutôt, en vieillissant, des saveurs croissantes, des qualités plus consommées ; mais il n’est qu’un âge où il lui soit donné de se montrer, pour ainsi dire, dans cette grâce pudique et avec cette noble rougeur au front, âge aimable et rapide, véritablement le seul où, selon le beau mot du poëte, la vie à flots de pourpre arrose nos veines ! […] Fauriel, à cette époque, nourrissait certain vague projet de composer un roman historique, dont il aurait sans doute placé la scène dans le midi de la France, en un de ces âges qu’il savait si bien. […] Fauriel était amoureux du primitif en littérature ; il aimait surtout la poésie à cet âge de première croissance où elle est presque la même chose que l’histoire, où elle se confond avec elle et en tient lieu. […] Puisque les documents historiques légués par ces âges sont si arides, si évidemment incomplets, ils réclament une sagacité qui les interprète et les achève.
. — Commencements de l’âge moderne. […] Encore est-il bon de sentir et de penser avant d’écrire ; il faut une source pleine d’idées vives et de passions franches pour faire un vrai poëte, et à le voir de près on trouve qu’en lui, jusqu’à la personne, tout est étriqué ou artificiel ; c’est un nabot, haut de quatre pieds, tortu, bossu, maigre, valétudinaire, et qui arrivé à l’âge mûr ne semble plus capable de vivre. […] Il en est ainsi à la fin de tous les âges littéraires. […] Cet art, qui est le propre de l’âge classique, est celui d’exprimer les idées générales moyennes. […] Comme lui, il opposait l’âge d’or de la simplicité primitive aux misères et à la corruption moderne.
Puis elle se relève dans un autre âge, et le drame devenu métaphysique et religieux se reprend avec Faust, Marguerite, Méphistophélès et d’autres personnages, et la providence justifie tout et pardonne à tous, même à Satan ! Sublime idée, détails plus touchants et plus sublimes encore : Marguerite dépasse en tendresse, en innocence, en joie, en larmes, tout ce que la poésie de tous les âges a jamais conçu. […] Quel effet cette mort va-t-elle faire sur Goethe à un âge si avancé ? […] Les femmes de notre âge ne peuvent pas croire qu’elles le rendront éloquent et aimable. » « Quand les deux jeunes filles furent rentrées chez elles, elles pensèrent aux paroles de madame de Reck. […] alors on devrait sur certains points mettre en doute l’authenticité des évangiles, car Marc et Luc n’ont pas écrit ce qu’ils ont vu par eux-mêmes, ils ont recueilli longtemps après les faits une tradition orale, et Jean n’a écrit son évangile que dans un âge avancé.
Ces grands noms que vont répétant les échos futurs, une fois livrés au tourbillon des âges, ne sont bientôt plus, si l’on n’y prend garde et si l’histoire authentique ne s’y oppose pas, que des espèces de bouts-rimés que chacun tire à soi, remplit à son gré, et sous lesquels on met un sens, des idées, des intentions que le plus souvent le personnage n’a jamais eus. […] Sully, retiré des affaires dans la force de l’âge, vécut encore trente ans dans ses châteaux, occupé à se nourrir de ses souvenirs et à en rassembler les pièces, les témoignages authentiques et mémorables. […] Rosny, conduit à Vendôme par son père et présenté par lui à Henri, devant la reine Jeanne d’Albret sa mère, lui débita très bien sa petite harangue avec des protestations de lui être à jamais très fidèle et très obéissant serviteur : Ce que vous lui jurâtes en si beaux termes, lui rappellent ses secrétaires, avec tant de grâce et d’assurance, et un ton de voix si agréable qu’il conçut dès lors de bonnes espérances de vous ; et vous ayant relevé, car vous étiez à genoux, il vous embrassa deux fois et vous dit qu’il admirait votre gentillesse, vu votre âge qui n’était que d’onze années, et que vous lui aviez présenté votre service avec une si grande facilité et étiez de si bonne race qu’il ne doutait point qu’un jour vous n’en fissiez paraître les effets en vrai gentilhomme. […] Vraiment elle parlera bien à vous, car on lui a dit que vous aviez une autre maîtresse. » Il allait céder et se rendre lorsqu’un ami, représentant le conseil de la raison, lui dit à l’oreille : « Monsieur, tournez votre cœur à droite, car là vous trouverez des biens, une extraction royale et bien autant de beauté lorsqu’elle sera en âge de perfection. » Rosny se déclara donc pour la plus douce, la plus modeste et la plus vertueuse, et qui se trouvait être la plus riche aussi.