Avec Bonald, au contraire, on est comme si l’on s’embarquait d’abord sur un fleuve assez peu navigable ; puis le patron vous fait entrer dans un canal, et vous met à bord d’un bateau exactement fermé, où l’on descend et où l’on est sans plus voir la lumière ni le ciel, et l’on ne peut sortir la tête et regarder sur le pont que par intervalles, pour apercevoir en effet d’assez hautes et grandes perspectives, mais en regrettant de les perdre de vue si souvent. […] Ce mélange de moyens étroits, de croyances bornées et de hautes vues, est perpétuel chez lui. […] Publiciste, malgré ses hautes parties, je ne lui trouve pas les vrais signes du génie, qui sont l’ouverture d’instinct, le renouvellement de vue, la prescience et la découverte de vérités nouvelles : il n’a fait que rédiger et reconstruire, sous forme originale, idéale, et parfois bizarre, les doctrines du passé, sans admettre ni concevoir aucune des transactions et des transformations par où elles pouvaient se lier à l’avenir. […] Ils paraissaient plus unis que jamais pour la défense des mêmes principes, dans Le Conservateur, mais les vues et les arrière-pensées différaient.
Mais elle négligea ces vues d’intérêt, et, comme tous les exilés de la Cour, elle n’était occupée en ce moment qu’à espérer la fin prochaine du cardinal de Richelieu, d’où elle attendait le retour de la faveur. […] Mais la partie originale de ces Mémoires est celle qui prend à partir de là, et qui traite de ce qui s’est passé à portée de vue de l’auteur. […] Pour achever de la représenter telle que je l’ai vue, il faut avouer qu’elle avait infiniment de l’esprit, de cet esprit brillant qui plaît aux spectateurs. […] Les plus sages, qui jusqu’alors avaient désapprouvé les entreprises de cette compagnie, ne pouvaient dans leur cœur haïr cette proposition ; ils la blâmaient en apparence, parce qu’il était impossible de la louer à la vue du monde, mais ils l’aimaient en effet, et ne pouvaient s’empêcher d’estimer cette hardiesse, et de souhaiter qu’elle eût un favorable succès ».
Il n’y a pas d’analyste plus profond des ravages et des périls de l’amour que l’auteur de Fumée et Eaux printanières ; il n’y eu a pas qui sache mieux toutes les nuances de dégradation par où passent les âmes faibles, intelligentes et lasses de ces infamies de la vie spirituelle, les ratés ; ses âmes féminines, avec leurs bontés d’enfants et leurs vues de captives, leurs variations, leurs perfidies, leurs candeurs et leurs infinies douleurs, sont pénétrées et décrites par Tourguénef avec un charme, une intimité qu’on ne se lasse ni de goûter ni d’admirer. […] Ses recherches sur l’une des plus effrayantes impuissances morales de l’homme moderne, la sympathie même qui l’ai tire vers les misérables et les imparfaits, tout le spectacle attristant de l’humanité vue de près, l’ont irrémédiablement contristé, et de même qu’un aliéniste, à force de voir la fêlure légère ou béante des cerveaux qu’il examine, doute qu’il y ait des âmes normales, Tourguénef tient en suspicion la force de l’homme et la joie de la vie. […] Herbert Spencer, en général, le détachement de tous les livres de haute science, procèdent de vues générales qui dépassent et expliquent le spectacle contradictoire des cas particuliers. […] Avec une intelligence très belle, une âme très noble, des sens non pas acérés, mais déliés et attentifs, ce géant débonnaire et lent qu’était Tourguénef, eut le défaut et l’infortune de manquer d’une vue arrêtée sur le futur, d’ignorer en l’homme ce qu’il y a de générique, de gros et de fort, de ne ressentir ni haines ni enthousiasmes violents, de vivre en dépaysé et en dilettante.
l’Allemagne a tout cela, et tout cela, vu à distance et frappé d’un jour ménagé à dessein, autorise, ce semble, pour les vues faibles, bien des illusions favorables aux prétentions ultramontaines. […] Or, si cette vue a quelque justesse, on se trouvera forcé de rabattre de beaucoup de grandeur et de beaucoup d’habileté. […] Eh bien, cette thèse, nous n’avons pas à la démontrer ici dans tous ses détails, à légitimer par des faits cette vue qui, selon nous, doit s’appliquer à l’histoire générale de la papauté ! […] Son livre atteste des lectures immenses, une grande placidité de pensée, le sentiment de la dignité humaine ; mais des vues, du mouvement, nous en avons vainement cherché.