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299. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Ce que j’ai envie de dire pourra paraître un éloge démesuré : car le public n’a pas l’air de se douter, vraiment, que notre siècle finissant a de grands poètes. […] Vraiment ils ont dû être heureux. […] VIII Mais la Grèce était trop petite pour contenir toute la race humaine, et c’est vraiment dommage. […] La lumière excessive et qui exclut la douceur des pénombres, la végétation exubérante aux contours tranchés, le chatoiement des insectes et des oiseaux précieux, l’attitude et les mouvements des fauves dans la chasse ou dans le sommeil, le jeu des lignes précises dans la clarté uniforme, une vie intense où l’on ne sent pas de bonté, où la rigidité de la flore semble aussi inhumaine que la rapacité de la faune, la tristesse sèche qui vient peu à peu d’un spectacle trop brillant qu’on regarde sans rêver et sans que l’œil puisse se reposer dans le vague  voilà de quoi se composent ces poèmes, aussi barbares vraiment que les autres23.

300. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Je suis vraiment heureux que vous chantiez le roi : nulle part on n’a bien rendu ce rôle, et partout j’ai eu à souffrir de la vieille et ennuyeuse routine des chanteurs. […] Elles ont le même souci de l’action dramatique, le même mépris des virtuosités ; et chez quelques-uns de ces compositeurs on trouve une science de toute la musique, un génie original d’expression qui les rendent vraiment comparables à Wagner. […] Mais, lui et son contemporain Klopstock, ils étaient arrivés à la limite de ce que les paroles peuvent exprimer ; et, comme leurs formes poétiques ne s’adaptaient pas bien à la musique, ils sont tous deux restés impopulaires ; Platen avoue lui-même que « le poète lyrique qui n’est plus un avec le musicien, a besoin du compositeur pour devenir populaire. » Mais Platen ne connaissait guère la musique comme art, il n’en saisissait que le côté formel et extérieur, et, n’ayant pas en lui-même l’esprit de de la musique, il ne pouvait créer une lyrique qui, malgré les perfections de sa forme, devînt immédiatement compréhensible et vraiment populaire. […] Pour une seule fois, laissons cette plaisanterie, ne complotons pas avec nous-mêmes, mais gardons bien ce qui venait de nous ravir ; et alors nous nous apercevrons que chez Bellini c’était la claire mélodie, ce chant si simplement noble et beau qui nous a charmé ; retenir et croire cela n’est vraiment pas un péché ; ce n’en est peut-être pas non plus un que de prier encore le ciel, avant de se coucher, pour que vienne aux compositeurs allemands l’idée de telles mélodies et une telle façon de traiter le chant.

301. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Mais cet appui de la religion la plus pure, la plus divine, ce pouvait être seulement la plus noble des races humaines ; ainsi le pur Christianisme affranchi devint nécessairement la propriété des Aryens, qui en ces temps dominaient l’Europe : dès ce moment il y avait une ère chrétienne, bien qu’il n’y eût pas encore des peuples vraiment chrétiens. […] Pour saisir l’âme Aryenne en France et pour ne pas être trompé par les séparations historiques, il faut assister à une représentation suivant l’esprit vraiment Aryen, c’est-à-dire Wagnérien. […] Ceux qui entendaient le récit du Saint-Gral chanté par lui dans Lohengrin, étaient touchés et saisis de cette grande, noble et puissante simplicité, comme d’un miracle vraiment vécu. »   5° Communications Analyse du numéro III 1° Hans von Wolzogen ; Tristan et Parsifal (suite)   Pour arriver à Monsalvat, Wagner devait traverser un troisième monde : celui de la métaphysique. […] Wagner seul comprit que pour qu’il y eût un théâtre allemand vraiment original, il fallait déclarer la guerre à l’autre, et rompre tout lien avec lui.

302. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Car c’est vraiment pour eux qu’il a écrit, si c’est bien cette conception surannée de la « Science » que le positivisme, que l’on persiste à croire qui l’aurait établie, est au contraire venu ruiner. […] La faute en était imputable à nos Encyclopédistes, qui, de toutes les découvertes accumulées déjà de leur temps, ne s’étaient vraiment préoccupés que d’extraire un Credo, sur le modèle de l’autre, et pour l’y opposer. […] est celle qui n’affirme l’absolu, — ou l’Inconnaissable — qu’autant qu’elle s’y est, pour ainsi dire, heurtée dans toutes les directions qu’elle a prises pour y échapper ; qui ne s’incline en quelque manière devant le mystère des choses qu’après avoir épuisé les moyens humains d’en éclairer la profondeur ; et qui ne se propose pas enfin, comme celle de Fichte, de créer de son fond, et vraiment du néant, ex nihilo, l’homme, et le monde, et Dieu, mais, plus modestement, de les reconnaître, et de les définir, dans la mesure de notre pouvoir. […] Et la métaphysique cessant ainsi d’être un « système fermé », c’est alors qu’elle deviendra vraiment digne de son nom, et de son rôle, qui est de nous conduire par les voies normales de l’intelligence humaine du connu à l’inconnu et de l’inconnu à l’inconnaissable.

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