II Ce qu’il a donné en volume, je l’avais lu en partie dans La Vie parisienne, et j’avais été, je l’avoue, intéressé par le ton de tout cela, par ce ton retrouvé et que nous allions perdre, et qui est le ton de notre race. […] Et quand ces écrits sont des articles, lus à distance les uns des autres, c’est charmant ; mais quand le tout est ramassé et massé dans un seul volume, qu’on lit d’une haleine, on finit par trouver que c’est trop de poudre comme cela, et on pense malgré soi à la fameuse anecdote du glorieux bailly de Suffren, qui avait l’habitude de fourrer de bien autres poudres que celles-ci dans son tabac d’Espagne, et qui, un jour qu’on voulut l’attraper et le corriger de ce goût étrange, en ne mettant, au lieu de tabac, que de cette poudrette dans sa tabatière, dit avec la majesté du connaisseur, après avoir aspiré fortement jusqu’au fin fond de son nez héroïque ce qu’il croyait du tabac encore : « Il est bon, mais il y en a trop ! […] La scène de cette grande pièce en un volume est le château de Manteigney, appartenant au dernier descendant de la grande famille de ce nom, lequel, pour fumer sa vieille terre, comme on disait autrefois, a épousé la fille de Larreau.
Le marquis d’Argenson, lisant plus tard le volume des Œuvres de l’abbé de Pons, se souvenait d’avoir connu autrefois l’auteur, et en parlait en ces termes, n’écrivant que pour lui seul23 : Je crois que c’est chez Mme la marquise de Lambert que je l’ai vu. […] Et M. d’Argenson, qui est sans gêne dans son tête-à-tête et dont tous les jugements d’ailleurs ne sont pas articles de foi, note dans ce volume de l’abbé de Pons qu’il vient de lire « un petit traité De l’origine des âmes qui est, dit-il, une miniature de métaphysique. » L’abbé Trublet, autorité peu considérable en matière le goût, mais témoin exact des faits, nous dit de son côté : Je n’ai connu personne qui écrivît plus facilement que l’abbé de Pons, quoique d’un style très singulier et en apparence très recherché.
PENSÉES Voici un volume encore de ceux que j’avais à recueillir. […] En les livrant au lecteur qui m’aura suivi jusqu’à la fin de ce huitième volume de Portraits, je me persuade avoir affaire à-un ami.
Dans un temps où nous sommes affligés de la plaie des Mémoires, où le vrai et le faux, l’authentique et l’apocryphe, se confondent de plus en plus et deviennent presque impossibles à discerner ; quand le moindre contemporain et témoin du drame impérial s’autorise de quelques souvenirs, qui tiendraient en peu de pages, pour recommencer la chronique générale et desserrer volume sur volume ; il est précieux de trouver un homme qui a vu longtemps et de près, qui a manié et surveillé les plus secrets ressorts, et qui raconte avec sobriété les seules portions dont il se juge bien instruit.