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124. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

À une époque de civilisation avancée et de littérature savante, après Virgile, après Horace, après Lucrèce, sous le règne du plus vertueux des empereurs, de celui qui nous a légué cet admirable bréviaire de perfection morale : Ta eis eauton, dans la ville la plus riche et la plus cultivée de la Gaule romaine, des milliers d’hommes, dont un bon nombre, apparemment, étaient d’honorables bourgeois, se réunissaient pour le plaisir de voir torturer longuement et horriblement d’autres hommes. […] Dans une salle des catacombes, à la lueur des torches, devant ses frères qui viennent d’apprendre que les quatre cents esclaves de Secundus ont été exécutés, le prêtre Timothée, — en des phrases dictées par Dieu même, puisqu’elles sont empruntées à l’« épître catholique de saint Jacques » et à l’Apocalypse, — maudit la ville impure et sanguinaire et en prophétise la fin : « … Riches ! […] Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers crie contre vous… Vous avez condamné et mis à mort les innocents, les justes, qui ne vous résistaient point… Qu’elle pleure et qu’elle gémisse, la ville d’iniquité !… Parce que, dans cette grande ville, le sang des saints et des innocents a été répandu… le Seigneur enverra le feu tordre dans ses flammes, comme dans les anneaux d’un serpent, tous ces palais superbes, tous ces repaires de voluptés infâmes !  […] » dit Faustus en arrachant une torche fixée à la muraille ; et, suivi de quelques-uns de ses frères, il s’en va mettre le feu à la ville.

125. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Il partit, en effet, avec ses disciples, pour revoir une dernière fois la ville incrédule. […] Au bas de la montagne, à quelques pas de la porte, en entrant dans la zone voisine du mur oriental de la ville, qu’on appelait Bethphagé, sans doute à cause des figuiers dont elle était plantée 1053, il eut encore un moment de satisfaction humaine 1054. […] » Quelques personnes même lui donnaient le titre de roi d’Israël 1055. « Rabbi, fais-les taire », lui dirent les pharisiens  « S’ils se taisent, les pierres crieront », répondit Jésus, et il entra dans la ville. […] Jérusalem était une ville d’environ 50 000 âmes 1056. Un petit événement, comme l’entrée d’un étranger quelque peu célèbre, ou l’arrivée d’une bande de provinciaux, ou un mouvement du peuple aux avenues de la ville, ne pouvait manquer, dans les circonstances ordinaires, d’être vite ébruité.

126. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

des voyages par terre, faits dans toutes les parties du monde : contenant ce qu’il y a de plus remarquable & de mieux avéré dans tous les pays où les voyageurs ont pénétré, touchant leur situation, leur étendue, leurs limites, leurs divisions, leurs climats, leur terroir, leurs productions, leurs lacs, leurs rivieres, leurs montagnes, leurs mines, leurs habitations, leurs principales villes, leurs ports, leurs rades, &c. ; avec l’histoire, les mœurs, & les usages des habitans, leur religion, leur gouvernement, leurs arts, leurs sciences, leur commerce, leurs manufactures, &c. : ouvrage enrichi de Cartes géographiques nouvellement composées sur les observations les plus authentiques, de plans & de perspectives, de figures d’animaux, de végétaux, habits, antiquités, &c. […] On ne fait pas moins de cas de la rélation d’un voyage du Levant, fait par ordre du Roi, contenant l’histoire ancienne & moderne de plusieurs isles de l’Archipel, de Constantinople, des Côtes de la mer noire, de l’Arménie, de la Georgie, des frontieres de Perse & de l’Asie mineure ; avec les plans des villes & des lieux considérables, le génie, les mœurs, le commerce & la religion des différens peuples qui les habitent & l’explication des médailles & des monumens antiques, enrichie des descriptions & des figures d’un grand nombre de plantes rares, de divers animaux : & plusieurs observations touchant l’histoire naturelle, par le célébre Tournefort, en deux vol. […] Il passe d’abord en Italie, & il en parcourt rapidement les places les plus commerçantes & les plus belles villes ; mais on le voit appliqué par-tout aux objets du commerce ou des arts, y donner sa principale attention, visiter les Manufactures, examiner les fabriques & les atteliers, & en dessiner les machines. […] Aucune autre rélation de Constantinople ne fait peut-être connoître aussi bien cette grande ville & l’intérieur du serrail. […] Mais gardez-vous bien de faire comme les Anglois, qui les doublent d’un pédant Irlandois, qui ne leur fait voir dans chaque ville que ce qui n’intéresse personne.

127. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Dans chaque partie du monde, chaque contrée ; dans une même contrée chaque province ; dans une province chaque ville ; dans une ville chaque famille ; dans une famille, chaque individu ; dans un individu, chaque instant a sa physionomie, son expression. […] Presque tous les peintres de ruines vous montreront autour de leurs fabriques solitaires, palais, villes, obélisques, ou autres édifices renversés, un vent violent qui souffle ; un voyageur qui porte son petit bagage sur son dos et qui passe ; une femme courbée sous le poids de son enfant enveloppé dans des guenilles et qui passe ; des hommes à cheval qui conversent, le nez sous leur manteau, et qui passent. […] Supposez à la place des ruines d’une ville, quelque grand tombeau. […] C’est que la divinité ne parle pas dans le tumulte des villes ; elle aime le silence et la solitude.

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