Ici, on entend le cri instinctif de cette âme pleine de courage et de vertu, qui fut patriotique et française avant tout dans son ambition, et qui confondra ses passions personnelles dans la grandeur de la chose publique. […] Lui qui passera un jour pour cruel et impitoyable, qui le sera quelquefois, mais dont les principales vengeances se confondront pourtant dans les intérêts de l’État, il estime, à propos de ce meurtre du maréchal, que « ce fut un conseil précipité, injuste et de mauvais exemple, indigne de la majesté royale et de la vertu du roi ».
Il était fait, dans l’ordre habituel et régulier d’un régime représentatif, pour figurer avec honneur dans les discussions, et peut-être de temps en temps dans les ministères, pour faire surtout ce rôle d’honnête homme en titre et d’Ariste qu’il faut que quelqu’un remplisse dans cette grande distribution des emplois, pour intervenir dans les grands cas au nom de la morale et de la vertu solennelle, pour ignorer les intrigues de ses amis, pour les servir peut-être, et à son insu toujours. […] Chacun de ces instants est gravé dans ma mémoire… J’avais obtenu le retour de la paix, je l’avais obtenu sans autre moyen que le langage de la raison et de la vertu : cette idée me saisissait par toutes les affections de mon âme, et je me crus un moment entre le ciel et la terre.
Dans la précision des assemblages, la rareté des éléments, le poli de la surface, l’harmonie de l’ensemble, n’y a-t-il pas une vertu intrinsèque, une espèce de force divine, quelque chose d’éternel comme un principe ? […] Les autres, plus étroits et purement moraux, personnifient des vertus ou des vices, comme l’Othello ou l’Iago de Shakespeare, la Phèdre de Racine, la Cléopâtre de Corneille, Harpagon ou Tartufe, Grandet ou le père Goriot.
Tourguénef a fixé dans ses livres quelques-unes des âmes les plus complexes et les plus vraies qu’un romancier ait déchiffrées, des caractères à contradictions subites, à retraites dissimulées, des natures variables et à peine intelligibles des individus, et non plus quelques généralisations correctes, plus ou moins particularisées, d’un type habituel, d’un vice ou d’une vertu. […] Dans toutes ses investigations, Tourguénef porte une mansuétude sage, une vertu d’observateur triste, des qualités de pénétration et de sympathie.