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1000. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

La vertu s’y joint, fille de la sagesse et des lois ; c’est par la vertu que la Grèce lutte contre la pauvreté et la tyrannie. […] Ils disparaissent, dès ce moment, de la grande histoire, toute vertu s’est retirée d’eux : ces renégats de la Grèce sont désormais excommuniés de sa vie sublime. […] Ses vertus féroces rebutent comme des vices.

1001. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

C’est là, insistons-y, la vertu du chemin de Damas. […] Tous ceux auxquels se révélera la justice, tous les aveuglements désireux du jour, toutes les cataractes souhaitant guérir, tous les chercheurs de conviction, tous les grands aventuriers de la vertu, tous les serviteurs du bien en quête du vrai, iront de ce côté. […] Plus rien, ni dignité, ni pudeur, ni honneur, ni vertu, ni esprit ; la jouissance animale toute crue, l’impureté toute pure. […] Quoi qu’il en soit, l’avènement du bon sens est le grand fait de Cervantes ; le bon sens n’est pas une vertu ; il est l’œil de l’intérêt il eût encouragé Thémistocle et déconseillé Aristide ; Léonidas n’a pas de bon sens, Régulus n’a pas de bon sens ; mais en présence des monarchies égoïstes et féroces entraînant les pauvres peuples dans leurs guerres à elles, décimant les familles, désolant les mères, et poussant les hommes à s’entre-tuer avec tous ces grands mots : honneur militaire, gloire guerrière, obéissance à la consigne, etc., etc., c’est un admirable personnage que le bon sens survenant tout à coup et criant au genre humain : Songe à ta peau !

1002. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois.

1003. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même… » Et cette note, qui peut tenir lieu des trois ou quatre autres qui sont aussi expressives et aussi formelles sur le même sujet, finit en ces mots sinistres : « Il y a peut-être un Dieu, mais c’est le Dieu d’Épicure ; il est trop grand, trop heureux pour s’occuper de nos affaires, et nous sommes laissés sur ce globe à nous dévorer les uns les autres. » Ainsi donc voilà où en était Chateaubriand à la veille du moment où il fut vivement frappé et touché, et où il conçut l’idée du Génie du christianisme. […] Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même : et comment croire qu’un Dieu intelligent nous conduit ?

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