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1851. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Sachez qu’il vint d’un œil que j’adore en mon cœur. […] D’où viennent donc ces progrès ? […] Messieurs, tel que je viens d’essayer de vous le peindre, pouvait-il un instant hésiter ? […] de quel souvenir viens-tu frapper mon âme ! […] Il est fier, il est rebelle, Mais il charme tel qu’il est ; L’Hymen vient quand on l’appelle L’Amour vient quand il lui plaît.

1852. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Le vieil officier cherche à le détromper : il lui montre la différence qu’il y a entre un homme peu scrupuleux qui, dans la réalité, dans la conversation, se laisse animer et accepte les choses les plus fortes, et ce même homme, devenu tranquille, qui les apprécie en les lisant : « Il est vrai, dit-il, que ce lecteur est homme aussi : mais c’est alors un homme en repos qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit, qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons et avec de la décence. » C’est un éloge à donner à Marivaux que, venu à une époque si licencieuse, et lui qui a si bien connu le côté malin et coquin du cœur, il n’a, dans l’expression de ses tableaux, jamais dépassé les bornes. […] Vous y viendrez ! Vous n’y viendrez pas ! […] Cela ne lui suffisait pas : Il vint un jour chez moi, dit Voisenon, me confier que ses affaires n’étaient pas bonnes, et qu’il était décidé à s’ensevelir dans une retraite éloignée de Paris.

1853. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Mais les députés répliquèrent qu’ils désiraient ne s’ouvrir au doge de l’objet de leur venue qu’en présence de son Conseil. […] Les députés vinrent au monastère où ils furent beaucoup regardés de maintes gens qui jamais ne les avaient vus. […] Villehardouin, qui nous donne cette impression à travers son récit, ne la démêlait sans doute qu’imparfaitement lui-même : il n’y avait point de contradiction déclarée alors entre ces intérêts du monde et ceux de la religion ; les mêmes hommes qui pourvoyaient aux uns étaient sincèrement préoccupés des autres : toute la différence n’était que dans la proportion et dans la mesure ; mais la part faite au ciel, même quand elle ne venait qu’en seconde ligne, restait encore grande. […] Tant que les Vénitiens croient que le roi de France n’avancera pas en Italie et qu’il ne réussira pas dans ses projets de conquête, ils protestent volontiers de leur amitié et de leurs services désintéressés pour lui ; quand ils le voient s’avancer et vaincre au-delà de leurs prévisions, ils s’effrayent, travaillent à nouer la ligue et dissimulent, non pas si bien toutefois que Commynes, le jour où ils lui apprennent la reddition du château de Naples aux Français, ne lise la consternation sur le visage des principaux dans la chambre du doge : « Et crois que quand les nouvelles vinrent à Rome de la bataille perdue à Cannes contre Annibal, les sénateurs qui étaient demeurés n’étaient pas plus ébahis ni plus épouvantés qu’ils étaient. » Patience !

1854. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Aussitôt après la mort de Louis XV, il crut que son moment de grand essor était venu. […] La tête est fort belle, la physionomie vive, animée, parlante, la figure assez longue ; on n’y prend nullement l’idée que donnerait de M. de Meilhan le duc de Lévis, lorsqu’il a dit : « Sa figure, quoique expressive, était désagréable ; il était même complètement laid, ce qui ne l’empêchait pas d’ambitionner la réputation d’homme à bonnes fortunes. » Cette idée de laideur ne vient pas à la vue de ce portrait ; mais on y reconnaît avant tout ce bel œil perçant, plein de feu, ces « yeux d’aigle pénétrants » dont le prince de Ligne était si frappé. […] Lorsqu’il vient à mourir, on apprend avec surprise qu’il avait quatre-vingts ans. […] une simple idée ne lui vient pas en 1787, c’est que la monarchie sous laquelle il vit n’est pas un édifice indestructible, une voûte éternelle : « De nos jours, dit-il, la puissance des souverains est assise sur des bases inébranlables » ; et il part de là, comme d’un point fixe, dans sa supposition étrange d’une langueur et d’une insipidité sociale croissante.

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