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1730. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Quand il vint la dernière fois à Paris en 1741, M. de Fontenelle ayant remarqué dans sa prononciation quelque chose de l’accent de Normandie, lui en fit l’observation, et lui demanda s’il n’avait pas d’abord appris notre langue d’une personne de cette province ; ce qui était vrai en effet. […] Il ne comparait point toutefois les deux scènes, quant à l’importance des débats et à l’influence politique qu’on y pouvait acquérir : Il est inouï, disait-il plus tard de Pitt, au moment où ce grand orateur consentit à entrer dans la chambre haute sous le titre de lord Chatham, il est inouï qu’un homme, dans la plénitude de sa puissance, au moment même où son ambition venait d’obtenir le triomphe le plus complet, ait quitté la Chambre qui lui avait procuré cette puissance, et qui seule pouvait lui en assurer le maintien, pour se retirer dans l’hôpital des incurables, la Chambre des pairs. […] Il aurait mieux valu presque avoir échoué totalement et n’avoir réussi à faire qu’un original en sens inverse, tandis qu’avec tant de soins et à tant de frais, n’en être venu qu’à produire un homme du monde insignifiant et ordinaire, un de ceux desquels, pour tout jugement, on dit qu’on n’a rien à en dire, il y avait de quoi se désespérer vraiment, et prendre en pitié son ouvrage, si l’on n’était pas un père. […] Il est à présent à l’école ; mais comme ici on ne songe pas à former les mœurs ou les manières des jeunes gens, et qu’ils sont presque tous nigauds, gauches et impolis, enfin tels que vous les voyez quand ils viennent à Paris à l’âge de vingt ou vingt et un ans, je ne veux pas que mon garçon reste assez ici pour prendre ce mauvais pli ; c’est pourquoi, quand il aura quatorze ans, je compte de l’envoyer à Paris… Comme j’aime infiniment cet enfant, et que je me pique d’en faire quelque chose de bon, puisque je crois que l’étoffe y est, mon idée est de réunir en sa personne ce que jusqu’ici je n’ai jamais trouvé en la même personne, je veux dire ce qu’il y a de meilleur dans les deux nations. […] Les grâces, c’est à elles qu’il revient toujours, car sans elles tout effort est vain : « Si elles ne viennent pas à vous, enlevez-les », s’écrie-t-il.

1731. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Il vint faire ses études dans une pension à Paris, puis à Juilly chez les Oratoriens. […] Après le licenciement de l’armée des princes, redevenant homme de famille, il vint se fixer à Heidelberg et se consacra à l’éducation de ses deux fils aînés, qu’il avait emmenés avec lui. […] Que lui importe le xviiie  siècle et que Voltaire soit venu ? […] « Les grandes pensées viennent du cœur », a dit Vauvenargues. […] Votre secret sera dans le cœur d’un honnête homme, et il n’en sortira que lorsque le temps sera venu.

1732. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Bien jeune, il vint à Paris continuer comme il put ses études de grammaire ; il servait en même temps de domestique à quelques écoliers. […] Bon, facile, amateur de musique, un peu timide en public, un peu perdu dans les détails, vif d’humeur, mais revenant aisément, franc, ouvert et candide, tel on nous peint et tel aisément on se figure en effet le bon Amyot, que le malheur, vers la fin de son existence heureuse, vint tout à coup visiter. […] Ce sont là les mérites de ce traducteur incomparable, venu à un moment décisif et où il pouvait se permettre ce qui, depuis lors, n’eût plus été également accordé. […] Or, Amyot est un Rollin plus fort, venu cent cinquante ans auparavant, qui a eu l’initiative dans son genre, qui a le premier donné l’exemple d’une grande traduction d’après le grec en français, et qui a eu le génie de la diction toutes les fois que la pensée d’un ancien lui a souri. […] Ce sont là des idées que l’érudition elle-même est bien venue à respecter.

1733. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Mallet du Pan était un Genevois adonné de bonne heure aux études solides et aux considérations critiques, qui vint à Paris vers 1783 et y fut chargé par Panckoucke de rédiger la partie politique du Mercure. […] Lorsque Linguet, jouissant des honneurs de cette persécution, vint à Genève et à Ferney, Mallet le vit et s’enrôla sous lui comme collaborateur pour les Annales politiques, civiles et littéraires. […] Cet indiscret Garat, dans un épanchement qu’il adressait à Condorcet en 1792, écrivait, en se reportant aux scènes de la Constituante (de tels aveux sont bons à recueillir dans tous les temps) : Vous savez, monsieur, qu’à ces mêmes époques les séances de l’Assemblée nationale ; d’où tous les mouvements partaient et où tous venaient retentir et se répéter, étaient beaucoup moins des délibérations que des actions et des événements. […] Ce n’est que justice si un rayon tardif aujourd’hui vient tomber sur son front réfléchi et sévère. […] Il se prononce du premier jour contre les exagérations, de quelque part qu’elles viennent.

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