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1090. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Duplessis, que la mort a enlevé si inopinément et d’une manière si sensible pour sa famille et pour ses amis le 21 mai dernier74, avait préparé cette édition de La Rochefoucauld : c’est à lui qu’on en doit la distribution, l’ordre, les notes, toute l’économie en un mot ; il n’y manquait plus que quelques pages qu’il devait mettre en tête : on vient me demander, à son défaut, de les écrire et de le suppléer. […] L’héroïsme militaire, d’ailleurs, vient surtout du sang et de la nature : ces cœurs de lion s’embrasent à l’approche du danger ; ils ne se possèdent plus, ils se sentent dans leur élément. […] Dans tous ces cas si divers, sans doute l’être humain cherche invariablement sa consolation, sa joie secrète et son bonheur ; mais ne venez point parler d’amour-propre, d’intérêt et d’orgueil, là où le ressort en est si richement revêtu, si naturellement recouvert, et si transformé, qu’il ne peut plus être défini que le principe intime d’action et d’attrait propre à chaque être. […] Il ne ressemblait en rien à cet illustre savant que tout Paris connaît78, et qui, lorsqu’il vient y passer quelques mois, a tellement soif de parler (non de causer) qu’il s’arrange de manière à être difficilement interrompu. […] Nous mettons un genou en terre devant celles qui n’ont jamais failli ; mais quand à Mlle de La Vallière ou à Mme de Longueville on ose comparer Mme de Maintenon, avec les calculs sans fin de sa prudence mondaine et les scrupules tardifs d’une piété qui vient toujours à l’appui de sa fortune, nous protestons de toute la puissance de notre âme.

1091. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Il n’a que vingt-cinq ans, il quitte l’Angleterre après quelques mois de séjour, il vient à Paris et y retrouve quelques-unes de ses connaissances et de ses meilleures amies de Genève, Mme Necker, reine d’un salon, les duchesses d’Anville et de La Rochefoucauld. […] Cependant Bonstetten, sans trop raisonner son choix, était engagé, et il dut suivre jusqu’au bout cette carrière publique jusqu’à ce que des événements impérieux vinssent le délivrer. […] À deux pas de Coppet, au bord de ce beau lac, dans cette Suisse romande que Voltaire avait tant goûtée, Bonstetten, avant que les événements menaçants lui fissent la position trop difficile et vinssent mettre à une trop forte épreuve son caractère, avait trouvé le moyen de concilier tous ses goûts de curiosité, d’universalité, de philanthropie, de cosmopolitisme. […] On vint demander à M. le bailli un passeport pour ces bonnes filles, afin qu’elles pussent en toute sûreté gagner Fribourg, une terre catholique. « Précisément dans ce moment-là, racontait Bonstetten, j’expédiais la permission d’exporter pour les besoins de l’armée française une certaine quantité de bétail. […] Neuf ans après, à Genève, un habitant de ces pauvres vallées vint le remercier de l'effet qu’avait produit sa predica, son prône.

1092. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Le candidat se déclare quand il lui plaît : l’Académie ne discute préalablement sur les mérites d’aucun ; aucune comparaison ne s’établit par voie d’examen et moyennant un débat contradictoire ; et chaque académicien, le jour venu, vote arbitrairement, comme dirait La Bruyère, suivant sa propre et unique information. […] L’ancienne Académie française a si bien changé qu’elle a péri en 1792, et la nouvelle date de l’an III et de la loi qui déclare qu’il y aura pour toute la République « un Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences. » L’organisation de l’Institut vint ensuite en l’an IV et eut à subir depuis diverses modifications, notamment sous le Consulat (1803). […] Scribe venait précisément de mourir. […] Lacordaire, d’ailleurs, avait peu joui de l’Académie, et elle de lui, dans le trop court espace de temps qu’il lui avait appartenu ; et je crois même qu’il n’y était venu s’asseoir qu’une seule fois depuis sa réception solennelle. […] Poujoulat pouvait se croire appelé, M. de Carné pouvait espérer d’être élu, lorsqu’un nouveau nom, positivement déclaré, est venu les décourager tous et mettre comme à néant toutes les autres conjectures et candidatures : Le Soleil est levé, retirez-vous, Étoiles !

1093. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Parmi ceux qui la soutiennent avec le plus d’honneur, je trouve des noms connus, des noms amis auxquels je ne puis échapper avant d’en venir à mon sujet principal, et que je me ferais scrupule de passer entièrement sous silence, puisqu’ils ont publié de nouveaux recueils, pas plus tard qu’hier. […] Il vient une heure froide aux angoisses mortelles, Nos amours les plus chers, ingrates hirondelles, Désertent notre toit par l’hiver envahi ! […] La curiosité aussi vient y ajouter son puissant attrait. […] non, non, ne viens plus me tenter. […] Et que des censeurs légers, inintelligents ou hypocrites, viennent dire, après cela, que j’attaque et que je diminue Châteaubriand !

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