Son génie lui parla ; un état médiocre ne lui parut point valoir assez pour être mis en balance avec cette destinée nouvelle qu’il tenait entre ses mains : « Il vaut mieux, pensa-t-il, déroger à sa qualité qu’à son génie » ; et, se reportant aux grandes actions qu’il avait été donné à d’autres plus heureux d’exécuter, il se dit : « Qu’il paraisse du moins, par l’expression de nos pensées et par ce qui dépend de nous, que nous n’étions pas incapables de les concevoir. » Cette prédominance, cette préoccupation toujours présente de l’action et de l’énergie vertueuse, supérieure et préférable à l’idée elle-même, est un des caractères du talent littéraire de Vauvenargues, et elle contribue à conférer aux moindres de ses paroles une valeur et une réalité qu’elles n’auraient pas chez tant d’autres, en qui l’auteur se sent à travers tout. […] Mais ces plaintes qui s’élèvent de toutes parts et qui lui sortent du cœur à lui-même, il les réduit à leur valeur.
En général, on voit nettement se dessiner les premiers élans de la valeur guerrière de Frédéric dans cette correspondance avec Jordan. […] Sans elle, nous sommes les êtres de l’univers les plus à plaindre… Comme on ne connaît la nécessité de la valeur que dans le péril, on ne peut connaître l’avantage consolant qu’on retire de la religion que dans l’état de souffrance.
C’est ce qui donne à tout sentiment une valeur intellectuelle et proprement esthétique ; c’est ce qui fait de tout plaisir sensible le rudiment d’un plaisir esthétique : il y a un germe de beauté partout ou il y a unité dans la multiplicité, accord dans la discordance, harmonie dans des éléments antagoniques. […] Bien plus, les nerfs cérébro-spinaux et sensibles sont distribués aux principaux organes du corps exactement en proportion de la valeur des avertissements que le plaisir et la peine peuvent, dans chaque cas, donner au cerveau.
Quel rapport y a-t-il entre le salaire qu’on accordait aux maîtres anciens, et la valeur que nous mettons à leurs ouvrages ? […] L’homme habile à qui l’homme riche demande un morceau qu’il puisse laisser à son enfant, à son héritier, comme un effet prétieux, ne sera plus arrêté par mon jugement, par le vôtre, par le respect qu’il se portera à lui-même, par la crainte de perdre sa réputation : ce n’est plus pour la nation, c’est pour un particulier qu’il travaillera, et vous n’en obtiendrez qu’un ouvrage médiocre, et de nulle valeur.