/ 3932
2125. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

» Le poète acheva de vider la coupe à demi-pleine que cette interrogation inattendue avait suspendue un moment entre la main et les lèvres ; il regarda amoureusement le front rougissant de Leïla, il respira à longue haleine le bouquet de fleurs de jasmin et de citronniers qui jonchaient le tapis, puis, gardant un long silence comme un sage qui cherche une réponse et qui n’en trouve pas dans son esprit : « L’ivresse ? […] Il va chez une bohémienne vendeuse de crimes, il achète un poison et un poignard pour accomplir sa vengeance avec le raffinement d’un voluptueux qui veut trouver même la saveur de la débauche dans le dernier soupir de la vie, paradoxe qui se trouve dans toutes les compositions de ce temps et qui n’est jamais dans la nature ; car entre deux passions extrêmes dans le cœur de l’homme, il n’y a jamais équilibre. […] J’ai trouvé sur un banc une femme endormie, Une pauvre laitière, une enfant de quinze ans, Que je connais, Gunther. — Sa mère est mon amie. […] Lorsque le laboureur, regagnant sa chaumière, Trouve le soir son champ rasé par le tonnerre, Il croit d’abord qu’un rêve a fasciné ses yeux, Et, doutant de lui-même, interroge les cieux. […] Voilà, lui disais-je, encore une fois ce que c’est que l’amour de l’âme en comparaison de tes amours des yeux ; celui-là trouve plus de véritables délices sur un cercueil qui ne se rouvrira pas, que tes amours à toi n’en trouvent sur les roses et sur les myrtes d’Horace, d’Anacréon ou d’Hafiz.

2126. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Je commençai à trouver du charme dans ces leçons, parce que j’y trouvais l’exercice de ma propre imagination et de mon propre discernement. […] Je fus agréablement surpris d’y trouver dans les maîtres et dans les disciples une physionomie toute différente. […] dis-moi de leurs nouvelles, Gris messager de la nuit ; Sous l’églantier rose ont-elles, Au printemps, trouvé ton nid ? […] Nous nous rappelons avoir trouvé une fois un de ces nids dans un rosier ; il ressemblait à une conque de nacre, contenant quatre perles bleues ; une rose pendait au-dessus, toute humide. […] J’ai trouvé l’autre jour cette inscription au crayon, et signée seulement d’une initiale, sur la vieille porte vermoulue de ma maison de village, à Milly.

2127. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Au début, cependant, il avait trouvé le temps d’écraser un théatin qui défendait le théâtre : le P. […] Ce qu’il combattait là, c’était la critique historique et philologique, qu’il pressentait funeste à l’orthodoxie, et destructive de la religion : aucune des polémiques de Bossuet ne fut plus grave, et c’est la seule peut-être pour laquelle il se soit trouvé insuffisamment armé. […] Mais, d’abord, cette soumission n’est pas une abdication ; elle est volontaire et sans violence : la raison y trouve son compte. […] On trouve des sermons qui contiennent sommairement l’Histoire universelle, d’autres les Variations, d’autres la Politique ; ils fournissent les cadres, la méthode, les idées capitales ou originales. […] Cette misérable dégénérescence de l’éloquence religieuse trouve son expression parfaite dans l’abbé Maury, le plus fleuri, le plus harmonieux, le plus froid, le plus vide et ie moins sincère des orateurs que, par habitude, on continue d’appeler chrétiens : Maury est à Bossuet ce que Fontanes est à Racine.

2128. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Voulez-vous connaître, d’une époque, son essence même, sa pensée la plus intime, sa vie intellectuelle, sa vie morale, prenez ses poètes : vous trouverez en eux tout cela, et de plus vous y trouverez le germe de l’époque suivante. […] Il en est pour qui la chose est sérieuse, pour qui c’est le tourment de leur âme de ne pas trouver appui et consolation dans ces débris fantastiques du passé ; pour les autres, c’est purement affaire d’art. […] Pour tous, c’est bien plutôt la matière de l’art que l’art lui-même ; ce n’est pas leur vie franchement dévote qui s’exprime, c’est leur vie douteuse, incrédule, affligée, qui cherche confort, et qui trouve cet aliment. […] Ils n’ont pu trouver un sol où leur Christianisme prît racine, et d’où il tirât des sucs assez nourriciers pour couvrir ensuite la terre de son ombrage. […] On s’étonne de retrouver tant de poésies primitives ; voilà un demi-siècle qu’on en déterre, et la mine semble encore vierge ; on est surpris d’en trouver jusque chez les nègres et les sauvages de l’Amérique du Nord.

/ 3932