/ 1946
390. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

L’un vendait des journaux et soufflait dans une corne de cuivre, l’autre poussait une de ces petites charrettes que les gens de la profession nomment des « balladeuses », et où il y avait de la mercerie, des bonnets de tulle, des pièces d’étoffe, des miroirs, des lanternes de fer-blanc, et celui-ci, pour appeler ses clients répandus dans l’immensité des blés, portait à ses lèvres, de temps en temps, la pointe d’un grand coquillage rose, qui s’évasait en forme de trompe. […] N’est-ce pas de quoi faire pitié, ce désir légitime de savoir qui n’est pas satisfait, ce besoin de culture populaire sans cesse renaissant et sans cesse trompé, ce champ immense et fertile où l’on ne jette que des graines folles ? […] Les sons, les couleurs, les jeux rares des syllabes cadencées ne peuvent tromper longtemps le cœur de l’homme.

391. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Comme le cabinet était fort petit, hormis Léon Narichkine, sa belle-soeur et moi, personne ne vit cela ; mais le comte Horn ne fut pas trompé, et tandis que je traversais les appartements pour revenir dans la salle, le comte Horn tira le compte Poniatowsky par l’habit et lui dit : “Mon ami, il n’y a rien d’aussi terrible qu’un petit chien de Bologne ; la première chose que j’ai toujours faite avec les femmes que j’ai aimées, c’est de leur en donner un, et c’est par eux que j’ai toujours reconnu s’il y avait quelqu’un de plus favorisé que moi”. » Je passe sur bien des gaietés et des espiègleries. […] Sans doute elle comptait bien ne pas réussir dans sa demande ; elle se fiait sur un reste d’affection au cœur d’Élisabeth et sur le mépris souverain que cette princesse avait pour son neveu : elle ne se trompait pas et il y eut à cette occasion, et à la suite d’un d’ouble entretien, non pas un retour durable de confiance et d’amitié de l’Impératrice à elle, mais un replâtrage.

392. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

La faiblesse qui pèche est digne de compassion : l’orgueil qui attaque la vérité n’inspire aucun sentiment doux. » Le fils de saint Dominique se révèle ici avec une étrange menace de sévérité et de dureté qui, heureusement, s’est trompée de siècle. […] Ne tromper personne, à commencer par soi-même, ne s’en faire accroire ni à soi ni aux autres ; n’être ni dupe, ni charlatan à aucun degré ; ne jamais aller prendre et montrer des vessies pour des lanternes (je parle à la Rabelais), ou des phrases brillantes pour des idées, ou de pures idées pour des faits ; mettre en tout la parfaite bonne foi avant la foi ; c’est aussi là un programme très-sain et un bon régime salubre pour l’esprit.

393. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

L’État et le peuple romain se trompaient en attribuant aux chrétiens des crimes et des pratiques infâmes ; ils ne se trompaient point en les considérant comme des ennemis irréductibles.

/ 1946