Villemain, si disert, du moins de renommée, n’a guère donné de vif et de montant aux petites rancunes et aux petites afflictions de la maison dont il fait partie : il est émoussé et il est triste. […] Certes, nous ne pouvions pas demander une si grande chose à Villemain, mais, nous le lui dirions à lui-même, nous le croyions réservé à une moins triste fin que cette extinction de son ancien talent dans la littérature fusionniste et les fautes de français ! […] Encore une fois, c’est là une triste fin. […] Depuis quarante ans, il est une de ses plus vieilles et de ses plus tranquilles compotes, et c’est un spectacle curieux offert par le temps, un spectacle triste ou gai, comme vous voudrez le prendre, mais curieux, que cette gloire facile, indiscutée, faite tout de suite et conservée à un homme qui n’a en lui pourtant, pour tout talent, que les feuilles du dictionnaire et une espèce d’art dans la manière de les tourner !
Nous citerons ces strophes : ……………………………………………… Les chiens déconcertés renoncent à la piste : Voici l’heure paisible où finissent les jours ; Libre vers son refuge, il monte grave et triste… À l’horizon lointain expirent les abois, Sur les chênes dormants la nuit remet son voile… Lui qui ne verra plus l’aurore dans les bois, Donne un dernier regard à la première étoile… C’est un sentiment profond de la nature qui donne de tels accents et qui fait que le lecteur croit voir le tableau que le poète a tracé.
Quoique je susse que les Anglais étaient tristes, je ne pouvais m’imaginer que le séjour de leur capitale le fût au point où je l’a trouvé. Aucune espèce de société, beaucoup de cohues… Comme ils passent neuf mois de l’année en famille où avec très peu de personnes, ils veulent, lorsqu’ils sont dans la capitale, se livrer au tourbillon… « Toutes les villes de province valent mieux que Londres ; elles sont moins tristes, moins enfumées ; les maisons en sont meilleures. […] Le peuple est triste, sans aucune imagination, sans esprit même, avide d’argent, ce qui est le caractère dominant des Anglais… » Ainsi parlait du pays, dont son défunt mari avait prétendu être le roi légitime, cette femme de trente-neuf ans, mûre désormais, une vraie femme du XVIIIe siècle, et des meilleures, sensible et sensée.
Toi qui fus un si doux mystère, Fantôme triste et gracieux, Pourquoi venais-tu sur la terre Comme les Anges sont aux cieux ? […] Content de peu et avide de l’infini, il avait une reconnaissance extrême pour ce qu’on lui faisait ou ce qu’on lui voulait de bien ; on aurait dit qu’il avait hâte d’en emporter le souvenir ou d’en respecter l’espérance, et au moindre prétexte commode, au moindre coin propice, saluant sans bruit et la joie dans le cœur, il fuyait : J’esquive doucement et m’en vais à grands pas, La queue en loup qui fuit, et les yeux contre-bas, Le cœur sautant de joie et triste d’apparence…170 A travers cela il avait trouvé, chose rare ! […] Faut-il prétendre, par ces tristes exemples, corriger les poëtes, les guérir de la poésie ; et pour eux, natures étranges, le charme du malheur raconté n’est-il pas plutôt un appât ?