À ce compte le véritable Décadent serait le faiseur de tragédies de 1810 ou le fabricateur de poèmes didactiques de la même époque. […] Saluons par conséquent un Décadent aussi dans Chateaubriand, auteur de la triste tragédie de Moïse, où il se montre le rival lamentable des La Harpe et des Marmontel et l’élève de Voltaire ou de Crébillon.
Il est décidément contre les faiseurs d’odes, de tragédies, contre tous les genres officiels et solennels, ces genres titrés que le public respecte et honore sur l’étiquette, sans voir qu’il y a souvent infiniment plus d’esprit et de talent dépensé ailleurs. Les auteurs de tragédies et d’odes le lui ont rendu ; Jean-Baptiste Rousseau a passé toutes les bornes quand il a écrit à Brossette : « L’auteur du Diable boiteux ne pouvait mieux faire que de s’associer avec les danseurs de corde : son génie est dans sa véritable sphère.
Voltaire, plus vif, a parlé de lui comme d’un homme dans qui l’érudition la plus profonde n’avait point éteint le génie : Il prenait quelquefois devant Votre Altesse Sérénissime (Mme du Maine) un Sophocle, un Euripide ; il traduisait sur-le-champ en français une de leurs tragédies. […] Ici l’esprit naturel faisait tout, mais on ne discernait pas, on ne choisissait pas : la duchesse jouait indifféremment Athalie, Iphigénie en Tauride (traduite fidèlement d’Euripide), ou Azaneth, femme de Joseph, dans la tragédie de Joseph faite par l’abbé Genest.
Necker) qui croit que les tragédies de Shakespeare sont des chefs-d’œuvre… » Ce n’était pas si maladroit d’agacer la colère de Voltaire par cet endroit-là, le sachant plus irritable en fait de tragédies qu’en matière d’économie politique.