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1505. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Cet étonnant amas de lectures et d’observations s’ébranle en un moment tout entier et tombe comme une montagne sur le lecteur accablé. […] Il n’avance point comme les autres par des intuitions brusques, mais par des déductions suivies ; on peut marcher, chez lui, on n’a pas besoin de bondir, et l’on est perpétuellement maintenu dans la droite voie : les oppositions de mots rendent sensibles les oppositions de pensées ; les phrases symétriques guident l’esprit à travers les idées difficiles ; ce sont comme des barrières mises des deux côtés du chemin pour nous empêcher de tomber dans les fossés. […] » On voit leurs yeux ardents fixés sur la lettre, sur Séjan qui sue et pâlit ; leurs pensées courent à travers toutes les conjectures, et les paroles de la lettre tombent une à une dans un silence de mort, saisies au vol avec une énergie d’attention dévorante. […] Le capitaine Otter, à moitié gris, dit du mal de sa femme, qui tombe sur lui et le rosse d’importance.

1506. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

J’ouvre au hasard, et je tombe sur le début du second livre ; un orateur, un écrivain de l’école de Buffon serait ravi d’admiration en voyant tant de trésors littéraires amassés dans un si petit espace. […] Voici ces vers si beaux traduits en prose ; j’ai beau traduire exactement, de toutes ces beautés il ne reste presque rien : Connais-toi donc toi-même, et ne te hasarde pas jusqu’à scruter Dieu. —  La véritable étude de l’humanité, c’est l’homme. —  Placé dans cet isthme de sa condition moyenne, —  sage avec des obscurités, grand avec des imperfections, —  avec trop de connaissances pour tomber dans le doute du sceptique, —  avec trop de faiblesse pour monter jusqu’à l’orgueil du stoïcien, —  il est suspendu entre les deux ; ne sachant s’il doit agir ou se tenir tranquille, —  s’il doit s’estimer un Dieu ou une bête, —  s’il doit préférer son esprit ou son corps, —  ne naissant que pour mourir, ne raisonnant que pour s’égarer, —  sa raison ainsi faite qu’il demeure également dans l’ignorance, —  soit qu’il pense trop, soit qu’il pense trop peu, —  chaos de pensée et de passion, tout pêle-mêle, —  toujours par lui-même abusé ou désabusé, —  créé à moitié pour s’élever, à moitié pour tomber, —  souverain seigneur et proie de toutes choses, —  seul juge de la vérité, précipité dans l’erreur infinie, —  la gloire, le jouet et l’énigme du monde. […] Un vif sentiment du paysage écossais, si grand, si froid, si morne, la pluie sur la colline, le bouleau qui tremble au vent, la brume au ciel et le vague de l’âme, en sorte que chaque rêveur retrouvait là les émotions de ses promenades solitaires et de ses tristesses philosophiques ; des exploits et des générosités chevaleresques, des héros qui vont seuls combattre une armée, des vierges fidèles qui meurent sur la tombe de leur fiancé, un style passionné, coloré, qui affecte d’être abrupt, et qui pourtant est poli, capable de charmer un disciple de Rousseau par sa chaleur et son élégance : il y avait de quoi transporter les jeunes enthousiastes du temps, barbares civilisés, amateurs lettrés de la nature, qui rêvaient aux délices de la vie sauvage en secouant la poudre que le perruquier avait laissée sur leur habit.

1507. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

C’était pour lui une bonne fortune d’être tombé entre mes mains : aussi allait-il souvent en rendre grâces à son ancien maître, qui avait une jeune femme fort belle. […] Je défendis à Ascanio de prendre à l’avenir de telles licences ; mais, m’ayant répondu impertinemment, je lui tombai dessus à coups de pied et à coups de poing, et il ne put sortir de mes mains que sans son bonnet et sans son manteau ; je fus deux jours à savoir ce qu’il était devenu ; un gentilhomme espagnol, nommé don Diego, homme excellent, pour lequel j’avais travaillé, et qui était mon ami, me dit qu’il était retourné chez son ancien maître, et qu’il me priait de lui rendre son bonnet et son manteau. […] Je lui disais, pour répondre à ses railleries, d’aller doucement, parce qu’il y avait du danger ; mais il ne tint compte de mes avis, et il me répondit en français que j’étais un peureux, avec ce ton avantageux qu’ils ont tous ; et sur-le-champ, piquant son cheval qui glissa, il alla tomber avec lui, bête sur bête, sur une grosse pierre, et de là dans la rivière. […] La croix monumentale qu’il avait conçue et exécutée vingt ans avant s’éleva dans l’église de la Nunziata sur sa tombe ; on l’y admire encore.

1508. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

« Aussi, dans le poème épique, si l’on se borne à une fable unique, on tombera nécessairement dans un de ces deux inconvénients : ou avec une exposition concise, de paraître tronqué et de finir comme en queue de rat ; ou avec les dimensions ordinaires du poème épique, de paraître diffus et délayé. […] Bientôt la physiologie ne suffira pas plus que n’a suffi la psychologie ; et, en dédaignant d’étudier l’âme seule de l’homme, on sera bien près d’étudier l’âme du monde, et de tomber dans les abîmes où s’est égaré Timée, que l’on a critiqué avec tant de raison et de sévérité. […] C’est elle qui anime le corps et qui le fait ce qu’il est ; car sans elle il n’est plus qu’un cadavre ; sans elle il se corrompt ; et l’homme a beau vouloir conserver cette vaine dépouille, tout l’art des Égyptiens n’y peut rien ; le corps tombe bientôt en dissolution, tandis que l’âme se sent réservée à des destinées toutes différentes8. […] Il faut le déclarer, quoi qu’il en coûte : Aristote, en contredisant Platon, a rétrogradé vers le passé ; il a rebroussé chemin à peu près jusqu’à l’Ionisme ; et malgré la sagacité des développements nouveaux qu’il a donnés à des principes surannés, le germe que contenaient ces principes n’a pas tarde à reparaître : si le maître lui-même a su échapper au sensualisme, son école presque tout entière y est fatalement tombée.

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