Ils avaient (et surtout Gautier) d’excellentes remarques et qui portaient loin ; mais ou ils les semaient au hasard et sans les rattacher à une théorie, ou ils se livraient à de brillantes fantaisies à propos et à côté de la pièce du jour. […] Je n’ai ni la prétention ni les moyens d’exposer ici complètement les théories disséminées dans ces milliers de pages. […] Ses théories ne sont que des constatations prudemment généralisées.
Il parlait très bien de la Charte, et commençait magnifiquement dès lors l’explication de la théorie constitutionnelle ; mais si les conclusions étaient saines, les arguments étaient presque partout violents et irritants, les moins faits pour attirer et affectionner les esprits à la cause qu’il préconisait. […] Quiconque ne voit pas cette vérité, ne voit rien et court à l’abîme : hors de cette vérité, tout est théorie, chimère, illusion. […] Ceux pourtant qui continuent d’aimer les phrases, les belles pensées détachées, les fragments spécieux de théorie, les prédictions inutiles et frappantes, les fantaisies poétiques dont on peut faire collection, trouveront amplement encore, en le lisant, de quoi se satisfaire ; mais les esprits qui demandent de la suite, de la raison, un but, quelque conséquence dans les actes et dans la conduite, savent désormais à quoi s’en tenir sur la valeur de l’écrivain éminent qui, avec de si hautes parties, n’a été en politique qu’un grand polémiste toujours personnel, et un agent lumineux de dissolution.
Par exemple, la théorie d’une langue, celle du grec, suppose une foule de combinaisons abstraites fort au-dessus des connaissances métaphysiques que possédaient les écrivains, qui parlaient cependant cette langue avec tant de charme et de pureté ; mais le langage est l’instrument nécessaire pour acquérir tous les autres développements ; et, par une sorte de prodige, cet instrument existe, sans qu’à la même époque, aucun homme puisse atteindre, dans quelque autre sujet que ce soit, à la puissance d’abstraction qu’exige la composition d’une grammaire ; les auteurs grecs ne doivent point être considérés comme des penseurs aussi profonds que le ferait supposer la métaphysique de leur langue. […] Ils devaient leur bon goût aux jouissances mêmes de la nature ; nos théories ne sont que l’analyse de leurs impressions.
. — Théories fausses sur l’esprit pur. — Le représentant mental que nous appelons idée pure n’est jamais qu’un nom prononcé, entendu ou imaginé. — Les noms sont une classe d’images. — Les lois des idées se ramènent aux lois des images. […] Les fausses théories qu’elles ont fait naître sont aussi compliquées que nombreuses et obstruent aujourd’hui la science ; quand on les aura déblayées, la science redeviendra simple. — Cette illusion-ci écartée, on voit les conséquences.