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281. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Zola, dont les trois tentatives dramatiques n’ont pas été heureuses, et qui est très convaincu qu’une pièce tirée d’un roman est une œuvre inférieure, n’avait aucune envie de livrer une nouvelle bataille sur le terrain de l’Assommoir : il l’aurait perdue, ou n’aurait pu la gagner qu’en sacrifiant ses théories. […] Zola défendait les œuvres et les théories de ses amis littéraires plus encore que les intérêts de son éditeur : car enfin, il ne pouvait logiquement pas prendre le parti des auteurs qui professent des théories directement opposées aux siennes, qui d’ailleurs ont tous des organes pour se défendre quand on les attaque, et, le cas échéant pour attaquer eux-mêmes. […] Zola, le seul du groupe, se trouve placé dans la critique militante ; par ce fait même, il est appelé à défendre les théories qu’on lui connaît ; il le fait avec d’autant plus de vigueur qu’il se sent appuyé par le suffrage et par les opinions des hommes dont il estime le plus le goût et le talent. […] comme si les nouvelles idées, les nouvelles théories, ne faisaient pas leur chemin lentement ! […] Victor Hugo l’a défendu, a donné des théories et des exemples, l’a fait vaincre  Puis, les besoins de l’esprit ont changé ; ils nous portent aujourd’hui vers une étude plus exacte des faits, vers une forme plus hardie, et le vieux mouvement naturaliste, que le génie de Balzac n’avait pas pu faire triompher à un moment qui n’était pas le sien, semble reprendre l’avantage.

282. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Taine a pour ainsi dire vérifié lui-même sa propre théorie de la prédominance du caractère essentiel : il nous a donné un Napoléon dont l’unique ressort est l’ambition. […] Aussi bien une manière de voir est déjà par elle-même une théorie : les uns sont attirés presque uniquement par la lumière, les autres considèrent l’ombre dont elle est partout suivie ; leurs conceptions de la vie et du monde en sont éclairées ou assombries d’autant. […] Puis il cherche des lois, des théories. […] Non, ce qui est vrai, c’est que le roman, s’il n’est point un traité scientifique, doit être d’esprit scientifique ; le progrès des sciences est tel de nos jours qu’il y a un certain nombre d’idées et de théories dont il faut tenir compte pour édifier le roman, pour faire comprendre et accepter ses personnages. […] Leur maître actuel, comme les premiers romantiques d’ailleurs, cherche certainement à scandaliser ; néanmoins, il semble avoir une prédisposition native à se complaire dans de certains sujets, prédisposition qui, suivant ses théories mêmes, doit s’expliquer par quelque cause héréditaire, par quelque trace morbide.

283. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Le déterminisme physique, sous sa forme la plus récente, est intimement lié aux théories mécaniques, ou plutôt cinétiques, de la matière. […] Certes, la théorie atomique de la matière reste à l’état d’hypothèse, et les explications purement cinétiques des faits physiques perdent plus qu’elles ne gagnent à s’en rendre solidaires. […] Sous sa forme actuelle, et depuis la constitution de la théorie mécanique de la chaleur, le principe de la conservation de l’énergie paraît bien applicable à l’universalité des phénomènes physico-chimiques. […] C’est à ces actions très nombreuses, mais insignifiantes pour la plupart, que la théorie associationniste s’applique. […] Hirn, Théorie mécanique de la chaleur, Paris, 1868, tome II, p. 267.

284. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

À vrai dire, c’est dans des hypothèses physiologiques de ce genre que viennent se perdre, bon gré mal gré, toutes ces théories de la reconnaissance. […] Ainsi la théorie se compliquait de plus en plus, sans arriver pourtant à étreindre la complexité du réel. […] Or, l’expérience était loin de donner raison ici à la théorie, puisqu’elle montrait presque toujours, partiellement et diversement réunies, plusieurs de ces lésions psychologiques simples que la théorie isolait. […] Voir le cas de Grashey, étudié à nouveau par Sommer, et que celui-ci déclare inexplicable dans l’état actuel des théories de l’aphasie. […] La théorie que nous esquissons Ici ressemble d’ailleurs, par un côté, à celle de Wundt.

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