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229. (1915) La philosophie française « II »

Mais, si la philosophie française a pu se revivifier indéfiniment ainsi en utilisant toutes les manifestations de l’esprit français, n’est-ce pas parce que ces manifestations tendaient elles-mêmes à prendre la forme philosophique ? […] Le besoin de philosopher est universel : il tend à porter toute discussion, même d’affaires, sur le terrain des idées et des principes.

230. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il imitait de Corneille la politique, les sentences ; il imitait de la société contemporaine, où le ton était donné par les Précieuses, le galant et le tendre, qu’on prenait pour le langage de l’amour. […] Andromaque, sublime, sans être au-dessus de l’humain, héroïne sans cesser d’être femme, était la véritable nouveauté de cette tragédie ; type charmant, sorti du cœur le plus tendre et de l’esprit le plus délicat de son temps. […] S’il se trouvait dans la salle une mère plus tendre, une épouse plus fidèle, une femme d’un esprit plus délicat qu’Andromaque, c’est Racine qui aurait tort. […] Quel spectacle plus attachant pour cette âme si tendre que cette lutte de la femme entre toutes les contraintes de sa nature et de sa condition, et l’entraînement irrésistible de ses passions ! […] Il n’est pas besoin de noter tout ce que cette variété des caractères et des circonstances fait éclore de sentiments dans ces natures tendres et mobiles, au milieu de vicissitudes où elles ne peuvent ni s’appartenir ni se donner.

231. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Elle est agréable, pénible, surprenante, effrayante, tendre, consolante. […] Nous passons sans difficulté d’un chaînon à un autre ; selon la loi bien connue qui régit la renaissance des images, les images de deux sensations successives tendent à s’évoquer mutuellement ; partant, quand l’image d’un de nos moments antérieurs ressuscite en nous, l’image du précédent et celle du suivant tendent à ressusciter par association et contrecoup. […] Or, ainsi qu’on l’a vu en constatant les lois qui régissent la renaissance des images, ma sensation présente tend à évoquer l’image de la précédente qui lui est contiguë ; et, en général, les images des sensations qui ont été contiguës tendent à s’évoquer ; d’où il suit que l’image d’une sensation passée tend à évoquer les images des sensations antérieures et postérieures qui lui ont été contiguës. Par suite, l’image abréviative d’une longue série de sensations, opérations et actions, c’est-à-dire d’un fragment notable de ma vie, tend à évoquer les images abréviatives du fragment antérieur et du fragment postérieur. — Mais nous avons montré que la sensation postérieure, soit par elle-même, soit par son image, exerce sur l’image de la sensation précédente une contradiction qui cesse lorsque son commencement rencontre la fin de son antagoniste, d’où il arrive que l’image refoulée semble soudée par sa fin au commencement de l’image ou sensation refoulante.

232. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Sitôt que l’analyse approfondie et prolongée constate dans une espèce d’objets un caractère ignoré et important, cette espèce tend à quitter son compartiment pour entrer dans un autre. […] En minéralogie notamment, il n’y a pas encore de classification véritable. — Mais pour la plupart des espèces et des genres d’animaux et de plantes, pour les familles végétales de Jussieu, pour les ordres et pour les trois embranchements supérieurs de Cuvier, l’idée générale acquise correspond à une chose effectivement générale, c’est-à-dire à un groupe de caractères qui s’entraînent ou tendent à s’entraîner l’un l’autre, quels que soient les individus et les circonstances dans lesquelles l’un d’eux est donné. […] Nous isolons ainsi un mode d’action universel qui est l’action électrique, et notre idée déterminée, épurée, étendue, coïncide avec une force qui opère ou peut opérer dans tous les corps. — Pareillement, avant les recherches des savants de la Renaissance, notre idée d’un corps pesant était celle d’un corps qui tend vers le bas et imprime en nous, quand nous le soulevons, la sensation d’effort musculaire. […] Ce ne sont pas seulement les corps disposés autour de la terre qui tendent à tomber sur elle : tous les corps de notre système solaire tendent à tomber l’un vers l’autre. […] Or, chose admirable, les corps de la nature, si différents qu’ils soient, si différentes que soient les forces réelles par lesquelles ils sont mis en mouvement ou les circonstances réelles dans lesquelles ils se trouvent en repos, tendent tous à se conformer à cette double conception ; on s’en est assuré par l’expérience ; la matière réelle est inerte, indifférente au repos et au mouvement.

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