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2016. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

On a comparé toute la construction un peu artificielle de l’édifice des quinze ans à une sorte de terrasse de Saint-Germain, au bas de laquelle passait sur la grande route le flot populaire, qui finit par la renverser : il y eut sur cette terrasse un coin, et ce ne fut pas le moins attrayant d’ombrage et de perspective, qui mérite de garder le nom de Mme de Duras : il a sa mention assurée dans l’histoire détaillée de ces temps. […] Ourika rapportée du Sénégal, comme Mlle Aïssé l’avait été de Constantinople, reçoit, comme en son temps cette jeune Circassienne, une éducation accomplie ; mais, moins heureuse qu’elle, elle n’a pas la blancheur. […] La scène se passe vers le même temps que pour Eugène de Rothelin ; les personnages sont également simples, purs, d’une compagnie parfaitement élégante, et du plus gracieux type d’amants qu’on ait formé ; mais ici ce n’est plus, comme dans la charmante production de Mme de Souza, un idéal de conduite et de bonheur, et, ainsi que je crois l’avoir dit, une espèce de petit Jehan de Saintré ou de Galaor du dix-huitième siècle : il y a souffrance, désaccord ; le sentiment d’inégalité sociale est introduit. […] Mais, vers le même temps, il se faisait en elle, tout au dedans, un grand travail de soumission religieuse et de piété ; elle n’avait jamais été ce qu’on appelle dévote dans le courant de la vie ; elle arrivait aux sources élevées par réflexion, par refoulement solitaire, en vertu de toutes les puissances douloureuses qui l’oppressaient. […] ne put-elle pas éprouver quelque temps avec souffrance cette impression de n’être pas à sa place, ce désaccord qui, sous différentes formes, paraît l’avoir occupée beaucoup, et qu’elle traduisit plus tard dans ses touchants écrits en un autre genre d’inégalité ?

2017. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Visiblement, ce sont là encore des monopoles et des octrois qui remontent au temps où il avait le pouvoir public. […] Voilà ce qu’en langage du temps on appelait une terre ayant « de beaux droits ». — Ailleurs le seigneur hérite des collatéraux, frères ou neveux, s’ils n’étaient pas en communauté avec le défunt au moment de sa mort, et cette communauté n’est valable que par sa permission. […] Tel est enfin le monopole du grand colombier à pied, d’où ses pigeons par milliers vont pâturer en tout temps et sur toutes les terres, sans que personne puisse les tuer ni les prendre […] Livré à lui-même et ramené subitement à l’état de nature, le troupeau humain ne saura que s’agiter, s’entre-choquer, jusqu’à ce qu’enfin la force pure prenne le dessus comme aux temps barbares, et que, parmi la poussière et les cris, surgisse un conducteur militaire, lequel d’ordinaire est un boucher. […] Amelot sur la Bourgogne en 1785. « Dans la subdélégation de Charolles, les habitants semblent à un siècle du temps actuel ; soumis aux droits féodaux, tels que la mainmorte, leur esprit et leur corps ne peuvent prendre aucun essor.

2018. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

c’est imbécile ; la philosophie n’y est plus, la science n’y est plus ; nous sommes des positivistes, des évolutionnistes, et nous garderions le mannequin littéraire des temps classiques, et nous continuerions à dévider les cheveux emmêlés de la raison pure ! […] Pour documents il n’a (car il s’agit toujours, ne l’oubliez pas, du second empire) que les souvenirs et les impressions de sa jeunesse, des impressions nécessairement incomplètes et effacées ou déformées par le temps. […] Ils vocifèrent, ils « gueulent » tout le temps. […] Zola ressuscite les hommes des anciens temps. […] Et, pendant ce temps-là, monseigneur l’évêque de Beaumont, qui a quelque soixante ans, tourmenté dans sa chair par le souvenir de la femme qu’il a adorée, passe les nuits à se tordre sur son prie-Dieu avec « un râle affreux… dont la violence, étouffée par les tentures, effraye l’évêché ».

2019. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Les personnages antipathiques ont d’ailleurs chez Henry Bordeaux quelque diversité et les degrés de leur laideur disent avec précision depuis quel temps ils sont déracinés. […] L’adjectif est d’ailleurs plus banal ici que chez Barrès ou Paul Adam et seul, je crois, un naturiste oserait dire : « Il admira la moisson féconde, la substance magnifique du pain nécessaire. » Or c’est tout le temps comme ça. Non, pas tout le temps. […] Ce saint encombrement et ce fracas rituel ne sont pas de trop ici, puisqu’on nous donne, tout bonnement, « le livre du héros de ce temps ». […] … » Le « héros de ce temps » passe beaucoup de temps à gémir sur lui-même.

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