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1855. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Cela devient nécessaire partout, mais cela est surtout profitable quand il s’agit — comme ici, par exemple, — de nations lointaines et stationnaires, que le temps agite et ronge sur place, tout en ayant l’air de les conserver. […] Quoique l’histoire entreprise par Huc ne soit pas finie, nous avons, dans ce qu’il vient de publier, les plus beaux temps des missions ; nous avons la période, nous allions presque dire, tant ils furent puissants ! […] Quand un homme de génie comme le Père Ricci subjuguait l’esprit curieux d’un empereur chinois et se l’asservissait par l’admiration, tout allait bien dans les chrétientés le temps que cela durait, mais tout dépendait de la vie d’un homme. […] il en conquerra dans le temps !

1856. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Comme tous les sensuels de ce temps-ci, il n’a pas démesurément bu à la coupe de cette Circé de la Renaissance, qui nous grise autant par le travail enchanté de sa coupe que par le philtre qu’elle y verse. […] En somme, dans ce premier volume, qui doit être suivi d’un second, on voit que l’auteur sera pour Boileau plus tard On sent l’homme de grand sens, l’homme de bon sens, l’homme du pouvoir, le monarchique en littérature, très peu gâté par le langage de son temps quoique, ici ou là, il en ait encore de temps en temps les logomachies. […] Contradictoire quelquefois quand il raisonne, par exemple lorsqu’il nous dit que le siècle de Louis XIII, dans ses commencements, était le siècle des plus grandes âmes, qu’il l’admire et même l’admire trop, et lorsqu’à trois pas de là il ajoute que les petits vers des Voiture du temps, les billevesées des ruelles et des Samedis de chez Mademoiselle de Scudéry étaient à la taille de ce siècle si grand ! […] et que les bénéfices du temps et la gloire pour l’historien ou le critique littéraire, c’est de voir ce que les hommes comme Malherbe, Vaugelas, le cardinal de Richelieu, pour agir comme ils ont fait, ne pouvaient pas regarder !

1857. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Statue de cloître pour le monde moderne, qui semble n’avoir guère le temps de la regarder. Une main qui n’est pas espagnole, mais allemande a entrepris de resculpter cette vieille statue, aux traits diminués par le temps et couverts de la poussière des siècles, et de demander à la génération présente un peu d’admiration pour cette grandeur. […] et s’ouvrit alors cette période de vingt-deux années de raffermissement et d’extension, de conquête et de force intérieure pour Espagne, qui resta, depuis Ferdinand jusqu’à la mort de Philippe II ; malgré les malheurs, le temps et les fautes, ce faisceau serré dans un chapelet de moine, qui valait le baudrier d’un héros ! […] Il s’est épris de cette vieille tête qui n’a plus rien des temps présents.

1858. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Laïs, Phryné, Ninon de Lenclos, Henriette Wilson, lady Hamilton, toutes les célèbres courtisanes qui ont fait boire les grands hommes ou les sots de leur temps dans cet abreuvoir de bêtes à cornes qu’on appelle la coupe de Circé, peuvent donc venir individuellement et tour à tour se ranger sous un regard grave, mais à la condition que ce regard, après s’être abaissé sur elles, saura se relever ! […] S’il s’en était tenu à des productions aussi spéciales et aussi techniques, il est bien probable que nous n’eussions jamais parlé de lui ; mais cette fois il vient à nous par Laïs et Ninon, c’est-à-dire par l’histoire, et, dans un temps où les plus honnêtes femmes vont rêver aux dramatiques apothéoses des Dames aux camélias, il est peut-être bon de dire un mot des grandes courtisanes, remises avec tant d’admiration en lumière, pour dégoûter des petites qui y sont. […] Y a-t-il rien de plus naturel et de plus vulgaire que la position de Laïs quand elle eut hérité des grands biens de son Eupatride, et quand, riche, belle et courtisane, elle conviait à ses repas les hommes les plus célèbres de son temps et faisait bavarder, après boire, toutes ces pauvres sagesses, doublement enivrées ? […] Nous touchons de la main le temps où elle vécut.

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