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1102. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

La Beaumelle convient de tous les avantages de M. de Voltaire, et il attaque très malignement les faiblesses et les travers dont il n’y a point de grand homme qui ne soit susceptible, mais qui, présentés par une main ennemie, forment un tableau de ridicule. » Il ne lui conteste point que ses ouvrages ne soient d’un très bel esprit, il s’attache à y relever les traits de petit esprit. « Naître avec de l’esprit, dit-il quelque part, c’est naître avec de beaux yeux. […] Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers… Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant.

1103. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

La Vérité dans le vin nous peint au naturel les vices du temps, l’effronterie des femmes de robe, la sottise des maris, l’impudence des abbés ; il y a dans le dialogue une familiarité, un naturel, dans les reparties une naïveté, dans les situations un piquant et un osé qui font de ce tableau de genre un des témoins historiques et moraux du XVIIIe siècle. Un de ces critiques qu’on méprise aujourd’hui et qu’on se flatte d’avoir enterrés, La Harpe, a dit à ce sujet excellemment : « Il est bien vrai que la gaîté qui tient à la licence est plus facile qu’aucune autre ; mais celle de Collé est si originale et si franche, qu’on pourrait croire qu’elle n’avait pas besoin de si mauvaises mœurs pour trouver où se placer. » Nous allons plus loin que La Harpe, et nous disons que ces mœurs mêmes, prises sur le fait et rendues avec cette touche facile et hardie, ajoutent, du point de vue où nous sommes, un prix tout particulier au tableau : elles y mettent la signature d’une époque.

1104. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Mais l’originalité individuelle de La Mennais s’y marque de bonne heure tout entière, et quand on a vu s’accomplir toute la destinée de l’homme, ce tableau du commencement, publié le dernier, devient comme une justification frappante et un abrégé vivant qui contenait toute la suite. […] Le poète, durant toute la jeunesse de La Mennais, ne se montre pas ; il nous présente de son état intérieur des analyses expressives : il ne trouve de lui-même ni tableau ni couleurs.

1105. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Ses paysages, à elle, ont de l’étendue ; un certain goût anglais s’y fait sentir ; c’est quelquefois comme dans Westall, quand il nous peint sous l’orage l’idéale figure de son berger ; ce sont ainsi des formes assez disproportionnées, des bergères, des femmes à longue taille comme dans les tableaux de la Malmaison, des tombeaux au fond, des statues mythologiques dans la verdure, des bois peuplés d’urnes et de tourterelles roucoulantes, et d’essaims de grosses abeilles et d’âmes de tout petits enfants sur les rameaux ; un ton vaporeux, pas de couleur précise, pas de dessin ; un nuage sentimental, souvent confus et insaisissable, mais par endroits sillonné de vives flammes et avec l’éclair de la passion. […] Ainsi dans le Berceau d’Hélène : Mais au fond du tableau, cherchant des yeux sa proie, J’ai vu… je vois encor s’avancer le Malheur : Il errait comme une ombre, il attristait ma joie Sous les traits d’un vieil oiseleur.

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