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1144. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Déchue en effet des régions supérieures où une prévoyance féconde ne l’a pas su fixer, la volonté trop souvent, dans sa dispersion vers cet âge, se met misérablement au service de mille passions, de mille caprices de vanité ou de volupté, de mille habitudes vicieuses, inaperçues longtemps, et qui se démasquent soudainement dans notre être avec une autorité acquise. […] Il y enseignait les mathématiques, et c’est à ses heures de loisir, sur les cahiers de son frère, fondateur et supérieur du séminaire, qu’il rédigeait cet ouvrage de théologie ; il l’avait depuis achevé, de concert avec lui, dans la solitude de La Chênaie.

1145. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Mais au fond c’était une nature soumise, non raisonneuse, altérée des sources supérieures, encline à la spiritualité, largement crédule à l’invisible ; une intelligence de la famille de Malebranche en métaphysique ; une de ces âmes qui, ainsi qu’il l’a dit de sa Cécile, se portent d’une ardeur étonnante de sentiments vers un objet qui leur est incertain pour elles-mêmes ; qui aspirent au bonheur d’aimer sans bornes et sans mesure, et s’en croient empêchées par les ténèbres des sens et le poids de la chair. […] Il obtint sa demande ; le bref devait être fulminé par l’évêque d’Amiens à un jour marqué ; Prévost y comptait, et de grand matin il s’échappa du couvent, en laissant pour les supérieurs des lettres où il exposait ses motifs.

1146. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Je veux énumérer encore d’autres manques de talents, ou de passions, ou de dons supérieurs, qui ont fait de Bayle le plus accompli critique qui se soit rencontré dans son genre, rien n’étant venu à la traverse pour limiter ou troubler le rare développement de sa faculté principale, de sa passion unique. […] Il est curieux surtout à entendre parler des poètes et pousseurs de beaux sentiments, qu’il considère assez volontiers comme une espèce à part, sans en faire une classe supérieure.

1147. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Les hommes, privés d’occupations fortes, se resserrent tous les jours plus dans le cercle des idées domestiques, et la pensée, le talent, le génie, tout ce qui semble des dons de la nature, ne se développe cependant que par la combinaison des sociétés ; le même nombre d’hommes divisé, séparé, sans mobile et sans but, n’offre pas un génie supérieur, une âme ardente, un caractère énergique ; tandis que dans d’autres pays, parmi les mêmes êtres, plusieurs se seraient élevés au-dessus de la classe commune, si le but avait fait naître l’intérêt, et l’intérêt l’étude, et la recherche des grands moyens et des grandes pensées. […] En mécanique, on avait d’abord trouvé la machine de Marly, qui, avec des frais énormes, élevait l’eau sur le sommet d’une montagne ; après cette machine on a découvert des pompes qui produisent le même effet avec infiniment moins de moyens : sans vouloir faire d’une comparaison une preuve, peut-être que lorsqu’il y a cent ans en Angleterre, l’idée de la liberté reparut sur la terre ; l’organisation combinée du gouvernement Anglais était le plus haut point de perfection où l’on put atteindre alors ; mais aujourd’hui des bases plus simples peuvent donner en France, après la révolution, des résultats pareils à quelques égards, et supérieurs à d’autres.

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