IV L’histoire de madame de Rambouillet, la mère fondatrice de toutes les précieuses, la plus importante de toutes les histoires du recueil de Livet parce qu’elle exprime le plus d’idées générales sur la préciosité au xviie siècle, est suivie de plusieurs autres biographies de précieux célèbres, plus ou moins rambouilletisants. […] Livet, qui veut être à la mode et, par la mode, faire son petit chemin ; Livet, qui suit ses maîtres (il est de la suite de Monseigneur, mais il ne grippe pas beaucoup de soleil !)
L’intention qui rayonne dans les différents titres de ces livres, mais surtout dans le titre de ce dernier, semble la haine du commun, qui n’est jamais assez vigoureuse, le mépris du convenu, — je ne dis pas de la convenance, — la guerre faite à toute tradition menteuse ou frelatée, enfin la promesse d’une hécatombe des moutons de Dindenaut, ces sottes bêtes qui se suivent toujours de la même manière, en bêlant toujours de la même façon. […] Assurément, et surtout en histoire, tous les travaux, même les plus petits, même les plus enfantins, peuvent avoir leur utilité, même ceux de la « petite horde » dans Fourier ; mais ce grattage des mots éloquents ou expressifs dans l’histoire, lesquels, vrais ou arrangés par l’art qui suit la gloire et aime à la parer, illuminent d’un jour vrai tout un caractère, est un travail mauvais en soi et d’une tendance funeste, car on ne va à rien moins, en faisant ainsi, qu’à désillustrer l’histoire sous prétexte de la purifier !
Moret suit pied à pied les négociations mêlées à la guerre, et la guerre elle-même, jusqu’au moment des défections, plus amer peut-être que celui des défaites, où les alliés de Louis XIV commencèrent de l’abandonner, et où Villars, frappé dans le sentiment de sa supériorité méconnue, quitta le théâtre de la guerre pour venir pacifier les Cévennes, déchirées par le calvinisme insurgé. […] Malgré beaucoup d’écrits publiés sur Louis XIV et sur son siècle, la dernière portion du règne de ce roi, la seule qui soit à juger (l’autre, on l’admire, ce qui est plus agréable et plus facile), n’est point encore jugée comme elle doit l’être, et si l’on peut tirer une induction des opinions d’un premier volume qu’on a lu à celles des volumes qui n’ont pas été publiés et qui doivent suivre, il est à craindre que le livre de Moret ne contribue pas beaucoup à ce jugement définitif.
… Les quatre volumes, qui doivent être suivis de huit autres, à ce qu’il paraît, sont des in-8º de 500 pages, à larges marges, d’une distinction qui fait honneur à la maison Didot, et pour que tout en attire l’acheteur, la couverture satinée est d’un vert charmant et tendre — la couleur de l’espérance : — mais, hélas ! […] Juger douze volumes par quatre paraîtra peut-être bien léger aux esprits graves ; mais je les supplie de remarquer que ce n’est pas du tout le texte, en soi, de ces quatre volumes publiés qui me fait induire le texte des huit qui vont suivre, c’est quelque chose d’un peu plus profond.