Ne mettons pas une sottise de critique par-dessus… Ce n’est pas Manon qui est un Sphinx, c’est son succès ! Et c’est incroyable, car, ce succès, on le tuerait peut-être en l’expliquant ; et, certes ! […] Et comme, depuis 1830, le matérialisme du xviiie siècle, interrompu par le spiritualisme philosophique de la Restauration, trop vague pour lui résister, a repris la société moderne qu’il s’est définitivement asservie ; comme Sainte-Beuve, sceptique autant que Planche, lui a survécu et est devenu résolument matérialiste au déclin de sa vie, marquant en lui le progrès des esprits vers cette effroyable erreur absolue dans laquelle le monde presque tout entier verse en ce moment, le succès de Manon Lescaut devait grandir et a grandi.
Semblables aux Tartares qui, quinze cents ans après, subjuguèrent la Chine, ou plutôt semblables à ces valets d’armée, qui, dans une prise d’assaut, pillent tout, et le lendemain enrichis des dépouilles, joignent un faste étranger à leur pauvreté réelle, les Romains dans leur gloire même devaient faire pitié aux Grecs, avant que les vaincus eussent instruit et poli leurs vainqueurs ; dans la suite même, tous les arts du dessin ne furent cultivés avec succès à Rome que par les Grecs ; il fallait que des Grecs leur bâtissent leurs temples, leurs portiques, leurs arcs de triomphe ; que des Grecs ornassent de peintures les murs de leurs palais. […] Il gouverna et sauva Rome, fut vertueux dans un siècle de crimes, défenseur des lois dans l’anarchie, républicain parmi des grands qui se disputaient le droit d’être oppresseurs ; il eut cette gloire, que tous les ennemis de l’État furent les siens ; il vécut dans les orages, les travaux, les succès et le malheur ; enfin, après avoir soixante ans défendu les particuliers et l’État, lutté contre les tyrans, cultivé au milieu des affaires la philosophie, l’éloquence et les lettres, il périt. […] « L’éloge de Caton à faire, disait-il, est un problème d’Archimède11. » Nous ne pouvons juger comment le problème fut résolu : nous savons seulement que l’ouvrage eut le plus grand succès.
Après Montaigne et quand on eut vu son succès, il prit sans doute envie à plus d’un gentilhomme campagnard de jeter par écrit ses fantaisies sans beaucoup d’ordre, et de devenir auteur à ses moments perdus sans cesser de courir le lièvre. […] Joubert furent publiées pour la première fois en 1842, elles eurent du succès auprès des esprits d’élite, mais elles ne firent pas fureur.
C'est simplement et gravement écrit, avec le goût séant à ce noble sujet ; une très-agréable lecture de quelques heures, et destinée à un légitime succès de société, en un temps où tout ce qui tient au grand siècle est si curieusement recherché. […] Mais lui ne doute pas du succès, et l’horizon est peut-être plus gros de brouillards que de tonnerres.