Il n’y a par conséquent, dans ces harmonies, qu’une tendance à la stabilité et c’est dans cette tendance seulement, rejetée d’accord en accord, que nous devons chercher le mouvement propre des harmonies soutenues. […] Ici l’on sent l’effet malencontreux du mot « interminables » placé entre « plages » et « voyages », en revanche j’aime à faire observer l’heureuse disposition, aux derniers vers, des mots âges, arbres, pâles ; celui-ci, dernier écho du son prépondérant de toute la strophe, s’unit par une allitération à la rime, qu’une homophonie annonce elle-même et vient soutenir à la césure. […] On plaquait, — et malheureusement on n’en a pas encore perdu par tout l’habitude, — un son d’orgue sur chaque son de la mélodie chantée, au lieu qu’un discant libre en certains : cas ou, plus souvent, des accords soutenus vinssent souligner et enrichir chaque groupe rythmique de la phrase.
Voilà un homme qui n’a jamais su parler d’abondance, qui n’a jamais su même soutenir une conversation un peu suivie, qui balbutiait, qui bredouillait, et voilà l’homme qui a étudié le droit pour être avocat. […] Ils étaient tous les deux voilà ce qui leur est absolument commun ils étaient tous les deux dépensiers, désordonnés, irréguliers, incapables autant l’un que l’autre de tenir un ménage, de soutenir une bonne maison. […] Nous avons encore la relation du prêtre qui l’a confessé, encouragé, soutenu dans son retour à la religion ; c’est l’abbé Pouget, qui paraît avoir été un homme très élevé dans ses sentiments, assez rigoureux — et je ne lui en fais pas un reproche — dans sa doctrine et dans ses manières.
Ce dernier, dans sa conclusion, a dit avec un bon sens élevé qui l’honore : Enfin je ne puis lire les ouvrages de ce grand homme sans me dire à moi-même (en y désirant quelquefois, j’oserai l’avouer avec respect, plus d’élan à sa sensibilité, plus d’ardeur à son génie, plus de ce feu sacré qui embrasait l’âme de Bossuet, surtout plus d’éclat et de souplesse à son imagination) : Voilà donc, si l’on ajoute ce beau idéal, jusqu’où le génie de la chaire peut s’élever quand il est fécondé et soutenu par un travail immense ! […] Non seulement il ne fut point écrasé par la comparaison, mais cette oraison funèbre originale et neuve se soutient à la lecture en regard du chef-d’œuvre du grand évêque.
C’est au milieu de ces circonstances (que je ne puis ici qu’esquisser légèrement, mais bien faites pour inspirer une curiosité dont nous n’avons plus idée), que le jésuite Bourdaloue, montant avec éclat dans les chaires de la capitale et dans celle des Tuileries, venait inopinément relever, soutenir l’honneur de son ordre, et planter à son tour le drapeau d’une prédication pressante, éloquente, austère. […] La Bruyère a très finement touché ce coin singulier, et ce travers d’être en tout l’opposé du commun des mortels, dans le portrait qu’il a donné de Tréville sous le nom d’Arsène (chapitre « Des ouvrages de l’esprit ») : Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et, dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loué, exalté et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire… À l’heure dont nous parlons, Tréville n’avait point encore eu d’inconstance proprement dite, mais une simple conversion ; seulement il l’avait faite avec plus d’éclat et de singularité peut-être qu’il n’eût fallu et qu’il ne put le soutenir : il avait couru se loger avec ses amis du faubourg Saint-Jacques, il avait rompu avec tous ses autres amis ; il allait refuser de faire la campagne suivante sous les ordres de Louis XIV : « Je trouve que Tréville a eu raison de ne pas faire la campagne, écrivait un peu ironiquement Bussy : après le pas qu’il a fait du côté de la dévotion, il ne faut plus s’armer que pour les croisades. » Et il ajoutait malignement : « Je l’attends à la persévérance. » Tel était l’homme dont la retraite occupait fort alors le beau monde, lorsque Bourdaloue monta en chaire un dimanche de décembre 1671 et se mit à prêcher Sur la sévérité évangélique : il posait en principe qu’il faut être sévère, mais que la sévérité véritablement chrétienne doit consister, 1º dans un plein désintéressement, un désintéressement même spirituel et pur de toute ambition, de toute affectation même désintéressée ; — 2º qu’elle doit consister dans une sincère humilité, et 3º dans une charité patiente et compatissante.