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25. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Voyez ce que, dieu moi-même, je souffre par les dieux ! […] Aussi toute la nature va-t-elle s’ébranler et souffrir en lui, comme la racine tressaille et souffre des blessures du chêne mutilé. […] Elle demande au Titan ce qui lui reste encore à souffrir, quel sera le terme de son vagabondage délirant. […] Je veux souffrir avec celui-ci, souffrir tout ce qu’il souffrira, car j’ai appris à haïr les traîtres. […] voyez ce que je souffre pour la justice ! 

26. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

» Il répondit : « C’est pour t’affliger et te punir. » Ce pessimisme aboutit au stoïcisme. « Il est mauvais et lâche de chercher à se dissiper d’une noble douleur pour ne pas souffrir autant. […] Tout le premier, Musset dira en parlant de lui-même : Je me suis étonné de ma propre misère, Et de ce qu’un enfant peut souffrir sans mourir99. […] Alors il se plaint, se lamente comme un enfant qui souffre : En se plaignant on se console101. […] La profondeur de l’amour, pour Musset, se mesure à la douleur même que l’amour produit et laisse en nous : aimer, c’est souffrir ; mais souffrir, c’est savoir. Oui, oui, tu le savais et que dans cette vie Rien n’est bon que d’aimer, n’est vrai que de souffrir.

27. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Nous sommes maintenant tellement sophistes, que même ceux qui croient à l’Église se sont amusés à byzantiner sur une question qui ne souffre pas de Byzance ! […] Dumas, qui n’est, que le plus ennuyeux des rabâchages : « Tue-moi, mais ne me fais pas souffrir !  […] » Je dis à la Révolution qui met le divorce dans sa loi ; « Tue-moi, mais ne me fais pas souffrir en me forçant à lire le livre de M.  […] » Car, en matière de livre, s’ennuyer, c’est souffrir.

28. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Et quand bien même le simple souffrirait davantage, en quoi cela lui donnerait-il sur l’artiste la supériorité morale que paraît lui accorder M.  […] En vérité, il n’est point si nécessaire de souffrir ! […] Si Racine n’a pas trop cruellement souffert dans sa vie si tourmentée, tant mieux pour lui ! […] Apparemment une situation n’est jamais comique ou tragiques en elle-même, mais bien par l’effet qu’elle produit ; et, si le stratagème de Néron fait souffrir et trembler, comment serait-ce « un moyen de comédie » ? […] Pour Hermione, Roxane, Ériphile, Phèdre, elles aiment, elles souffrent, elles s’expriment comme des anges, elles sont prêtes à mourir : comment ne les aimerait-on pas ?

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