n’était-il que cette satiété, cette lassitude incurable qui sort de toute chose humaine où l’on a touché le fond, quelque chose de pareil au medio de fonte leporum , admirable cri de ce Lucrèce tant aimé de notre ami ? […] Assistez à telle séance de la Chambre des députés, ou écoutez celui qui en sort tout animé de l’esprit des orateurs et vous en exprimant l’émotion, les péripéties, les jeux de scène, et puis lisez le lendemain le procès-verbal de cette séance : cela fait-il l’effet d’être la même chose ? […] Au moment où Henri IV fit son entrée en ce Paris longtemps rebelle, à ce beau jour du printemps de 1594, il y eut un essaim de grosses abeilles qui sortit on ne sait pas bien d’où, et peut-être, comme on croit, d’un coin de la Cité, d’auprès le jardin de M. le Premier Président ; elles marchaient et voletaient devant les lis236, donnant au visage et dans les yeux des ligueurs fuyards : ce fut la Ménippée même. […] Que sera-ce si l’on ajoute qu’une fois présent à Paris, il redevint le plus utile et le plus fréquent à cette Revue, la ressource habituelle en toute rencontre, d’une plume toujours prête à chaque à-propos, innocemment malicieuse, et tout égayée et légère au sortir des doctes élucubrations ?
Presque tous les ouvrages sortent d’un salon, et c’est toujours un salon qui, avant le public, en a eu les prémices. […] Il n’est pas un simple érudit, plongé dans ses in-folio à la façon allemande, un métaphysicien enseveli dans ses méditations, ayant pour auditoire des élèves qui prennent des notes, et pour lecteurs des hommes d’étude qui consentent à se donner de la peine, un Kant qui se fait une langue à part, attend que le public l’apprenne, et ne sort de la chambre où il travaille que pour aller dans la salle où il fait ses cours. […] De la notion ainsi renouvelée et rectifiée, on fait sortir la vérité la plus prochaine, puis, de celle-ci, une seconde vérité contiguë à la première, et ainsi de suite jusqu’au bout, sans autre obligation que le soin d’avancer pied à pied et de n’omettre aucun intermédiaire Avec cette méthode, on peut tout expliquer, tout faire comprendre, même à des femmes, même à des femmes du monde. […] Sans sortir du ton de la conversation ordinaire et comme en se jouant, il met en petites phrases portatives les plus grandes découvertes et les plus grandes hypothèses de l’esprit humain, les théories de Descartes, Malebranche, Leibnitz, Locke et Newton, les diverses religions de l’antiquité et des temps modernes, tous les systèmes connus de physique, de physiologie, de géologie, de morale, de droit naturel, d’économie politique468, bref, en tout ordre de connaissances, toutes les conceptions d’ensemble que l’espèce humaine au dix-huitième siècle avait atteintes. — Sa pente est si forte de ce côté, qu’elle l’entraîne trop loin ; il rapetisse les grandes choses à force de les rendre accessibles.
par l’inconstance ; Ce doute est le seul bien que m’a laissé le sort. […] Après quoi notre vie a été si grave, si isolée… que je n’ai pas, je te l’avoue, donné une attention bien profonde à la confection de ces livres que notre sort nous a fait une obligation de vendre. […] Elle est entrée avec moi dans tout ton sort et veut s’en occuper, ainsi que des enfants, plus tard. […] S’éteignant de plus en plus par le progrès de la maladie, cette voix déchirait le cœur de la mère lorsque l’enfant faisait de vains efforts pour moduler certains airs flottant dans sa mémoire : ils ne sortaient plus qu’étouffés de cette gorge brûlante et sèche.
Pour les salons, je n’en suis sorti jamais sans trouver mon cœur diminué et refroidi. » L’impression qui me reste en sortant d’un salon, c’est le désespoir de la civilisation. […] Tout se réduit à ce fait de la nature humaine : l’homme en face du divin sort de lui-même, se suspend à un charme céleste, anéantit sa chétive personnalité, s’exalte, s’absorbe. […] Assailli de pensées contraires, chancelant à vingt ans sur les bases de ma vie, une pensée lumineuse s’éleva dans mon âme et y rétablit pour un temps le calme et la douceur : Qui que tu sois, m’écriai-je dans mon cœur, ô Dieu des nobles âmes, je te prends pour la portion de mon sort. […] Pour nous, le sort en est jeté ; et quand même la superstition et la frivolité, désormais inséparables et auxiliaires l’une de l’autre, parviendraient à engourdir pour un temps la conscience humaine, il sera dit qu’en ce XIXe siècle, le siècle de la peur, il y eut encore quelques hommes qui, nonobstant le mépris vulgaire, aimèrent à être appelés des hommes de l’autre monde ; des hommes qui crurent à la vérité et se passionnèrent à sa recherche, au milieu d’un siècle frivole, parce qu’il était sans foi, et superstitieux parce qu’il était frivole.