Ces protestants, quand nous voyons leurs temples qui nous glacent et leurs prêches, toujours sur la morale, nous semblent des esprits calmes et modérés, raisonneurs au point qu’à les comparer avec les héros catholiques dont nous avons décrit les états de conscience violents et l’ivresse joyeuse, nous songions d’abord à parler de leur philosophie plutôt que de leur religion ; mais apprenons à mieux les connaître par l’amitié et l’admiration que nous inspirent de tels actes et de tels cris sublimes. […] Songez que nos traditions remontent à plus de trois siècles et que la terre de France est pour nous peuplée de souvenirs.
Dans l’engagement où je suis de répondre, j’ay songé comme me D à faire un livre qui pût être utile indépendamment de nôtre dispute. […] Ne disputons point des noms, et ne songeons qu’à éclaircir les choses. […] Agamemnon au 2e liv se tient assuré de la victoire, sur la foi du songe que Jupiter lui a envoyé. […] Il assemble aussi-tôt les chefs, qu’il instruit du songe, et qui le prennent pour un bon garant de la victoire : il conçoit en même temps le dessein d’éprouver son armée, en lui proposant la fuite ; les chefs lui applaudissent ; et voici en conséquence le discours qu’il tient à ses troupes. […] Oüi, sans doute, il peut tromper, et il est étonnant qu’on le demande dans le tems même qu’il trompe effectivement, et que par un songe imposteur, il se jouë de la crédulité du pauvre Agamemnon.
On a beaucoup ri de cette mise en scène de clair de lune, devenue fameuse par le Songe d’une nuit d’été, sans se douter que c’est là une sinistre indication de Dante. […] Dans Shakespeare, les oiseaux chantent, les buissons verdissent, les cœurs aiment, les âmes souffrent, le nuage erre, il fait chaud, il fait froid, la nuit tombe, le temps passe, les forêts et les foules parlent, le vaste songe éternel flotte. […] Songez seulement à montrer un visage serein : changer de visage est toujours un signe de crainte. — Laissez tout le reste à mes soins. […] Songez seulement à cheviller votre courage en quelque lieu d’où il ne bouge plus, et nous ne manquerons pas notre coup. […] — Vous me mettez de nouveau hors de moi-même, lorsque je songe maintenant que vous pouvez contempler de pareils objets et conserver le même incarnat sur vos joues, tandis que les miennes sont blanches de frayeur.
Comment l’homme aurait-il légué le souvenir d’un âge où il se possédait à peine lui-même et où, n’ayant pas de passé, il ne pouvait songer à l’avenir ? […] Et, quand l’homme apparut sur ce sol encore créateur, sans être allaité par une femme, ni caressé par une mère, sans les leçons d’un père, sans aïeux ni patrie, songe-t-on aux faits étonnants qui durent se passer au premier réveil de son intelligence, à la vue de cette nature féconde, dont il commençait à se séparer ? […] On ne songe pas que chaque nation, avec ses temples, ses dieux, sa poésie, ses traditions héroïques, ses croyances fantastiques, ses lois et ses institutions, représente une unité, une façon de prendre la vie, un ton dans l’humanité, une faculté de la grande âme. […] On croit rêver quand on songe que la poésie hébraïque, les Moallakat et l’admirable littérature indienne ont germé sur ce sol aujourd’hui si mort, si calciné. La vue d’un Levantin excite en moi un sentiment des plus pénibles, quand je songe que cette triste personnification de la stupidité ou de l’astuce nous vient de la patrie d’Isaïe et d’Antar, du pays où l’on pleurait Thammouz, où l’on adorait Jéhovah, où apparurent le mosaïsme et l’islamisme, où prêcha Jésus !