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933. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Une autre fois, je le trouvai couché au soleil (d’octobre) le long du trottoir en bitume d’où s’élevait le perron de quelques marches qui conduisait à la maison. […] Dans la même biographie d’Anatole Baju, je classais parmi les Décadents, « injure, entre parenthèses, disais-je encore ailleurs, pittoresque, très automne, bien soleil couchant, à ramasser en gomme », outre Mallarmé et moi baptisés d’autre part Décadents par qui donc déjà ? […] Ce sont les fleurs les plus étranges Et des fruits d’un goût sans pareil, Des orangers remplis d’oranges Dans des champs tout pleins de soleil. […] Le poète est libre et nul ne le blâmera s’il croit devoir répondre à tous interrogeants baillis que telle idée lui est venue comme cela, d’une façon assez ridicule, l’autre jour, en regardant le soleil couchant. […] J’ai même dû, à la fin, et un peu comme les chefs vendéens à qui, par ironie, on offrait un fuseau et une épée, choisir l’épée, naturellement, et combattre pour les Décadents, qui étaient, au moins, pittoresques et soleil couchant, et faire en quelque sorte d’une injure un drapeau : car, tandis que Symboliste se trouvait dans le dictionnaire, où Décadent n’était pas, la première de ces deux épithètes est toute rhétoricienne, et, dans l’espèce, une abstraite tautologie, un pléonasme pur et simple.

934. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Ce regard d’honnête homme, en tombant calme et serein sur les foules, semblait les contenir, les éclairer et les calmer, comme un beau rayon de soleil sur les vagues écumeuses d’une mer d’équinoxe. […] Mais le soleil de Perse, la jeunesse facilement irritable, l’ivresse d’une constante fortune, les femmes et le vin, emportèrent dans les derniers temps Alexandre jusqu’à des excès d’actes et de paroles qui excitaient de grands murmures parmi les Grecs et parmi les Macédoniens. […] Rien de nouveau sous le soleil, pas même les raffinements et les proverbes de la politique.

935. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

… » C’est sans doute par un coucher de soleil, l’été, à l’heure où, pour parler comme Hugo,     Une immense bonté tombe du firmament que, pris d’attendrissement, il écrivait : « Il n’y a point de créature, si petite et si vile qu’elle soit, qui ne représente la bonté de Dieu. » Et peut-être, rassuré par cette pensée, il se permettait pour une fois d’admirer sans scrupule cette nature intempérante, immortifiée, païenne, qui n’est pas cloîtrée, qui n’est pas chaste, qui aime la vie, et qui ne prie pas, sinon dans les vers des poètes. […] Il continua, au témoignage de La Fontaine, « d’aimer extrêmement les jardins, les fleurs, les ombrages », et c’est lui qui retient ses amis pour assister aux féeries du soleil couchant. […] Sa dernière Elvire, fleur pâlotte et douce, nimbée, à travers les losanges d’une maigre tonnelle, par les derniers rayons du soleil couchant sur la Marne, n’a point paru sans poésie.

936. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Sous son regard, une joie étrangement savoureuse sans cesse germe et fleurit, fût-ce au rayon du singulier soleil d’un idéal morbide et sous la pluie des larmes… Soit belle et soit triste : les pleurs Ajoutent un charme au visage Comme le fleuve au paysage, L’orage rajeunit les fleurs. […] On perd, parfois, le sens de l’idéal et l’on dit alors que la notion de la beauté s’est obscurcie : ne dit-on pas aussi que le soleil se couche ? […] et nous sillonnons de routes carrossables jusqu’aux jardins citadins, — ces derniers vestiges d’une humanité moins fiévreuse, moins avide que celle-ci et qui dérobait volontiers à la folie de tuer le temps quelques paisibles minutes pour s’asseoir en plein soleil dans un lieu purifié par la respiration des arbres.

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