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391. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Le Tasse y apercevait de sa fenêtre, au soleil levant, la pointe du cap avancé de Sorrente, les sombres verdures et les murs blanchissants de la chère patrie de son enfance. […] C’est ce style, c’est cette poésie, c’est ce vers jeune, étincelant, musical, trempé de soleil d’Orient, de sang héroïque, de larmes, de mélancolie, qui a fait vivre et qui fera vivre éternellement ce poème. […] « Elle fuit toute la nuit ; tout le jour elle erre sans conseil et sans guide : elle ne voit que ses larmes, elle n’entend que ses cris : enfin, au moment où le soleil détèle ses coursiers et se plonge dans l’Océan, elle arrive sur les bords du Jourdain, met pied à terre et se couche sur le sable. […] Les chevreaux qui bondissent dans la plaine, les poissons qui se jouent dans les ondes, les oiseaux qui étalent au soleil leur superbe plumage, voilà mes spectacles et mes plaisirs. […] « Souvent, pendant que ses brebis, couchées à l’ombre, évitent l’ardeur du soleil, elle grave des chiffres amoureux sur l’écorce des lauriers et des hêtres ; elle y retrace l’histoire et les malheurs de sa flamme ; en parcourant les traits que sa main a formés, un torrent de larmes inonde ses joues.

392. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Quand vous parlez de l’orbite décrite par la Terre, vous vous placez à un point de vue arbitrairement choisi, celui des habitants du Soleil (d’un Soleil devenu habitable) Il vous plaît d’adopter ce système de référence. […] Si tout ce qui se produit effectivement est le déplacement réciproque de la Terre et du Soleil, nous pouvons prendre pour système de référence le Soleil ou la Terre ou n’importe quel autre observatoire. […] Il est vrai que le problème reparaît alors à nos yeux pour les habitants du Soleil, par exemple. Je dis « à nos yeux », car pour un physicien solaire la question ne concernera plus le Soleil : c’est maintenant la Terre qui se meut.

393. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Or, ce rideau de terrain n’étant plus là pour borner la vue, lorsque l’étonnement et le tumulte de la victoire furent calmés, quand la poussière tomba peu à peu et que le soleil qu’on avait d’abord devant soi eut cessé de remplir les regards, qu’aperçut-on enfin ? […] Jouffroy conduisit donc son ami un matin, dès avant le lever du soleil, à travers les vallées et les prairies, jusqu’à la pente de la Dôle qu’ils gravirent. […] Jouffroy avait eu cette matinée culminante sur la Dôle, qu’il avait remarqué ce pâtre sur ce plateau, et que sa contemplation avait trouvé à une heure déterminée de sa jeunesse une forme de tableau si en rapport et si harmonieuse, je me l’étais souvent figuré, en effet, sur un plateau élevé des montagnes, avec moins de soleil, il est vrai, avec un horizon moins meublé de réalités et d’images, bien qu’avec autant d’air dans les cieux. […] Allez, osez, ô Vous dont le drame est déjà consommé au dedans ; remontez un jour en idée cette Dôle avec votre ami vieilli ; et là, non plus par le soleil du matin, mais à l’heure plus solennelle du couchant, reposez devant nous le mélancolique problème des destinées ; au terme de vos récits abondants et sous une forme qui se grave, montrez-nous le sommet de la vie, la dernière vue de l’expérience, la masse au loin qui gagne et se déploie, l’individu qui souffre comme toujours, et le divin, l’inconsolé désir ici-bas du poëte, de l’amant et du sage !

394. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Voilà ce qu’on oublie trop facilement peut-être, au pays du soleil, de l’indolence heureuse et des oliviers. […] Le loisir dans le bonheur incite seulement à rêver, c’est-à-dire à sommeiller et à dormir, la tête à l’ombre et les pieds au soleil, à pratiquer ce bel hédonisme que je nommerais volontiers édredonisme. […] Les chocs de la vie le font rentrer en lui-même — comme un escargot ; cependant que la félicité le ferait se dilater comme un ballon rouge au soleil. […] Nul doute que des germes de talents ou de génies réels n’aient été étouffés du seul fait que le hasard les avait placés loin du soleil, — et que, d’autre part, voici cinq cents ans et moins, il y avait entre les bords de Loire ou de Seine et ceux de la Garonne ou du Rhône encore plus de distance que depuis la crise des transports.

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