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257. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

C’est la rosée du matin que le soleil du jour n’a pas encore pompée, et qui même après qu’elle a été bue par les rayons, laisse au fond du calice quelques gouttes mal séchées qui gardent encore un arrière-goût de rose mouillée. […] La transparence du lointain où il va s’abîmer dans un horizon de lumière, emporte votre pensée au pays du soleil. […] Troncs envieillys, où sont vos chevelures, Qui m’abritoient quand le char du soleil Rouloit bruslant sur le palaiz des heures ? […] Aussy n’attends que du rare soleil Rays tremblottants esjouïssent ma cousche, Pour au dehors entonner chantz d’amours ; Ainz sont muets oysels, échoz sont sourds : Tout revivroit s’ung qu’appelle ma bousche, Tost la bayzant, estouffoit mes clamours ; Se l’espargnez, preulx vaillants d’Angleterre, Pardonne tout à vos maistres ingrats : En le veyant desfieray le tonnerre ; Et m’escrieray, le serrant dans mes bras : « Ores de l’air, de l’onde et de la terre, « Grondez, tyrans. » XIII Telles sont ces délicieuses élégies que Tibulle et Properce ne dépassent pas, et la langue de Racine n’était pas faite encore. […] Troiz fois despuis le soleil en sa course A redoré nos fruits et nos meyssons.

258. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Un simple collégien a sur mille choses, sur la composition du soleil, sur la respiration des plantes, sur la formation des montagnes, des notions plus claires et plus exactes que les plus grands esprits du temps de Louis XIV. […] qualifie d’étoile, n’a rien à voir avec l’amour ; comme le tas de boue que nous habitons, elle gravite autour du soleil suivant des lois connues, et pas n’est besoin de lui adresser des adjurations suppliantes pour qu’elle accomplisse sa route accoutumée. […] Arrière les lutins et les fées dansant dans les clairières, les dryades palpitant sous l’écorce des chênes, … et les nymphes lascives Ondoyant au soleil parmi les fleurs des eaux ! […] Quand on parlait à Victor Hugo de cette mort prochaine, il se mettait à rire et répondait122 : « Force gens de nos jours, volontiers agents de change et souvent notaires, disent et répètent : La poésie s’en va. — C’est à peu près comme si l’on disait : Il n’y a plus de roses ; le printemps a rendu l’âme : le soleil a perdu l’habitude de se lever ; parcourez tous les prés de la terre, vous n’y trouverez pas un papillon ; il n’y a plus de clair de lune et le rossignol ne chante plus, le lion ne rugit plus, l’aigle ne plane plus ; les Alpes et les Pyrénées s’en sont allées ; il n’y a plus de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes ; personne ne songe plus aux tombes ; la mère n’aime plus son enfant ; le ciel est éteint ; le cœur humain est mort. » Le fait est que l’imagination est en l’homme une faculté non moins essentielle et immortelle que la raison ; et c’est pourquoi la poésie non seulement garde à côté et au-delà de la science son royaume inviolable, mais aussi sait puiser dans la science-même des éléments de vie et d’inspiration. […] Où est-il, celui qui, devant le pullulement des soleils emplissant l’étendue illimitée, regrettera le temps où le ciel n’était pour le penseur et le poète qu’une voûte de cristal piquée de clous d’argent ?

259. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Ou bien leur souvenir traverse un jour torride : sous les lumières farouches du soleil et d’une violente passion, ils revoient une lande épineuse et odorante. « Le genêt rajeuni balançait ses branches fleuries semblables à des rayons qui lanceraient des parfums ; et le soleil avait tant de force qu’on entendait déjà au midi, dans le pré, chanter le grillon noir dont la carapace est sculptée de signes étranges… » Mais ils se sont égarés en quelque ancien chemin abandonné, creux comme un lit de torrent, et « où les racines des vieux chênes mettaient à la hauteur du front des passants le geste menaçant de leurs griffes tortueuses, de leurs serres noires ouvertes… » Arrivés, un peu effrayés, à la forêt, ils se sont enfoncés en quelqu’une de ces « cavernes glauques que formaient les trouées de verdure où s’entassait la fraîcheur ». […] Et « ses paroles saccadées volent sur ses lèvres flétries : il dit que la terre use le fer ; que l’anneau diminue au doigt qui le porte ; que le sel, la pluie et les pas usent le rocher… Il proclame la dispersion des atomes » et, sous les apparences de la mort, devine la vie souterraine qui se redressera plus tard au baiser de nouveaux soleils. […] Le soleil se lève et toute la nature chante à celui qui va mourir un hymne de vie. […] Aux uns et aux autres il enseigne des vérités, simples comme tout ce qui est profond, claires comme le soleil, mais que les yeux aveugles des faux poètes ne sauraient voir.

260. (1904) En méthode à l’œuvre

Prémisses Mais, de n’être pas étrangère au sens originel de Savoir et de Poésie que détiennent en leur intuition ainsi que monstreuse de toute la ventrée omphalienne des Vérités, les Livres aux signes occultes et sacrés, — ou les Védas et l’Avesta, ou la légende de Tao, et l’Histoire des Soleils sur l’empire de Mexitli, — dont perdure une âme moins universellement éperdue en la Théogonie d’Hésiode et le De natura : apparaissant insolite aux poésies de moderne concept, — méditation du poète conscient d’Unité et apporteur de Sanction qu’il me plut être, dès la prime aventure en la vie de l’esprit ma haine du Hasard dit ainsi…   Aux pleines ondes sans dessous de vertige de notre histoire poétique, qui hier seulement devint un résumant torrent qui retentit, pour clore des temps, à des descentes d’éternités, — de sensation, d’émotion et de sentiment presque unanimement a été, même si elle se leurre des généralités de philosophies spiritualistes, a été métaphoriques exaltations au sortir de l’Inconscient et selon le tourment de volupté ou de douleur de spontanés et d’égotistes organismes poétiques en transports de génie, la Poésie. Est-ce qu’on nommera pensée et tentative d’idéalisations directrices de l’entendement humain, et plutôt, ne les dira-t-on pas travaux de passivité mais d’une tare de sénilité quand si souvent on les reprend, et dangereuses imaginations, — qui en l’emphase de redites traditionnelles, d’une Beauté stérile et d’un Destin mensonger entretenaient nos désirs et notre nostalgie sans pantèlements à remuer le soleil et le nuage, depuis que déclinèrent en perte de sens vers les régions du ponant les énormes morphismes primordiaux des cosmiques Forces. […] *** À en s’aimant, s’aimer, — d’où se savoir : qui éternellement se pénètre du désir Mâle et Femelle pour, éternellement le Fruit en qui elle se saura, selon l’Ellipse devient et se transmue la Matière en mouvement de meilleur devenir… Dans un laps d’éternel : quand, suite de sa suite, luèrent en point d’illimité des atomes denses de la Matière, et que virèrent elliptiques et les agglomérats engendrant les soleils et les soleils générateurs de leurs planètes : il exista en un avènement solaire un astre terraqué. […] Avant l’Œuvre Or, à notre passé poétique dont allèrent leur devoir les Poètes, de qui l’âme d’Occident n’avait entendu le grand sens secret aux Livres des peuples sur qui le soleil se lève plus tôt, et qui n’entendirent pas qu’en avère les intuitions prodigieuses notre moderne Science : notre gratitude soit, tenter le nouveau devoir dont nous sommes instruit.

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