Il est vrai que le plus grand nombre est forcé de travailler par la nécessité ; mais il y a çà et là dans la société des hommes pour lesquels une occupation active est un besoin, qui sont inquiets quand ils n’ont rien à faire, malheureux si par hasard ils doivent renoncer au travail ; des hommes pour lesquels tel sujet d’investigation est si plein d’attrait qu’ils s’y adonnent des jours et des années, presque sans prendre le repos nécessaire à leur santé. » Comme pour vivre, même en sauvage, il faut faire quelquefois un travail ennuyeux, on sait que cette charge incombe aux femmes, qui, pendant que l’homme dort, peinent par crainte des coups. […] Ainsi, c’est un travers bien inoffensif pour la société que l’« onomatomanie » : la recherche du nom d’un inconnu, lu quelquefois par hasard dans un journal, obsède le malade, lui inflige l’insomnie et l’angoisse.
Ce sont, par définition, des personnes cultivées ; ils occupent, de droit, les huit dixièmes des places dans les sociétés savantes. […] Je regardais de tous mes yeux, ahuri, mais non sceptique, songeant au fou rire qui prit une de nos sociétés savantes lorsqu’on lui présenta le premier embryon du phonographe.
Y aura-t-il trois langages littéraires : le vers, gardant son allure parnassienne, éternellement, sur la chute des sociétés et des empires, puis le poème en prose et la prose, ou bien le vers libre, englobant dans sa large rythmique les anciennes prosodies, voisinera-t-il avec le poème en prose baudelairien, et la prose propre ? […] C’était le pauvre Yorik qui avait eu un si joli sourire, le pauvre Yorik qui avait professé la sagesse à Wittemberg, et en avait fait la comparaison la plus sérieuse avec la folie ; c’était un musicien du grand tout, un passereau tout transpercé d’infini qui s’en allait, et qu’on blottissait dans une glaise froide et collante — la plus pauvre mort de grand artiste, et le destin y eut une part hostile, qui ne laisse vivre les plus délicats que s’ils paient à la société la rançon d’un emploi qui les rend semblables à tous, connaissant le bien et le mal à la façon d’un comptable, et ne leur jette pas, des mille fenêtres indifférentes à l’art, de la presse, un sou pour subsister pauvrement et fièrement, en restant des artistes — à moins qu’une robustesse sans tare morbide ne leur permette de franchir, en les descendant et en les remontant ensuite, tous les cycles de l’enfer social. […] Elle le pousse à l’aveu, parce que l’aveu soulage puis à chercher toute l’expiation ; elle le suivra, le consolera et l’aimera ; tous deux pouvant renaître heureux de leur commune chute par la connaissance vraie qu’ils auront d’eux-mêmes, et le mutuel pardon qu’ils auront obtenu et de leur conscience et de la société. […] En cette société affaiblie par le mauvais emploi des ressources intellectuelles, que faut-il faire ? […] L’artiste, évidemment, se rangera à la théorie de l’art pour l’art, qui lui évite des mouvements inutiles, des efforts disparates, et il aura volontiers confiance aux purs savants pour délimiter les détails de l’existence des sociétés, attaché qu’il est à la contemplation des ressorts principaux.
Cela devient même, à un certain moment, une mode, un divertissement de société : tout le monde se mêle de peindre des portraits ou des caractères, d’écrire des maximes et des réflexions morales ; on n’échange plus une visite ni un billet sans se communiquer mutuellement ses primeurs en ce genre ; ce qui donne lieu à des discussions et à des productions nouvelles. […] Ce que nous chercherons, ce que nous aimerons partout, ce ne sont ni les mots ni les phrases ; ce qui nous attirera, ce qui nous intéressera, sans jamais nous lasser, sans nous rassasier jamais, c’est l’âme humaine s’analysant elle-même et interprétant tout ce qui l’entoure, la société ou la nature. […] Polyeucte est sur la limite de la société antique et du moyen âge.