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1164. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Et j’ai senti amèrement que d’écrire des chroniques dans un journal est une des besognes les plus vaines auxquelles un homme puisse consacrer ses jours périssables. […] Quant aux commentaires, vous y trouverez, neuf fois sur dix, la philosophie la plus banale, ou la plus vulgaire ironie, ou le scepticisme le plus grossier et le plus accessible, ou même le plus niais pédantisme, et, aux meilleurs endroits, de l’esprit fabriqué, des plaisanteries que l’on sent déduites selon d’immuables formules. […] S’il parcourt les églises pendant le carême, il sait qu’il est convenable d’y porter une âme religieuse, et il l’y porte… Mais comme on sent que tout cela lui est égal !

1165. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Une forte tendance vers les questions sociales se fait déjà sentir ; des utopies, des rêves de société parfaite prennent place dans le code. […] On sent d’avance que les résultats qui en sortiront seront d’ordre social, et non d’ordre politique, que l’œuvre à laquelle ce peuple travaille est un royaume de Dieu, non une république civile, une institution universelle, non une nationalité ou une patrie. […] On sent une puissante incubation, l’approche de quelque chose d’inconnu.

1166. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Ces hommes-là étaient nos frères ; ils eurent notre taille, sentirent et pensèrent comme nous. […] On sent à chaque ligne un discours d’une beauté divine fixé par des rédacteurs qui ne le comprennent pas, et qui substituent leurs propres idées à celles qu’ils ne saisissent qu’à demi. […] Le despotisme romain ne se fit sentir d’une façon désastreuse que beaucoup plus tard, et d’ailleurs il fut toujours moins pesant dans ces provinces éloignées qu’au centre de l’empire.

1167. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Ceux-là mêmes d’entre eux, il y en a, qui sont nés aristocrates, qui sont arrivés au monde dépaysés en quelque sorte dans des familles du passé, qui ont fatalement reçu une de ces éducations premières dont l’effort stupide est de contredire le progrès, et qui ont commencé la parole qu’ils avaient à dire au siècle par on ne sait quel bégaiement royaliste, ceux-là, dès lors, dès leur enfance, ils ne me démentiront pas, sentaient le monstre sublime en eux. […] Ils avaient au fond de leur conscience un soulèvement d’idées mystérieuses ; l’ébranlement intime des fausses certitudes leur troublait l’âme ; ils sentaient trembler, tressaillir, et peu à peu se lézarder leur sombre surface de monarchisme, de catholicisme et d’aristocratie. […] Que chacun sente en soi la hâte de bien faire.

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