La bavarderie de l’art pour l’art lui est inconnue… L’étonnement qu’on eut donc quand le général Daumas donna ses livres au public fut un sentiment qui tenait à beaucoup d’ignorance, de superficialité et d’injustice, mais, bien loin de nuire à son succès, il en augmenta la rapidité. […] Ce que nous appelons avec respect l’éducation militaire, cette forte éducation des choses qui l’emporte tant sur celle des livres et qui fait entrer les notions dans le cerveau par l’œil et la main, l’éducation militaire avait pu lui donner ce regard rectangulaire qui voit avec précision les objets, et la fermeté du dessin qui sait les reproduire, mais la maîtresse faculté de Daumas était le sentiment du pittoresque, et son livre de la Grande Kabylie le prouvait. […] Il y avait là pâture pour l’imagination et pâture aussi pour le sentiment de l’Histoire. […] Elle maintenait sa place dans le sentiment de l’Europe, pour le jour où, en Europe, la guerre éclaterait, c’est-à-dire que par son prestige elle combattait et vainquait déjà, puisque les succès à la guerre ne sont qu’une affaire d’opinion.
C’est l’enthousiasme et un sentiment véritablement religieux pour quelques gloires pures que ne maculèrent jamais ni la boue ni le sang révolutionnaires, qui communiquent à son livre le charme d’un accent qu’on aime, parmi tant de choses qu’on n’aime pas. […] nous ne réclamons pas aujourd’hui son cadavre, et nous réprouvons, autant que jamais, la tendance générale et le mal absolu de ses Œuvres, mais nous réclamons ce qui appartient au sentiment chrétien dans ses Œuvres, à travers les plus mortelles erreurs… Et que cette réclamation tardive, faite sur sa tombe, soit la punition de sa mémoire ; car le meilleur châtiment du coupable, c’est de montrer, qu’il n’était pas fait pour son crime, et qu’en le commettant il ne transgressait pas seulement la loi divine, mais les plus profonds et les plus nobles instincts de son cœur ! II Ce christianisme involontaire de Michelet, qui saute aux yeux s’ils sont attentifs, ce sentiment contradictoire à sa parole, avait toujours frappé les miens ; mais je l’avais tu, de son vivant. […] … La haine de Michelet contre l’Église est un sentiment couleur de rose, en comparaison de la haine atrocement noire des libres-penseurs de ce délicieux moment.
Il écrivit celle de la chouannerie, à la fin de sa Vendée militaire, avec le sentiment profond qu’il avait pour elle. […] C’est un sentiment touchant et que je respecte, mais il faut en avoir la discrétion et la décence. Il est imprudent de se trop déboutonner de ses sentiments personnels dans un livre fait pour le public, et qui devrait avoir la tenue et la sévérité de l’histoire. L’amitié est un délicieux sentiment, qui peut embaumer le coin d’un livre, comme le muguet, qui aime l’ombre, embaume le coin d’un mur dans un jardin ; mais on n’en fait pas des palissades, et malheureusement les épanouissements d’un tel pyladisme ressemblent à des espaliers d’amitié !
La Louise 10 d’Édouard Gourdon est, au contraire, une œuvre courte, fine, passionnée, sans grands événements extérieurs, un de ces livres dont le sens se perd un jour mais se retrouve l’autre, car il est éternel comme le cœur ; livres brefs, mais pleins, qui n’ont besoin pour intéresser le lecteur que d’une seule situation profondément creusée ou d’un seul sentiment éloquemment exprimé. […] La goutte d’encre qui servit à écrire celui-ci est tombée d’une plume dont l’habitude n’est point le sentiment et la rêverie. […] Ou bien, c’était l’enfant mort par l’opiniâtreté imprudente de sa mère qui, à son tour, pouvait tuer le sentiment qu’on avait pour elle. […] Étudiez-le bien, et voyez s’il y eut jamais dans cette honnête et vaillante créature, douce comme toute force vraie, une brutalité quelconque, une disposition oppressive, un mauvais sentiment.