C’est là que Platon méditait à haute voix, en prose, sur la nature, sur l’immortalité, sur le Dieu unique, incarné en esprit et en vérité, dont les divinités sensuelles et successives de l’Inde, de l’Égypte, de la Grèce, n’étaient que les symboles adorés par les sens, ces trompeurs de la raison humaine. […] Les jeunes femmes et les jeunes filles, assises en silence autour du groupe de chênes voisins, ne goûtaient pas ces froides dissertations ; elles exprimaient, par des gestes d’impatience et par des chuchotements dont je comprenais le sens, le vif désir d’entendre, de la bouche de ce jeune et pâle poète, quelques-uns de ces vers qu’elles ne connaissaient encore que par mon admiration : « Vous voyez ? […] Le portrait de ma mère est là qui nous sourit ; Je sens autour de nous rayonner son esprit ; Durant les entretiens, les jeux de la soirée, Je consulte du cœur cette image adorée, Sachant bien qu’elle assiste et protège ici-bas Le père en ses travaux, les fils en leurs ébats. […] tous ces baisers, je les sens dans mon cœur.
Il faut que le vrai sens de cette révolution ait été perdu en route et dans son histoire. Ne serait-il pas possible de retrouver ce sens vrai de la Révolution française en remontant à son origine et à ses premiers organes, d’en dégager la juste signification des passions et des crimes à travers lesquels elle a perdu son caractère et son but, et de rappeler ainsi la France de 1840 à la philosophie sociale et politique dont elle fut l’apôtre et la victime pour devenir, quoi ? […] Ces lois étaient certainement républicaines dans le sens moral du mot, mais elles n’étaient nullement antimonarchiques dans le sens politique.
Personne ne l’arrête pour lui tendre une main banale dans la foule, il parle à peu de passants ; mais quand il en rencontre par hasard un qu’il goûte ou qu’il aime, il revient sur ses pas, et il l’accompagne en sens contraire de sa route, comme quelqu’un à qui il est égal d’aller ici, ou là, et de perdre des pas ou du temps, pourvu qu’il ne perde rien de son cœur, de son esprit et de son goût pour ceux qui lui plaisent. […] Ce qu’on appelle l’originalité, c’est-à-dire ce sens du terroir qui donne une sève étrangère aux esprits d’une race peu mêlée aux autres races, est le cachet des écrivains, des publicistes, des poètes francs-comtois, beaucoup de bon sens mêlé à beaucoup de rêves. […] On cite les mots pleins de sens de cet oncle devenus proverbes dans ces provinces. […] XXV Saint-Claude, ville aussi toute sacerdotale et toute laborieuse des petites industries du fer et du buis ciselé, est la Zharklé du Jura ; ses cloches retentissent et ses cheminées fument ; ses silences dorment et ses cours d’eau, et ses scieries, et ses enclumes, et ses tours où l’on façonne le buis, bruissent comme une ville fantastique qui apparaît hors de la portée des sens, au fond d’un des cercles du Dante, à travers le brouillard des eaux pulvérisées par leur chute et des rayons du soir répercutés par les parois de ces montagnes.
C’est que je me sens le cœur assez mort pour que rien ne lui puisse nuire ; qu’on dit qu’il y a des beautés là-dedans que j’ai envie de connaître, et qu’un homme de Dieu qui a du crédit sur moi m’a dit que je pouvais faire cette lecture, et que le mal est annulé par la façon de le voir. […] Un certain tact m’avertit, me donne le sens des choses et des airs d’habitude là où je me trouve le plus souvent étrangère… » Le 20 avril, retour de jeunesse aussi : son oiseau favori est revenu chanter sur le genévrier, sous sa fenêtre. […] Je le comprends, mais ne le sens pas. […] Figurez-vous tout ce qu’il y a de naïf dans l’enfant, d’aimant dans la jeune vierge, de tendre dans la fille, de dévoué dans la sœur, d’affectueux dans l’amie, de religieux dans le sentiment, de pittoresque dans le coup d’œil, de délicat dans la perception, de nouveau dans le sens des choses morales et des paysages, sortant sans prétention, sans étude et sans effort, pendant vingt ans, d’une âme qui s’oublie elle-même pour se révéler à son Dieu, et qui trouve des accents, des images, des soupirs, des hymnes, comme l’éclair trouve son chemin dans les nuages, et comme l’abeille trouve son parfum dans les bouquets du printemps sur l’océan de fleurs de la prairie : voilà ce style !