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943. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Et n’était-ce point, en effet, pour un esprit poétique et cultivé qui se sentait vieillir, un agréable et bien doux emploi des heures plus lentes, une bien aimable manie, que de se mettre ainsi à côté et sous l’invocation d’un Ancien, et, sous prétexte de lutter avec un maître et en s’en flattant, de s’appuyer sur lui, de vivre avec lui dans un commerce intime qui faisait pénétrer dans tous ses secrets de composition, dans toutes ses beautés et ses grâces de diction ? […] Il y a des degrés encore après Homère et Virgile, remarque Du Bellay, qui nous rend en ceci comme un écho de Cicéron : « Nam in poetis, non Homero soli locus est (ut de Græcis loquar), aut Archilocho, aut Sophocli, aut Pindaro, sed horum vel secundis, vel etiam infra secundos 106. » À chaque pas, avec Du Bellay, on a affaire à des citations des Anciens, directes et manifestes ; mais il y a aussi, à tout moment, les citations latentes et sous-entendues, comme celle qu’on vient de lire ; et encore, lorsque plus loin, parlant des divers goûts et des prédilections singulières des poètes, il nous les montre, les uns « aimant les fraîches ombres des forêts, les clairs ruisselets murmurant parmi les prés », et les autres « se délectant du secret des chambres et doctes études » : à ces mots, tout ami des Anciens sent les réminiscences venir de toutes parts et se réveiller en foule dans sa pensée ; ainsi, par exemple, ces passages du Dialogue des Orateurs : « Malo securum et secretum Virgilii secessum… Nemora vero, et luci, et secretum ipsum… tantam mihi afferunt voluptatem 107. » On a, en lisant ce discours de Du Bellay, le retentissement et le murmure de ces nombreux passages dont lui-même était rempli.

944. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Il passa cette année, non plus aux Feuillantines, mais rue Cherche-Midi, en face l’hôtel des Conseils de guerre, à étudier librement, à lire toute sorte de livres, même les Contemporaines de Rétif, à apprendre seul la géographie, à rêver et surtout à accompagner chaque soir sa mère dans la maison de la jeune fille qu’il épousa par la suite, et dont en secret son cœur était déjà violemment épris. […] Deux ans après, comme Hugo passait la soirée chez un académicien fonctionnaire mêlé à l’administration secrète, celui-ci, à propos d’un incident de la conversation, le plaisanta sur ses intelligences avec les conspirateurs, et lui fit une leçon de prudence.

945. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

A cette quantité d’autres écrits de circonstance et de combat, une idée morale, une apparence de patriotisme, un drapeau donnait une sorte de noblesse et recouvrait aux yeux du public, aux yeux des auteurs et compilateurs eux-mêmes, le mobile plus secret. […] En province, à Paris même, si l’on n’y est pas plus ou moins mêlé, on ignore ce que c’est au fond que la presse, ce bruyant rendez-vous, ce poudreux boulevard de la littérature du jour, mais qui a, dans chaque allée, ses passages secrets.

946. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Je ne vois point, par exemple, pourquoi, indépendamment de toute idée d’hérédité ou de non-hérédité, la nature grossière, cruelle et superstitieuse de Galère, n’aurait pas arraché l’édit de persécution au caractère affaibli et vieilli de Dioclétien ; il ne m’est pas très-prouvé non plus que celui-ci ait eu des engagements secrets avec les chrétiens, et qu’il ait dû paraître ensuite à leur égard non-seulement un ennemi, mais un traître. […] Nulle part, je le crois, on n’avait expliqué d’une manière aussi vivante et aussi suivie, dans un relief aussi palpable, le fait du passage même, le secret d’une métamorphose qui, plus sensible dans ce grand cadre, n’y fut point pourtant circonscrite et dut se répéter en diminutif sur plus d’un point de l’empire : Des prêtres fortunés foulent d’un pied tranquille Les tombeaux des Catons et la cendre d’Émile, a dit Voltaire.

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