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512. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

En général, ces personnages sont oublieux, mobiles, adonnés à leurs impressions et d’un laisser-aller qui par instants fait sourire ; l’amour leur naît subitement d’un clin d’œil comme chez des oisifs et des âmes inoccupées ; ils ont des songes merveilleux ; ils donnent ou reçoivent des coups d’épée avec une incroyable promptitude ; ils guérissent par des poudres et des huiles secrètes ; ils s’évanouissent et renaissent rapidement à chaque accès de douleur ou de joie. […] Les ouvrages, alors récents, de Le Sage, de madame de Tencin, de Crébillon fils, de Marivaux, sont critiqués par leur rival, à mesure qu’ils paraissent, avec une sûreté de goût qui repose toujours sur un fonds de bienveillance ; on sent quelle préférence secrète il accordait aux anciens, à D’Urfé, même à mademoiselle de Scudéry, et quel regret il nourrissait de ces romans étendus, de ces composés enchanteurs ; mais il n’y a trace nulle part de susceptibilité littéraire ni de jalousie de métier. […] Il ressuscite avec ampleur, après Louis XIV, après cette précieuse élaboration de goût et de sentiments, ce que d’Urfé et mademoiselle de Scudery avaient prématurément déployé ; et bien que chez lui il se mêle encore trop de convention, de fadeur et de chimère, il atteint souvent et fait pénétrer aux routes secrètes de la vraie nature humaine ; il tient dans la série des peintres du cœur et des moralistes aimables une place d’où il ne pourrait disparaître sans qu’on aperçût un grand vide.

513. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

De vives images, d’imprévues alliances de mots, voilà tout le secret du charme de Montaigne : je n’en cite pas d’exemples ; qu’on ouvre les Essais à n’importe quelle page, et qu’on lise. […] Son scepticisme, c’est le secret de vivre à l’aise au milieu des guerres civiles, et le secret d’éteindre les guerres civiles, qui empêchent de vivre à l’aise.

514. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Cette idée y revient sans cesse, que la « création sait le grand secret ». […] Quand il annonce avec fracas qu’il presse du genou la poitrine du sphinx et qu’il lui a arraché son secret, je me dis : « Il est bien heureux !  […] C’est Homais à Pathmos… De vieux bergers à barbes de fleuves qui conversent avec Dieu ; des rois qui sont des brigands ; des brigands qui sont des héros ; des courtisanes qui sont des saintes ; des prêtres affreux : des petits enfants qui savent le grand secret et des gotons qui l’expliquent couramment rien qu’en montrant leurs jambes ; l’humanité mise en antithèses, pareille à un immense guignol apocalyptique ; l’histoire, coupée en deux, net, par la Révolution ; l’ombre avant, la lumière après… telle est sa vision des choses.

515. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

L’imposteur se croit aimé, et dans un moment d’abandon il confie son secret à sa maîtresse. […] Nul n’a su le secret de cette entrevue, mais un poète peut deviner, et je le pense, en tirer une belle scène. […] Désespéré, il pénètre un jour dans l’appartement de Tatiana et la surprend tout en pleurs lisant les lettres qu’il lui a adressées. — « Vous savez mon secret, lui dit-elle ; je vous ai toujours aimé ; mais je suis mariée.

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