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1090. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

La médecine n’est point l’art de donner la santé, elle n’est pas la science de la vie, elle est plutôt la science de la mort ; elle est simplement l’art d’arrêter le développement des maux de l’organisme humain. […] Convenons qu’autrefois, c’était une science plutôt empirique, comme toutes les sciences à leur début. […] Aujourd’hui, l’esthétique imite les procédés des autres sciences ; elle est expérimentale, historique, et non dogmatique ; et elle appuie volontiers ses déductions et ses observations sur celles de ces autres sciences. […] Tout d’abord, la science de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, ce n’est pas la Religion, c’est la Morale. […] C’est dans ce sens que Tolstoï l’appelle la science du Bien et du Mal.

1091. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

En revanche, vers le même temps (et ceci complète le chevalier), Mlle de Scudery observait de son bord que « les plus honnêtes femmes du monde, quand elles sont un grand nombre ensemble (c’est-à-dire plus de trois), et qu’il n’y a point d’homme, ne disent presque jamais rien qui vaille, et s’ennuyent plus que si elles étoient seules. » Au contraire, « il y a je ne sais quoi, que je ne sais comment exprimer (avouait d’assez bonne grâce cette estimable fille), qui fait qu’un honnête homme réjouit et divertit plus une compagnie de dames que la plus aimable femme de la terre ne sauroit faire25. » Quand on sent si vivement des deux côtés l’avantage d’un commerce mutuel, on est bien près de s’entendre ou plutôt on s’est déjà entendu, et la science de l’honnête homme a fait bien des pas. […] Il vous reste encore une habitude que vous avez prise en cette science, à ne juger de quoi que ce soit que par vos démonstrations, qui, le plus souvent, sont fausses. […] Je lui demandai comment il avoit acquis cette science […] « On le vint avertir qu’on avoit servi à souper, et monsieur me fit mettre auprès de ses enfants et me dit qu’il souhaiteroit bien de les voir savants, mais de la science du monde plutôt que de celle des docteurs. — Autrefois, continua-t-il, j’étudiai plus que je n’eusse voulu, parce que j’avois un père qui, n’ayant pas étudié, rapportoit à l’ignorance des lettres tout ce qui lui avoit mal réussi. […] Le chevalier oublie ici un de ses préceptes les plus essentiels, car il a dit : « Un jeune homme, pour apprendre à chanter, à danser, à monter à cheval, à voltiger ou à faire des armes, peut choisir de ces maîtres qui ne cachent pas leur science, parce que, s’ils excellent dans leur métier, ils s’en peuvent louer hardiment et sans rougir.

1092. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Et des miettes de ce temps arraché à la politique et donné à la science pure, il finit par faire, au bout de ces trente ans, un livre qui résume le plus cher et le plus intime de sa pensée. […] Mais le livre, en dehors de la thèse, que les hommes de la science spéciale à qui Granier de Cassagnac s’adresse peuvent contester, a plusieurs côtés d’une supériorité indéniable. […] Je suis donc persuadé qu’ils ne bougeront pas, ces bonshommes bien assis, ces curulaires de la science officielle, reconnue, centenaire ! […] La science a bien le droit d’être ennuyeuse, sans doute, mais n’est pas qui veut philologue. […] Un philologue d’un grand talent et d’une science babelique, car elle en était peut-être un peu confuse, Edelestand du Méril, nommé et combattu dans le livre de Cassagnac, n’a jamais pu entrer aux Inscriptions.

1093. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

La science incline d’ailleurs à fortifier l’illusion du sens commun sur ce point. […] La plupart des auteurs se rangent à cette opinion, qui ferait loi dans la science positive, si, il y a quelques années, M.  […] Les variations d’éclat d’une couleur donnée — abstraction faite des sensations affectives dont il a été parlé plus haut — se réduiraient donc à des changements qualitatifs, si nous n’avions pas contracté l’habitude de mettre la cause dans l’effet, et de substituer à notre impression naïve ce que l’expérience et la science nous apprennent. […] Le moment devait fatalement arriver où, familiarisée avec cette confusion de la qualité avec la quantité et de la sensation avec l’excitation, la science chercherait à mesurer l’une comme elle mesure l’autre : tel a été l’objet de la psychophysique. […] Et parce qu’une mesure de ce genre ne paraît pas directement possible, il ne s’ensuit pas que la science n’y puisse réussir par quelque procédé indirect, soit par une intégration d’éléments infiniment petits, comme le propose Fechner, soit par tout autre moyen détourné.

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