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2744. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Il aurait pu nous donner un roman mordant et profond, qui aurait coupé non plus dans le vif, mais dans cet énervé et ce lâche de la nature humaine qui a remplacé le vif ; mais il n’a su être ni le Tacite ni le Juvénal du roman. […] Eh bien, qu’il le sache ! […] Tous y sont des astres qui savent leur métier, âmes d’élite et de bonne compagnie ! […] plutôt quelque chose comme une chèvre capricieuse, fantasque, entêtée, enragée, endiablée, quoique du Nord, comme cinquante chèvres de Calabre, et qu’on aurait pu prendre, à certains moments, pour une tigresse, — une tigresse qui n’était pas marquée de la petite vérole comme Mirabeau, mais qui savait encore mieux que lui, ce grand comédien, jouer aux autres et se jouer à soi la comédie !

2745. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Aussi, dit-il à Théodose, nous étions accoutumés à voir l’or retourner du trésor public à ceux à qui on l’avait injustement enlevé, mais nous venons de voir plus ; nous avons vu des hommes menés par la loi aux portes de la mort, ramenés à la vie par le prince ; car de tous nos empereurs, tu es celui qui respecte le plus la loi ; mais tu sais que par respect pour la loi même, il faut quelquefois s’en écarter. » Et dans le même discours, faisant allusion à la fable célèbre des deux tonneaux d’Homère : « Sous ton empire, nous connaissons le tonneau du bien, d’où s’épanchent la félicité, la richesse et la vie. […] L’espérance est sortie et vole sur l’empire, les maux sont enchaînés. » On sait qu’au commencement du règne de Valens, Procope se révolta et prit la pourpre. […] Sais-tu pourquoi tu as mis cet ordre dans les finances de l’empire ? […] Ton œil perçant sait découvrir et rendre inutiles les profondeurs de cet art funeste et caché… Non, désormais je ne craindrai pas les ennemis domestiques plus que les barbares même.

2746. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Les Calvin, les Henri Estienne, les de Bèze, les d’Aubigné, ces grands hommes éloquents que recueillait Genève et qu’elle savait si étroitement s’approprier, comptaient autant qu’aucun dans la balance. […] Les albums grotesques coururent de main en main, et il arriva qu’un ami de l’auteur, passant à Weimar, fit voir je ne sais lequel à Goëthe. […] Je ne sais qui l’a dit le premier : règle générale, la plaisanterie d’une nation ressemble à son mets ou à sa boisson favorite. […] Quelle triste chose alors que de découvrir tardivement dans cet ami des défauts, des imperfections ; d’être conduit peut-être à rompre ces relations commencées, pour en former de nouvelles qui ne sauraient plus avoir ni l’attrait ni la fraîcheur des premières ! […] L’année suivante, son aïeul meurt, et l’enfant, qui suit le convoi sans trop savoir, se retrouve tout ému aux mêmes lieux.

2747. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Une société ne saurait subsister sans un gouvernement.  […] Il saura que, si son gouvernement n’est pas bon, il perdra l’empire et la vie. […] Mauvais publiciste, il redevient bon magistrat ; c’est son métier ; il analyse assez justement les causes de ces lois, mais il les quitte vite et revient, on ne sait pourquoi, aux lois politiques. […] On est étonné que Montesquieu n’ait pas su distinguer entre ces deux conditions complétement différentes, et qu’il ait donné faveur à ce misérable sophisme, l’opposé de toute vérité. […] C’est la grande raison de la faiblesse de l’Asie et de la force de l’Europe, de la liberté de l’Europe et de la servitude de l’Asie ; cause que je ne sache pas que l’on ait encore remarquée.

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