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471. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Elle est nécessairement antérieure à la fondation du Journal des savants (1665), et elle doit se rapporter aux premiers temps de l’influence de Colbert (1663). […] Ce fut le Journal des savants, imaginé par M. de Sallo, et bientôt dirigé par l’abbé Gallois, qui se chargea de remplir imparfaitement une partie du programme de Mézeray, qu’il faut peut-être appeler aussi bien le programme de Colbert. […] L’Histoire du père Daniel, qui parut cinquante ans après, est bien autrement approfondie et savante : celle de Mézeray, pour les derniers règnes, mérite de rester comme une représentation et une reproduction naturelle de la France et de la langue du xvie  siècle, avant que le régime de Louis XIV et les règles de l’Académie y aient mis fin et que tout ait passé sous le niveau.

472. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Il vit, durant son séjour à Lausanne, Mlle Curchod, fille d’un pasteur des environs, belle, savante et vertueuse : il l’aima très sincèrement, fit agréer sa recherche et ses vœux, et ne désespéra point d’obtenir le consentement de son père. […] Il s’arrêtait aux difficultés de détail qui se présentaient, soit philologiques, soit historiques, cherchait à les résoudre, et il entra dès lors en correspondance avec plusieurs savants, Crevier à Paris, Breitinger à Zürich, Gesner à Göttingen ; il leur proposait ses doutes ou ses idées, et il eut le plaisir de voir plus d’une de ses conjectures accueillie. […] Cette Académie des inscriptions et belles-lettres est proprement la patrie intellectuelle de Gibbon ; il y habite en idée, il en étudie les travaux originaux ou solides rendus avec justesse et parfois avec agrément ; il en apprécie les découvertes, « et surtout ce qui ne cède qu’à peine aux découvertes, dit-il en véritable Attique, une ignorance modeste et savante ».

473. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

C’est sur ce texte de Ménard que, faute de retrouver les manuscrits originaux, Du Cange a travaillé, et qu’il a donné son édition (1668), accompagnée de toutes les dissertations savantes. […] Trois savants s’y mirent successivement, et, deux étant morts à l’œuvre, le troisième, Capperonnier, acheva de publier un vrai et pur Joinville (1761). […] C’était un petit livre très bien fait et savant sous air modeste.

474. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Pourtant, on a beau être savant et d’une pénétrante intelligence, comme on est jeune, comme on a soi-même ses excès intérieurs de force et de désirs, comme on a ses convoitises et ses faiblesses cachées, il y a des illusions aussi que peuvent faire ces œuvres toutes modernes du dehors et qui s’adressent à la curiosité la plus récente ; on les voit comme les premières jeunes femmes brillantes qu’on rencontre et à qui l’on croit plus de beauté qu’elles n’en ont ; on leur suppose parfois un sens, une profondeur qu’elles n’ont pas, on leur applique des procédés de jugement disproportionnés, et on les agrandit en les transformant. […] Que si l’on veut rompre avec l’École en en sortant, si l’on se sent épris des fantaisies, des descriptions mondaines, piqué du démon de raillerie et curieux du manège des passions, on s’y jouera dès l’abord avec un art d’expression plus savant, plus consommé, et une ivresse plus habile que celle de personne : il n’y a plus de noviciat à faire en public ; il s’est fait dès auparavant et à huis clos. […] Taine a le bonheur d’être savant, et ce qui est mieux, d’avoir l’instrument, l’esprit scientifique joint au talent littéraire ; tout s’enchaîne dans son esprit, dans ses idées ; ses opinions se tiennent étroitement et se lient : on ne lui demande pas de supprimer la chaîne, mais de l’accuser moins, de n’en pas montrer trop à nu les anneaux, de ne pas trop les rapprocher, et, là où dans l’état actuel de l’étude il y a lacune, de ne pas les forger prématurément.

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