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503. (1899) Arabesques pp. 1-223

Je m’assieds parmi les bruyères ; mon sang bat suivant le rythme des frondaisons aériennes, et, les yeux perdus vers les cimes, j’attends que la grande âme de la forêt me pénètre jusqu’au cœur. […] Je songe : tel mon cœur, ivre d’espace, où coule Le sang quotidien d’un rêve massacré. […] Partir, parfois ce mot chante au cœur des malades Accélérant le sang dans les artères ivres. […] — traités parfois de « buveurs de sang ». […] La sangsue Orléans s’est gorgée du sang de Jacques Bonhomme.

504. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il ne faudrait pourtant point se le figurer à cet âge un sujet trop régulier, toujours esclave de son travail et le front courbé sur le Digeste : tel n’était point le président Jeannin en sa jeunesse : Car nous avons appris de tous ceux de son temps, dit Saumaise, qu’il avait exercé toutes les libertés que la chaleur du sang et celle de l’âge peuvent imaginer en cette heureuse saison. […] Sur ce refus, j’alléguai la loi de l’empereur Théodose, qui, après avoir commandé par colère et trop précipitamment la mort d’un grand nombre de chrétiens, fut rejeté de la communion par saint Ambroise, qui le contraignit de venir à pénitence, et, pour une entière satisfaction, faire une loi par laquelle défense était faite aux gouverneurs en l’administration de la justice qui présidaient dans les provinces, de ne faire à l’avenir exécuter tels mandements extraordinaires qui étaient contre l’ordre et la forme de la justice, sans attendre trente jours, pendant lesquels ils enverraient à l’empereur pour avoir nouveau commandement en bonne et due forme ; ainsi qu’il fallait envoyer promptement au roi… Grâce à cet avis d’une ferme et respectueuse résistance qui prévalut et fut adopté, avant même qu’on eût envoyé vers le roi, le contrordre eut le temps d’arriver de Paris : la Bourgogne fut garantie du crime et du malheur commun, et le nom du comte de Charny est inscrit dans l’histoire à côté de ceux du comte de Tendes, de MM. de Saint-Hérem, d’Orthez et d’un petit nombre d’autres, comme étant resté pur de sang dans l’immense massacre.

505. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il avoue ses opiniâtretés, ses colères, qui sentent le cheval de sang et de race : « Il ne me fallait guère piquer pour me faire partir de la main. » Quelquefois aussi, chez lui, c’était méthode et tactique ; on le verra user de sa réputation terrible pour obtenir de prompts et merveilleux résultats : ainsi, à Casal, ville presque ouverte, où il se jette (1552) pour la défendre, et où il lui fallut improviser des fortifications et de grands travaux de terrassement en peu de jours, il donnera ordre à tout son monde, tant capitaines, soldats, pionniers, qu’hommes et femmes de la ville, d’avoir dès le point du jour la main à l’ouvrage « sous peine de la vie » ; et, pour mieux les persuader, il fit dresser des potences (dont sans doute cette fois on n’eut pas à se servir) : « J’avais, dit-il, et ai toujours eu un peu mauvais bruit de faire jouer de la corde, tellement qu’il n’y avait homme petit ni grand, qui ne craignît mes complexions et mes humeurs de Gascogne. » Et en revanche, sans se fier plus qu’il ne faut à l’intimidation, il allait lui-même, sur tous les points, faisant sa ronde jour et nuit, reconnaissant les lieux, « encourageant cependant tout le monde au travail, caressant petits et grands. » Ces jours-là, où il était maître de lui-même, il savait donc gouverner les esprits autant par les bons procédés que par la crainte, et il s’entendait à caresser non moins qu’à menacer. […] Qui sommes-nous dans le cabinet pour ainsi trancher à l’aise du mérite de ceux dont le sang se verse à chaque instant et dont la vie n’est qu’un continuel sacrifice ?

506. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

S’il rendit alors des services, il faudrait en aller démêler les titres sous trop de meurtres et de sang. […] On se le figure bien en ce prieuré perdu, en quelque âpre gorge ou sur un rocher nu des Pyrénées, plongeant son regard tour à tour sur l’Espagne et la France, vieillard tout chenu et à la face meurtrie, dur envers lui-même, se mortifiant, expiant le sang versé ; et cette âme de colère, apaisée enfin, se fixant opiniâtrement à la méditation des années éternelles.

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