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311. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Guizot, dans un intervalle de ses mâles et fermes histoires, s’est dit qu’il y avait lieu d’intéresser sans tant d’aventures et de beaux crimes : il a retracé et buriné à la manière hollandaise la figure de lady Russell, ce modèle des grandes veuves, de celles qui restent fidèles à un noble sang généreusement versé et à une vieille cause. […] Ces enfants de ses sœurs montrent bien de quelle race fortement constituée et prédestinée à l’action il était issu ; la plupart des nièces nous représentent bien cette race en tout ce qu'elle avait de non altéré et de genuine, comme disent les Anglais, la force sacrée du sang, comme diraient les Grecs, la noblesse naturelle avec de terribles instincts d’aventures. […] Bon sang ne peut mentir. […] Renée, je n’ai trouvé qu’une manière de m’acquitter envers l’auteur : c’est de me rejeter sur un coin qu’il n’a pas dû développer, sur le dernier des petits-neveux de Mazarin, l’ambassadeur et académicien duc de Nivernais, en qui s’était adouci, sans trop s’affaiblir, le sang des Mancini. […] Après son retour, et dans un remaniement de ministère (fin de 1757), Bernis essaya inutilement de faire entrer au conseil le duc de Nivernais : « La connaissance qu’on avait de ses talents, écrivait Duclos, ne put triompher de la répugnance que Mme de Pompadour a toujours eue pour ceux qui sont liés de sang ou d’amitié avec le comte de Maurepas, et le duc de Nivernais avait ce double titre de réprobation. » S’il n’avait pu prévenir à Berlin l’explosion de la guerre de Sept Ans, le duc de Nivernais fut plus heureux à Londres pour mettre un terme aux conséquences de cette guerre si désastreuse pour la France.

312. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

La France, sans s’informer si elle servait en cela l’Angleterre, a volé à Sébastopol, a versé le sang chrétien pour préserver le sang ottoman, et la France a bien fait. […] La France a donc parfaitement le droit et, je dis plus, le devoir de ne pas avouer l’ambition d’un roi qui est roi par la grâce du sang français versé pour lui dans la Lombardie, et de ne pas reconnaître une unité monarchique piémontaise de toute l’Italie, qui serait un péril national créé contre la sécurité de la nation française. […] Il n’y aura plus que deux puissances, l’Angleterre et la Russie ; ou bien la France, sans alliance, sera obligée de descendre à la subalternité des puissances secondaires ; ou bien encore la France, comme après Azincourt, sera obligée de se reconquérir elle-même par une énergie qui est en elle, mais qui ne se retrouvera sur terre et sur mer que dans son sang. […] Soyons prodigues de notre sang, mais ne soyons pas dupes de nos victoires ; donnons sa place à l’Italie, mais gardons la nôtre en Europe.

313. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Deux amants qu’attache l’un à l’autre une passion profonde et légitime, et que va rendre ennemis la loi du devoir filial et de l’honneur domestique ; Rodrigue aimant Chimène, mais forcé de venger l’affront de son père dans le sang du père de sa maîtresse ; Chimène forcée de haïr celui qu’elle aime, et de demander sa mort, qu’elle craint d’obtenir ; Rodrigue, tout plein des grands sentiments qui feront bientôt de lui le héros populaire de l’Espagne ; Chimène, héritière de l’orgueil paternel, fière Castillane, qui veut se battre contre Rodrigue avec l’épée du roi ; ce roi, si plein de sens et d’équité, image de la royauté de Salomon, par sa modération, par sa connaissance des hommes, par sa justice ingénieuse : les deux pères si énergiquement tracés ; le comte, encore dans la force de l’âge, qui a été vaillant à la guerre, mais qui se paie de ses services par le prix qu’il en exige et par les louanges qu’il se donne ; le vieux don Diègue, qui a été autrefois ce qu’est aujourd’hui le comte, mais qui n’en demande pas le prix, et ne s’estime que par l’opinion qu’on a de lui ; le duel de ces deux hommes, si rapide, si funeste, d’où va naître entre les deux amants un autre duel dont les alternatives seront si touchantes ; Rodrigue, après avoir tué le comte, défendant son action devant Chimène, qui n’en peut détester le motif, puisque c’est le même qui l’anime contre Rodrigue ; la piété filiale aux prises avec l’amour ; l’ambition désappointée ; l’idolâtrie de l’honneur domestique ; des épisodes étroitement liés à l’action ; un récit qui nous met sous les yeux le sublime effort de l’Espagne se débarrassant des Maures, d’un pays rejetant ses conquérants : quel sujet ! […] Et quand elle fait parler avec tant d’éloquence la plaie par où son père lui demande vengeance, n’avoue-t-elle pas que, pour la mieux convaincre de son devoir, il a fallu que le sang paternel le lui traçât sur la poussière31? […] Nous n’avons qu’une justice étroite et tardive pour les gouvernements sages qui ménagent notre sang et notre argent. Mais la faveur populaire est assurée aux gouvernements héroïques qui ont fait de grandes choses, au prix du sang des générations, du deuil des mères, de la ruine publique. […] Son flanc était ouvert, et, pour mieux m’émouvoir, Son sang sur la poussière écrivait mon devoir.

314. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Un sang bleu coulait dans ses veines ; l’orgueil de sa race mettait dans ses yeux un éclair ; ses privilèges l’investissaient d’une sorte de divinité terrestre. […] A la vue de cette goutte de sang versée pour sa gloire, Caliste se révèle, son amour éclate, et elle ne comprend plus que celui qui s’est ainsi proclamé son chevalier s’entête à ne vouloir pas être son mari. […] Il est vrai qu’elle crache si bien le sang », ! […] Elle a découvert que Geneviève aimait son mari d’un amour d’enfance, et, pour lui arracher son secret, en lui ouvrant l’espoir d’un prochain veuvage, elle simule une maladie de poitrine, elle tousse, elle crache le sang…. […] Ainsi fourvoyée au milieu des guivres et des licornes habillées du blason, respirant un air chargé de vieillesse et d’antiquité, cernée par les yeux scrutateurs et les commérages austères d’une petite société à demi claustrale, j’aurais compris que cette fille du quartier Bréda sentît son sang de lorette bouillir dans ses veines, que le ranz de Mabille et de Musard l’eût plongée dans des rêveries mortelles, et que du giron moisi de cette famille antique et gothique elle eût désespérément regretté le petit tralala vulgaire et vicieux de sa vie passée.

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