Le 17 mai 1757, il vit pour la première fois les postes avancés ; il entendit siffler les premières balles : « J’étais heureux comme un roi. » Son impatience s’accommode assez peu en tout temps de la lenteur méthodique du maréchal Daun ; on chante, après chaque succès, des Te Deum qui font perdre le temps. […] À propos de je ne sais quelle position avantageuse aux Prussiens : « Le roi l’occupa parfaitement bien, dit le prince de Ligne ; il jouit de son plaisir ordinaire, qui était de nous tenir en suspens. » À la fin de la campagne de 1759, le prince de Ligne est choisi pour aller porter au roi de France à Versailles la nouvelle de l’affaire de Maxen ; il a raconté sa première apparition dans cette Athènes dont il était déjà, et il l’a fait avec piquant et un peu de cliquetis. […] Dans les entretiens qu’il eut avec Frédéric au camp de Neustadt (1770), la conversation étant venue à tomber sur la religion, le roi se mit à en parler librement et peu décemment, comme il faisait avec les La Mettrie et les d’Argens : « Je trouvai, dit le prince de Ligne, qu’il mettait un peu trop de prix à sa damnation et s’en vantait trop… C’était de mauvais goût au moins de se montrer ainsi… Je ne répondis plus toutes les fois qu’il en parla. » Avec Voltaire, autre souverain, chez qui il va faire un séjour à Ferney, et dont il nous rend la conversation, les gestes, les incongruités même dans tout leur déshabillé et leur pétulance, il a plus d’un propos sérieux : « Il aimait alors, dit-il de Voltaire, la Constitution anglaise.
Arnauld était présenté au roi et au Dauphin. […] C’est ce qu’il fit dans plusieurs des sermons qu’il alla, par ordre du roi, prêcher à Montpellier en 1683-1686, pour y instruire et édifier les nouveaux convertis. […] [NdA] Bourdaloue devait prêcher l’Avent de 1685 à la Cour ; lorsqu’il dut partir pour Montpellier, le roi lui dit : « Les courtisans entendront peut-être des sermons médiocres, mais les Languedociens apprendront une bonne doctrine et une belle morale. » (Journal de Dangeau, 16 octobre 1685.)
Les caractères, suivant lui, les personnages des fables de La Fontaine, quels qu’ils soient, animaux, hommes ou dieux, ce sont toujours des hommes et des contemporains du poète ; et il s’applique à de démontrer, en parcourant les principales catégories sociales, roi, courtisans, noblesse, clergé, bourgeoisie, peuple, et en les retrouvant en mille traits dans sire lion, dans maître renard, maître Bertrand, ours, loups, chats et rats, mulets et baudets, etc., etc. […] Il est moraliste, et non pamphlétaire ; il a représenté les rois, et non le roi.
I Je voyais l’autre jour, à l’Odéon, Macbeth si bien rendu, si bien exprimé et resserré au vif par notre ami Jules Lacroix, ce mouleur habile et consciencieux du groupe sophocléen, l’Œdipe roi : j’admirais, même dans les conditions inégales où elle nous est produite, cette pièce effrayante, effarée, sauvage, pleine d’hallucinations, de secondes vues ; où l’on voit naître, grandir et marcher le crime, le remords ; où l’horreur d’un bout à l’autre plane à faire dresser les cheveux ; où le cœur humain s’ouvre à tout instant devant nous par des autopsies sanglantes ; sillonnée de mots tragiques immortels ; où le poignard, l’éclair, le spectre, sont des moyens d’habitude et devenus vraisemblables ; où la faiblesse est forte, où le héros est faible et misérable ; où tout s’enchaîne et s’entraîne, où la destinée se précipite tantôt vers la grandeur, tantôt vers l’abîme ; où l’homme est montré comme le jouet de la fatalité, une paille dans le tourbillon ; où Shakespeare nous dit son dernier mot philosophique par la bouche de son Macbeth s’écriant : « Hors d’ici, éteins-toi, flambeau rapide ! […] Ducis, avec qui il avait quelque parenté de talent et d’origine, a dit dans un portrait qu’il a donné de lui : « Il aimait passionnément Molière, Montaigne et Shakespeare ; il y trouvait ce fonds immense de naturel, de raison, de force, de grâce, de variété, de profondeur et de naïveté qui caractérise ces grands hommes ; aussi, était-il né avec un sens exquis et une âme excellente : c’était tout naturellement qu’il voyait juste, comme c’était tout bonnement qu’il était bon. » On est sous Louis XVI, aux premières et belles années, sous un jeune roi plein de mœurs et de bon sens. […] L’un des ces roseaux pensants et gémissants dont Pascal est le roi, dont Rousseau n’est que le premier révolté et le rebelle ; pauvre Deleyre, qui avait besoin de soutien et de support, de confiance et de foi, et peut-être d’autel, la croyance au progrès humain et l’indéfinie perfectibilité, la religion de Diderot et de Condorcet put-elle jamais toute seule lui suffire ?