Il se mit à appeler à haute voix jusqu’au-delà du fleuve: « Viens ici me prendre, dit le brave guerrier, et je te donnerai pour salaire un bracelet en or très-rouge ; car sache-le bien, il est absolument nécessaire que je passe. » Le nautonier était si riche qu’il ne lui convenait pas d’être aux ordres des gens. […] Si je savais qui l’a fait, je le vouerais à la mort. » À ces mots le seigneur Dietrîch répondit avec colère: « C’est moi qui ai averti ces riches et nobles princes et l’audacieux Hagene, le guerrier burgonde. […] Kriemhilt, la riche, appela Dietrîch: « Venez à mon aide, noble chevalier, sauvez-moi la vie au nom de tous les princes du pays des Amelungen, car si Hagene m’atteint, je serai tuée à l’instant.
Rousseau, l’orgueilleuse nudité du tonneau ou du haillon pour se faire un trophée de sa misère ; mais un homme dont la médiocrité sans apparat ne pouvait exciter ni l’envie du pauvre, ni la pitié du riche ; un homme qui n’avait rempli, pendant sa vie, aucun de ces rôles éclatants ni occupé aucune de ces fonctions puissantes qui laissent à ceux qui en sont sortis ou déchus de vieux clients de leur puissance ou de jeunes clients de leur renommée ; un tel homme meurt dans sa petite chambre, entre une garde-malade, deux servantes en pleurs et quelques amis. […] Il devinait tout parce qu’il sentait tout : une grandeur ou une douleur de la patrie, un tambour battant la charge à des grenadiers sur quelque champ de bataille de la République ou de l’Empire, un tocsin du 14 juillet appelant les citoyens à l’assaut de la Bastille, un coup de canon de Waterloo mutilant les débris des derniers bataillons décimés de Moscou ou de Leipsick, un adieu funèbre de César vaincu à ses légions anéanties dans une cour de Fontainebleau ; le déchirement d’un dernier drapeau tricolore qui déchirait, avec ce même lambeau, l’orgueil et le cœur d’un million de vétérans humiliés ; un soupir du Prométhée impérial enchaîné sur son rocher, apporté par le vent à travers l’Océan du rivage de Sainte-Hélène ; un bruit de pas des bataillons étrangers sur le sol de la patrie, un murmure encore sourd du peuple contre la moindre atteinte à sa révolution ; un gémissement de proscrit de 1815, le bruit d’un coup de feu d’un peloton de soldats dans l’allée de l’Observatoire, dans la plaine de Grenelle, à Toulouse, à Nîmes, à Lyon, balle sous laquelle tombait un maréchal, un colonel ou un sergent des vieilles bandes françaises ; une plainte de prisonnier dans le cachot, un cri de faim dans la chaumière, de souffrance dans la mansarde, une agonie du blessé dans un lit d’hôpital ; une mère pressant ses trois enfants contre sa mamelle épuisée près de son mari mort sur son grabat, sans suaire, dans un grenier ; un sanglot étouffé de veuve dont le fisc emporte la chèvre nourricière ; une voix d’enfant aux pieds nus sur la neige, collant ses mains roidies aux grilles du palais du riche pour y respirer de loin l’haleine du feu de ses festins : tout cela retentissait dans l’âme de Béranger, comme si un autre Asmodée avait découvert à ses yeux les toits des capitales ou le chaume des huttes. […] Telle est la puissance de la chanson sur le peuple illettré des capitales en France : c’est l’enseignement mutuel de la borne et du pavé ; l’air monte souvent jusqu’au grenier du pauvre ; il pénètre même dans le salon du riche ; mais son théâtre par excellence est le café.
Des histoires plus riches en grandeurs morales que celle du Directoire s’orneraient majestueusement de cette imposante figure. […] Elle s’applique à la Révolution même, dont on pourrait dire, sans les horreurs, — qui sont bien quelque chose : — « Elle était riche comme le néant : voilà pourquoi on lui prête tout ! […] Cette qualité inconnue aux anciens, qui composaient grandement l’histoire, mais qui n’y jetaient pas la vie dans les proportions où la pensée moderne a le besoin de l’y verser, est le mérite le plus en saillie du talent très riche et très complexe de Cassagnac.
Cela fait et ce terme de son ambition atteint102, il ne se hâta plus ; il aima mieux amasser, augmenter sans cesse la riche matière des volumes suivants que de se presser de les réunir ; il s’y oublia un peu, et plus tard, quand il songea à lier sa gerbe, il n’en eut ni le temps ni la force ; il était trop las. […] Quand il en vient aux farces, à cette veine heureuse et riche de notre vieux théâtre, à cette première forme de la comédie, M.