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842. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Il se mit à appeler à haute voix jusqu’au-delà du fleuve: « Viens ici me prendre, dit le brave guerrier, et je te donnerai pour salaire un bracelet en or très-rouge ; car sache-le bien, il est absolument nécessaire que je passe. » Le nautonier était si riche qu’il ne lui convenait pas d’être aux ordres des gens. […] Si je savais qui l’a fait, je le vouerais à la mort. » À ces mots le seigneur Dietrîch répondit avec colère: « C’est moi qui ai averti ces riches et nobles princes et l’audacieux Hagene, le guerrier burgonde. […] Kriemhilt, la riche, appela Dietrîch: « Venez à mon aide, noble chevalier, sauvez-moi la vie au nom de tous les princes du pays des Amelungen, car si Hagene m’atteint, je serai tuée à l’instant.

843. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Rousseau, l’orgueilleuse nudité du tonneau ou du haillon pour se faire un trophée de sa misère ; mais un homme dont la médiocrité sans apparat ne pouvait exciter ni l’envie du pauvre, ni la pitié du riche ; un homme qui n’avait rempli, pendant sa vie, aucun de ces rôles éclatants ni occupé aucune de ces fonctions puissantes qui laissent à ceux qui en sont sortis ou déchus de vieux clients de leur puissance ou de jeunes clients de leur renommée ; un tel homme meurt dans sa petite chambre, entre une garde-malade, deux servantes en pleurs et quelques amis. […] Il devinait tout parce qu’il sentait tout : une grandeur ou une douleur de la patrie, un tambour battant la charge à des grenadiers sur quelque champ de bataille de la République ou de l’Empire, un tocsin du 14 juillet appelant les citoyens à l’assaut de la Bastille, un coup de canon de Waterloo mutilant les débris des derniers bataillons décimés de Moscou ou de Leipsick, un adieu funèbre de César vaincu à ses légions anéanties dans une cour de Fontainebleau ; le déchirement d’un dernier drapeau tricolore qui déchirait, avec ce même lambeau, l’orgueil et le cœur d’un million de vétérans humiliés ; un soupir du Prométhée impérial enchaîné sur son rocher, apporté par le vent à travers l’Océan du rivage de Sainte-Hélène ; un bruit de pas des bataillons étrangers sur le sol de la patrie, un murmure encore sourd du peuple contre la moindre atteinte à sa révolution ; un gémissement de proscrit de 1815, le bruit d’un coup de feu d’un peloton de soldats dans l’allée de l’Observatoire, dans la plaine de Grenelle, à Toulouse, à Nîmes, à Lyon, balle sous laquelle tombait un maréchal, un colonel ou un sergent des vieilles bandes françaises ; une plainte de prisonnier dans le cachot, un cri de faim dans la chaumière, de souffrance dans la mansarde, une agonie du blessé dans un lit d’hôpital ; une mère pressant ses trois enfants contre sa mamelle épuisée près de son mari mort sur son grabat, sans suaire, dans un grenier ; un sanglot étouffé de veuve dont le fisc emporte la chèvre nourricière ; une voix d’enfant aux pieds nus sur la neige, collant ses mains roidies aux grilles du palais du riche pour y respirer de loin l’haleine du feu de ses festins : tout cela retentissait dans l’âme de Béranger, comme si un autre Asmodée avait découvert à ses yeux les toits des capitales ou le chaume des huttes. […] Telle est la puissance de la chanson sur le peuple illettré des capitales en France : c’est l’enseignement mutuel de la borne et du pavé ; l’air monte souvent jusqu’au grenier du pauvre ; il pénètre même dans le salon du riche ; mais son théâtre par excellence est le café.

844. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Des histoires plus riches en grandeurs morales que celle du Directoire s’orneraient majestueusement de cette imposante figure. […] Elle s’applique à la Révolution même, dont on pourrait dire, sans les horreurs, — qui sont bien quelque chose : — « Elle était riche comme le néant : voilà pourquoi on lui prête tout !  […] Cette qualité inconnue aux anciens, qui composaient grandement l’histoire, mais qui n’y jetaient pas la vie dans les proportions où la pensée moderne a le besoin de l’y verser, est le mérite le plus en saillie du talent très riche et très complexe de Cassagnac.

845. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Cela fait et ce terme de son ambition atteint102, il ne se hâta plus ; il aima mieux amasser, augmenter sans cesse la riche matière des volumes suivants que de se presser de les réunir ; il s’y oublia un peu, et plus tard, quand il songea à lier sa gerbe, il n’en eut ni le temps ni la force ; il était trop las. […] Quand il en vient aux farces, à cette veine heureuse et riche de notre vieux théâtre, à cette première forme de la comédie, M. 

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