Le roi passait les étés à la frontière, où l’on se battait rudement ; il revenait ensuite d’ordinaire passer les hivers à Paris, et tous les divertissements étaient alors de saison, jeu, billard, paume, chasse, comédie, mascarade, loterie, tout ce qu’engendre une entière oisiveté, mais surtout l’amour. […] Je reviens au caractère de ce dernier. […] Après plus de vingt ans d’exil, il est revenu dans un état humilié, sans charge, sans emploi, sans considération parmi les courtisans, et sans aucun sujet raisonnable de rien espérer. […] Tous deux se perdirent par une indiscrétion et pour avoir eu l’esprit plus satirique qu’il ne convenait ; leur fortune militaire fut brisée, et ils en furent l’un et l’autre pour un long exil, auquel Bussy ne put jamais se faire, tandis que Saint-Évremond porta jusqu’au bout le sien avec constance, dédaignant même à la fin d’en revenir quand il ne tenait qu’à lui.
Rigault (j’y reviendrai un jour avec l’attention qu’il mérite) n’est pas seulement, par goût et par vocation, un littérateur, c’est un universitaire, une fleur d’université ; mais il en est et il en tient jusqu’au bout des ongles ; il en a le tempérament et les prétentions. […] À vingt ans, et même à trente, on est comme un juré peu informé, ou peu corrigé, et qui se prononce d’après la passion ou la théorie ; à cinquante, on est comme un juré trop bien informé et très revenu, qui sait faire céder ses théories d’autrefois à l’évidence et à la toute-puissance des faits. […] Je reviens, et je ne crains pas de m’avancer encore vis-à-vis d’un esprit que je goûte extrêmement ; et auprès de qui ce goût même peut me servir d’excuse. […] Molé, une fois écarté, ne revint pas au pouvoir.
Biot, à dix-neuf ans, soldat et canonnier, revenait de la bataille de Hondschoote : fort malade, ayant un commencement de plique, il ne pouvait se traîner. Il résolut pourtant de traverser le nord de la France avec un billet d’hôpital, sans passe-port, pour revenir au moins mourir chez sa mère. […] Biot, rétabli, se retrouve peu après en qualité d’élève, et des plus zélés, à l’École polytechnique, une belle fondation de la Convention délivrée, et qui, avec l’établissement de l’École normale, honore à jamais le génie de cette première époque restauratrice, où l’esprit humain revenu à peine d’une terrible oppression n’avait pourtant rien perdu encore, comme cela se vit plus tard, de sa hardiesse et de sa grandeur. […] Biot, parce que pour une raison ou pour une autre, et sans doute parce qu’il l’estimait trop accentué dans le sens philosophique, dans le sens de Condorcet dont il était fort revenu, il n’a pas jugé à propos de le recueillir dans ses trois volumes de Mélanges.
Il revient à la compagnie et s’aigrit contre elle. […] être aussi ferme et aussi patient qu’il est insupportable, et attendre en paix qu’il revienne demain aussi sage qu’il était hier. […] que l’âge d’or revienne par lui ! […] Sans doute Homère lui fournissait d’admirables images et des à-propos, où la colère d’Achille, la douceur de Patrocle revenaient souvent.