Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère. […] C’est dans le livre même qu’il faut voir ces modèles complets qui ne restèrent point à l’état d’idée, et qui se réalisèrent avec plus ou moins de gravité et de douceur dans ces figures encore charmantes et légèrement distinctes sous le voile, Mme du Pérou, Mme de Glapion, Mme de Fontaines, Mme de Berval.
Bossuet était tout à fait exempt de ce léger paganisme littéraire auquel continuait de sacrifier le talent de Fénelon dans sa grâce restée adolescente ; il n’était pas homme, même au sortir d’une lecture de L’Odyssée, à s’asseoir en souriant dans la grotte des nymphes. […] Sa faiblesse (si l’on était tenté d’en rechercher les indices) se montrerait surtout en ce qu’il céda aux instances de sa famille, de son neveu particulièrement, et que, dans cet état d’infirmité et de décadence physique, il s’obstina à rester trop longuement à Versailles, afin de solliciter sans doute en faveur de ce neveu, qui paraît avoir été un personnage sec, égoïste et exigeant.
Vauvenargues a eu ses orages et ses enthousiasmes, mais il ne paraît pas qu’il les ait eus en ce sens ; il y faut renoncer, et ne voir définitivement dans les morceaux tant discutés, et jusqu’ici restés énigmatiques, que les essais d’un écolier généreux, sincère en tant qu’apprenti, mais non les convictions vives de l’homme. […] On souffre de voir cet homme distingué et qui promettait presque un grand homme, si à la gêne et si peu favorisé de la fortune qu’il ne peut faire un voyage en Angleterre, où l’appelleraient ses études et aussi des médecins à consulter pour ses yeux et pour ses autres infirmités ; on souffre de le voir ne venir d’abord à Paris qu’à la volée et n’y rester que peu de temps par les mêmes raisons misérables.
Au reste gardons-nous bien des professions de foi ; restons dans notre rôle d’observateur qui veut être exact : je vais seulement faire deux ou trois suppositions qui n’en sont pas, mais qui sont des cas en effet existants. — Quoi ! […] Cette page restera.