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14. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Julien et son frère se rencontrèrent peu de temps après dans les bois et dans le monastère de Camaldoli, solitude à la fois solennelle et gracieuse, voisine de Valombreuse, avec d’autres poëtes et philosophes toscans. […] Le plaisir qu’ils eurent d’abord à se rencontrer fut encore augmenté par l’arrivée de Leo Battista Alberti, qui, en revenant de Rome, avait rencontré Marsile Ficino, et l’avait engagé à passer avec lui le temps des chaleurs de l’automne dans la retraite délicieuse de Camaldoli. […] Entraîné par cette illusion, je me mis à considérer combien était cruelle la destinée de ceux qui l’avaient aimée ; ensuite j’examinai s’il y avait dans cette ville quelque autre dame qui méritât tant d’honneurs et de louanges, et je pensai à la félicité dont jouirait un mortel assez heureux pour rencontrer un objet si digne de ses vers. Je cherchai donc pendant quelque temps, sans avoir la satisfaction de rencontrer une personne qui méritât, du moins autant que j’en pouvais juger, un attachement constant et sincère ; mais, comme j’étais près de renoncer à tout espoir de succès, le hasard me fit rencontrer ce qui jusque-là s’était refusé à mes recherches les plus obstinées, comme si le dieu d’amour eût voulu choisir ce moment pour me donner une preuve irrésistible de sa puissance. […] Bandini, plus résolu, se jeta sur lui avec son poignard encore dégouttant du sang de Julien ; mais il rencontra François Nori, un des familiers des Médicis, accouru au secours de son maître, qui le fit tomber mort à ses pieds.

15. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Mais recherchons dans quels moments de la tragédie le spectateur peut espérer de rencontrer ces instants délicieux d’illusion parfaite. Ces instants charmants ne se rencontrent ni au moment d’un changement de scène, ni au moment précis où le poète fait sauter douze ou quinze jours au spectateur, ni au moment où le poète est obligé de placer un long récit dans la bouche d’un de ses personnages, uniquement pour informer le spectateur d’un fait antérieur, et dont la connaissance lui est nécessaire, ni au moment où arrivent trois ou quatre vers admirables, et remarquables comme vers. Ces instants délicieux et si rares d’illusion parfaite ne peuvent se rencontrer que dans la chaleur d’une scène animée, lorsque les répliques des acteurs se pressent ; par exemple, quand Hermione dit à Oreste, qui vient d’assassiner Pyrrhus par son ordre : Qui te l’a dit ? […] Ces morceaux ne sont faits que pour amener les scènes durant lesquelles les spectateurs rencontrent ces demi-secondes si délicieuses ; or, je dis que ces courts moments d’illusion parfaite se trouvent plus souvent dans les tragédies de Shakspeare que dans les tragédies de Racine.

16. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Ce qu’on appelle les figures de construction sont des incorrections plus ou moins fortes : comme elles se rencontrent assez souvent chez les grands écrivains, on les a décorées de noms savants qui les voilent ou même les proposent à l’admiration : syllepse, ellipse, pléonasme, etc. […] Il suffit d’ouvrir le livre de La Bruyère pour rencontrer à chaque page l’antithèse dans sa pure et forte brièveté. […] Cela même marque l’emploi et les limites de l’antithèse ; si les idées ne se sont pas violemment rencontrées dans l’esprit, le cliquetis des mots est vain : le bruit qu’ils font est la fin dernière de leur choc ; c’est ferrailler, ce n’est plus s’escrimer.

17. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre premier. De l’Écriture et de son excellence. »

Vingt auteurs, vivant à des époques très éloignées les unes des autres, ont travaillé aux livres saints ; et, quoiqu’ils aient employé vingt styles divers, ces styles, toujours inimitables, ne se rencontrent dans aucune composition. […] Il n’y a pas une position dans la vie pour laquelle on ne puisse rencontrer, dans la Bible, un verset qui semble dicté tout exprès.

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